En quoi consiste l’alphathérapie au plomb 212 ? - Sfen

En quoi consiste l’alphathérapie au plomb 212 ?

Publié le 4 juin 2025 - Mis à jour le 5 juin 2025
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L’alphathérapie ciblée est une technique médicale développée pour le traitement des cancers. Faisant appel au plomb 212, un élément radioactif issu du thorium, il présenterait de très bons résultats pour les patients, même pour certains en impasse de traitement.

Pour venir à bout des cancers, plusieurs techniques ont été développées au fil du temps : la chirurgie, la chimiothérapie, l’immunothérapie, la radiothérapie, etc. Cette dernière est une technique médicale nucléaire. Elle exploite les rayonnements (rayons X, rayons gamma et particules) pour détruire les cellules cancéreuses. C’est aujourd’hui l’une des méthodes les plus couramment utilisées dans le monde. Depuis quelques années, une nouvelle technologie médicale nucléaire fait parler d’elle et ne cesse de faire ses preuves : l’alphathérapie ciblée. De la même façon, elle utilise un rayonnement ionisant pour éliminer les cellules tumorales : ici c’est le rayonnement alpha. En France, la filiale d’Orano, Orano Med, créée en 2009, a effectué de nombreuses études sur cette technologie innovante et a également mené plusieurs essais sur des patients. Elle en est l’un des leaders dans le monde.

Du thorium au plomb

Lorsqu’elle a extrait par le passé de l’uranium sur le territoire français, Orano a également pu former un stock conséquent de thorium 232, soit l’équivalent de 22 000 fûts. Cet élément est le précurseur du plomb 212. En effet, après une chaîne de désintégration de plusieurs années — passant successivement par plusieurs éléments radioactifs, tels que le radium 228, thorium 228, radium 224 — le Th 232 se transforme finalement en Pb 212.

Chaîne de désintégration du Thorium 232 (modifié), Source : Researchgate, H. Paradis

Le thorium produit de façon continue ses éléments descendants (aussi appelés fils). Ponctuellement, ceux-ci vont successivement être extraits, puis purifiés, dans les laboratoires. Cette méthode est entièrement chimique et n’a recours ni à des réacteurs nucléaires ni à des accélérateurs de particules. Le thorium 232, lui, est conservé pour produire à nouveau ses descendants au sein des fûts. Par la suite, un fût peut être réutilisé 15 ans après sa précédente dissolution et ce cycle peut être reproduit à l’infini. Ce processus garantit donc des quantités presque illimitées de plomb 212 et on considère que les 22 000 fûts dont dispose Orano Med peuvent permettre de produire plus de 200 000 doses de médicaments par an.

L’alphathérapie ciblée

Les rayons alpha sont très prometteurs pour éliminer les cellules cancéreuses en limitant la toxicité du traitement. D’une part, les émetteurs alpha ont une distance de propagation assez courte, ce qui limite drastiquement l’irradiation des cellules saines à proximité. Ils touchent seulement 2 à 5 couches cellulaires (contre plus de 50 pour les rayonnements beta), se cantonnant de cette manière à toucher la tumeur uniquement. D’autre part, ils ont une très forte énergie (100 keV.μm-1), soit 100 fois plus importante que celle de rayonnements bêta. Ils peuvent alors provoquer des doubles cassures irréparables sur le brin de l’ADN des cellules tumorales. Par ailleurs, il n’est pas nécessaire d’en utiliser un grand nombre pour que l’opération soit une réussite, entre 1 et 5 émetteurs alpha suffisent.

Cela étant dit, d’autres émetteurs alpha que le plomb 212 auraient pu être utilisés. Néanmoins, pour être efficace, l’alphathérapie requiert l’utilisation d’éléments radioactifs à la durée de vie adéquate, soit supérieure à l’heure et inférieure à plusieurs jours. De cette manière, l’élément peut « survivre » assez longtemps, de la préparation du traitement jusqu’à son injection. Mais, il ne restera pas longtemps dans l’organisme du patient. Par ailleurs, la production doit être économiquement viable. Ainsi en raison du stock conséquent de Th 232 à disposition et de la durée de vie appropriée du Pb 212 (un peu moins de 11 heures), celui-ci est le parfait candidat.

Le traitement consiste en une combinaison du plomb 212 avec un vecteur biologique (peptide, anticorps, etc.), servant à cibler et reconnaître la cellule tumorale. Un vecteur spécifique doit être utilisé pour chaque type de cellules cancéreuses. Un chélatant permet de lier le plomb 212 au vecteur. À terme, il existera donc un médicament différent pour chaque type de cancer. Actuellement, le médicament au stade le plus mature (phase 2/3) [1] est « AlphaMedix » pour le traitement des tumeurs neuroendocrines. Orano Med répertorie l’état d’avancement de tous ses médicaments en développement. ■

Par François Terminet (Sfen)

Image : Mécanisme d’action du traitement développé par Orano Med, Source : Orano Med/Orano

[1] La phase 2 indique si un médicament présente un signal d’efficacité permettant par exemple de ralentir l’évolution ou de faire régresser un cancer. L’essai clinique de phase 3compare l’efficacité du nouveau médicament à un autre traitement. Source : roseup

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