Comment l’énergie nucléaire permet-elle de faire fonctionner les appareils dans l’espace ?
Dans l’espace, il est parfois nécessaire de recourir aux technologies nucléaires là où les conditions solaires ne sont pas satisfaisantes et pour des missions de longues durées. C’est ici que le RTG prend tout son sens. Grâce à la désintégration radioactive du plutonium, cet appareil permet d’alimenter en électricité tous types de vaisseaux.
Le nucléaire intervient dans un vaste panel de secteurs d’activité : la production d’électricité, la confection de radioisotopes médicaux ou à des fins industrielles, la défense … quoi d’autre ? Le spatial ! Oui, le nucléaire repousse aussi les limites terrestres et trouve sa place dans ce domaine. Les RTG (Radioisotope Thermoelectric Generators) ou « Générateurs thermoélectriques à radioisotopes » ont précisément été conçus pour ça, en jouant un véritable rôle de « batteries nucléaires » pour les vaisseaux spatiaux en tout genre et les rovers (ou « astromobiles » en français). Ceux-ci ont par ailleurs déjà servi par le passé, notamment pour les sondes Galileo, Cassini, Ulysses et New-Horizons.
Le nucléaire là où les autres ne peuvent aller
Les RTG sont particulièrement appropriés là où le rayonnement du Soleil est trop faible pour l’utilisation de panneaux solaires. En effet, les nuits lunaires sont beaucoup plus longues que sur Terre (un peu plus de 14 jours), par conséquent, pour des missions sur la Lune, les appareils nécessitent une autonomie énergétique en continu que ne peuvent fournir les panneaux solaires.
De la même manière, plus un appareil spatial s’éloigne du Soleil, plus l’intensité des rayons solaires qu’il reçoit diminue. Par exemple, Titan reçoit environ 90 fois moins de rayonnement solaire que sur Terre. En outre, les rovers utilisés sur Mars font face à des conditions météorologiques particulières, avec le dépôt de poussières notamment, qui peuvent rapidement contraindre l’efficacité des panneaux solaires. L’utilisation de carburants chimiques (kérosène, hydrogène), elle, est restreinte par la taille très volumineuse que prendrait les équipements de stockage.
Chaleur et électricité
En physique nucléaire, il existe deux façons de produire de l’énergie. D’une part, grâce à la fission nucléaire (de l’Uranium 235 principalement) comme dans nos réacteurs nucléaires, d’autre part, avec le rayonnement naturel émis par la décroissance radioactive d’un élément. La décroissance radioactive est le phénomène par lequel un atome perd petit à petit sa radioactivité. Il se décharge ainsi de son énergie excessive en émettant des rayonnements invisibles à l’œil nu (alpha, bêta ou gamma). Un RTG est un système énergétique nucléaire à radio-isotopes, qui se sert ainsi de ce phénomène naturel pour alimenter en électricité les équipement spatiaux et/ou les protéger du froid extrême de l’espace. Cette décroissance radioactive s’opère sur des atomes instables comme le Plutonium 238 ou l’Américium 241 par exemple [1].
Le rayonnement émis par le combustible des RTG est un rayonnement alpha. Ce dernier correspond à un flux de noyaux d’hélium. Il produit beaucoup d’énergie et est à la fois très facile à bloquer grâce à une simple feuille de papier, ce qui permet de faciliter les conditions de radioprotection pour les spationautes. En pratique, ce n’est pas une simple feuille de papier qui enveloppe le combustible des RTG. En effet, le Plutonium 238 est aujourd’hui l’élément le plus utilisé pour ces « batteries nucléaires ». Ayant une demi-vie relativement faible (88 ans) et une puissance massique élevée, il produit une chaleur importante en continu [2]. Il est sous forme d’oxyde, compressé en une pastille céramique. La pastille est ensuite encapsulée dans de multiples couches de matières protectrices (iridium et graphite), et logée dans un boitier conçu pour garantir l’intégrité des capsules et la non dispersion du combustible en cas d’accident (voir l’image ci-dessous).
Schéma d’assemblage d’un RTG ayant équipé les sondes Galileo, Cassini, Ulysses et New-Horizons
Un RTG permet de produire de l’électricité. Un thermocouple est utilisé pour convertir la chaleur émise par la décroissance radioactive en électricité. A contrario, lorsqu’il a pour vocation de produire de la chaleur, on parle de chaufferette radio-isotopique ou RHU (Radioisotope Heating Unit). La chaleur émise par décroissance radioactive est utilisée pour maintenir à une température idéale les équipements des vaisseaux spatiaux, contribuant ainsi à leur survie. Ces appareils délivrent une puissance électrique allant de 100 à 300 We. Ce sont des dispositifs très compacts, de forme cylindrique, d’environ 1 mètre de long par 40 cm de diamètre.
Les RTG pour le stockage géologique profond
Dans quelles circonstances les RTG pourraient avoir une utilité sur notre planète ? Sous terre à très forte profondeur ! En effet, l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) a lancé en 2017, dans le cadre du programme « Nucléaire de Demain », un projet de RTG pour alimenter les appareils électriques (placés en profondeur) du futur site de stockage géologique Cigéo. Ces RTG permettraient d’alimenter de façon autonome grâce à une source d’Américium 241, les capteurs électriques des alvéoles de stockage pendant une centaine d’années sans nécessité de connexion avec la surface. ■
Par François Terminet (Sfen)
Image : Mars 2020 RTG de la DOE, Source : Département de l’Énergie des États-Unis
[1] Les radioisotopes utilisés ont généralement une durée de vie de plusieurs dizaines d’années minimum, car ils doivent rentrer en cohérence avec la durée des missions spatiales.
[2] La chaleur produite par le Pu 238 est de 560 watts par kilogramme pour une demi-vie de 88 ans et pour l’Am 241, elle est de 115 watts par kilogramme pour une demi-vie de 433 ans. La chaleur dégagée pour une masse donnée est donc nettement plus élevée pour le Pu 238 mais cette chaleur diminue plus vite avec le temps. Par exemple, au bout de 50 ans, la chaleur dégagée n’est plus que de 68 % de la chaleur produite initialement pour le Pu 238 alors qu’elle est encore de 92 % pour l’Am 241.