Qu’est-ce qu’un actinide mineur ? - Sfen

Qu’est-ce qu’un actinide mineur ?

Publié le 21 février 2024
Vos questions

Bien que les actinides mineurs représentent une quantité très infime du volume des déchets nucléaires, ce sont les éléments dont la radioactivité, très importante, dure le plus longtemps. Exclusivement générés au sein des réacteurs nucléaires, les actinides mineurs sont des descendants des isotopes de l’uranium.

Les actinides et les actinides mineurs sont deux groupes d’éléments chimiques apparentés. La différence entre ces deux familles réside principalement dans leur quantité. La prise en charge des actinides mineurs est un enjeu clé de la filière électronucléaire.

LES ACTINIDES

Les actinides sont des métaux lourds dont le numéro atomique est compris entre 89 (l’actinium, dont les actinides tirent leur nom) et 103 (le lawrencium). Cette famille, classée dans le tableau périodique (image ci-dessous), est composée de 15 éléments aux propriétés chimiques similaires.

L’uranium, de numéro atomique 92, appartient à cette famille et c’est l’élément le plus lourd que l’on trouve dans la nature. Au-delà de l’uranium, ce sont des éléments artificiels, appelés encore transuraniens (les éléments chimiques dont le numéro atomique est supérieur à l’uranium), créés dans les réacteurs nucléaires (donc anthropiques) par différents réactions nucléaires ou par décroissance radioactive d’autres actinides. Parmi ces éléments, on trouve le plutonium qui est formé en grandes quantités alors que les autres sont formés en quantités beaucoup plus petites : c’est la raison pour laquelle on les qualifie de « mineurs ».

Tableau périodique des éléments

 

LES ACTINIDES MINEURS

Les actinides « mineurs », produits dans les réacteurs, représentent environ 600 grammes par tonne de combustible irradié, soit 1 tonne par an pour le parc nucléaire français. Pour une décharge annuelle de combustibles à l’uranium enrichi usés d’un réacteur de 1300 MW par exemple , on retrouve en moyenne 33 tonnes d’uranium (~ 94 %), 1,2 tonne de produits de fission (~ 4 %), 360 kg de plutonium (~ 1,2 %), et 27 kg d’actinides mineurs (< 0,1 %).

On en distingue 3 familles principales :

  • Le neptunium-237. Il a une activité radiologique assez faible. Sa demi-vie est de 2,15 millions d’années.
  • Les deux isotopes de l’américium. L’américium-241 a une demi-vie de 432 ans. Passé le demi-siècle et jusqu’à quelques milliers d’années, il devient l’élément qui concentre le plus d’activité dans les déchets de haute activité. L’américium-243, lui a une demi-vie de 7 370 ans.
  • Les isotopes du curium (243, 244 et 245). Le curium-244 principalement, en sortie de réacteur, concentre environ 60 % de l’activité radiologique. Il disparaît à l’échelle du siècle, avec une demi-vie de 18 ans.

Ces actinides mineurs se forment en suivant une cascade de captures neutroniques (c’est-à-dire qu’un noyau capture un neutron sans se désintégrer et fusionnent pour former un noyau plus lourd) et/ou de désintégration.

Pour comprendre plus précisément leur formation, il est important de rappeler qu’au sein d’un réacteur nucléaire, un neutron a plusieurs possibilités d’interactions. Entre autres, on retrouve ci-dessous les cinq principales :

  • Le neutron entre en collision avec le noyau d’un atome mais n’a pas d’interaction particulière, il est éjecté ;
  • Il est perdu par fuite car il n’a pas rencontré d’atome et quitte le réacteur ;
  • Il scinde un atome fissile en deux, c’est la fission ;
  • Il est absorbé par un atome fissile, ne le scinde pas et forme un nouvel élément, c’est une capture stérile ;
  • Il est absorbé par un atome fertile et forme un atome fissile, c’est la capture fertile.

Ces deux derniers points sont les interactions principales des neutrons avec les atomes, qui donneront naissance aux actinides mineurs.

Plusieurs captures successives de neutrons donnent progressivement naissance à l’uranium 237. Ce dernier se transforme en neptunium 237 (Np 237) suite à sa décroissance radioactive (voir figure ci-dessous). Il aura donc plus forte tendance à se former dans des combustibles à uranium fortement enrichi.

Schéma simplifié de la formation du Neptunium 237

L’américium 241 et l’américium 243 sont tous deux issus à l’origine du Pu 239 (qui lui se forme à partir de l’U 238 au sein des réacteurs). L’Am 241 provient de la décroissance radioactive du Pu 241 et l’Am 243, d’une décroissance radioactive du Pu 243 (voir figure ci-dessous). L’Am 243 n’est formé qu’au cours de l’irradiation du combustible, en revanche l’Am 241 continue toujours à être produit pendant son refroidissement.

Enfin il existe aussi plusieurs isotopes du curium considérés comme des actinides mineurs. Ils sont produits à partir d’une succession de captures de neutrons en ayant pour sources principales l’Am 242 et l’Am 244, suite à leur décroissance radioactive (voir figure ci-dessous).

Schéma simplifié de la formation des isotopes de l’Américium et du Curium

PRISE EN CHARGE DES ACTINIDES MINEURS

Les actinides mineurs n’ont actuellement pas de réutilisation possible dans l’industrie nucléaire ou dans toutes autres activités. De plus, ils sont très radiotoxiques du fait qu’ils émettent des rayonnements alpha fortement nocifs pour les organismes, s’ils sont ingérés ou inhalés. Ils rentrent dans la catégorie des déchets de haute activité (HA) et ne représentent que 0,1 % de leur volume. Pour le moment en France, suite à l’opération de traitement du combustible usé, ils sont conditionnés dans des colis standards de déchets vitrifiés. Ces derniers sont entreposés sur le site de La Hague, avant leur futur stockage définitif en couche géologique profonde dans le cadre du projet Cigéo.

A l’avenir, les actinides mineurs, plus particulièrement l’américium, pourraient éventuellement être séparés lors du traitement des combustibles usés pour être chargés dans des réacteurs avancés à neutrons rapides dit de quatrième génération dans l’objectif d’être transmutés, c’est-à-dire transformés en d’autres radionucléides de période radioactive plus courte.

Le projet de recherche RTG (Radio-isotopic Thermal Generator), lancé en 2017 et accompagné par l’Andra dans le cadre du programme « Nucléaire de Demain », a pour objectif de développer des systèmes d’alimentation électriques autonomes avec une source d’Am 241. Ces RTG permettraient d’alimenter de façon autonome les capteurs électriques des alvéoles de stockage pendant une centaine d’années, le tout sans câbles traversant les couches géologiques. Dans des conditions spatiales similaires à celles de Cigéo pour l’alimentation des appareils électriques, l’utilisation de l’Am 241 est aussi envisagée comme combustible pour des RTG dédiés au secteur spatial. ■

Par François Terminet (Sfen)

Photo : Image conceptuelle Actinide – Neptunium, Source : ©Shutterstock

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