Pourrait-on construire des centrales nucléaires sur les futures bases spatiales ?
Pour les projets de bases lunaires ou martiennes, l’énergie nucléaire pourrait être d’un grand secours, là où d’autres énergies atteignent leurs limites. De nombreux pays étudient ainsi les diverses technologies qui pourraient être développées pour répondre à ce besoin : on y retrouve notamment des projets de SMR ou d’AMR.
La Lune et Mars sont des milieux aux conditions très hostiles. Chez l’une les nuits sont extrêmement longues (14 jours terrestres) et très froides, chez l’autre les tempêtes de sable peuvent être redoutables. Alors que le spatial est en plein essor, les programmes d’exploration commencent à s’accélérer avec parmi eux les bases lunaires et martiennes. Et les énergies solaire ou chimiques ont leurs limites. De la même façon que pour la propulsion des vaisseaux spatiaux ou leur alimentation en électricité, le nucléaire pourrait donc être la clé.
Le nucléaire à la rescousse
Dans l’espace, l’énergie nucléaire est plus stable dans la durée, plus puissante et plus pilotable que peut l’être l’énergie solaire par exemple. Pour l’alimentation en électricité des rovers et des sondes, les missions de longues distances ou encore les communications, en fin de compte les applications nécessitant des puissances relativement faibles, les RTG ou les RHU pourront être utilisés. Pour des missions plus ambitieuses et plus « gourmandes » en énergie, comme les bases ou vaisseaux habités, des systèmes nucléaires plus puissants seront nécessaires.
Par le passé, plusieurs projets ont tenté d’intégrer le nucléaire dans les programmes de bases habitables, tel que l’URSS en 1970 avec Zvezda. Depuis quelques années, de nombreux projets commencent à nouveau à voir le jour, avec notamment le projet Artemis de la Nasa et le Moon Village de l’Agence spatiale européenne (ESA). Tous ces projets demanderont des puissances électriques conséquentes que peuvent fournir les réacteurs nucléaires (mais tout de même pas au niveau d’un EPR ou d’un REP). On estime qu’une centaine de kilowatteurs pourraient fournir assez d’énergies électrique et calorifique [1] pour une dizaine de spationautes sur plusieurs années. Ces systèmes nécessiteront par ailleurs des lanceurs lourds, capables d’envoyer de grandes quantités de matériels dans l’espace, soit plusieurs dizaines de tonnes [2]. À noter que contrairement aux déchets radioactifs qui sont donc irradiés, l’envoi de combustibles neufs présente un risque négligeable au décollage.
Le rapport poids/puissance
Le problème des réacteurs nucléaires, c’est leurs poids. Il est important de trouver un rapport poids/puissance convenable pour le réacteur, d’une part pour répondre aux besoins énergétiques de la base et, d’autre part, pour pouvoir quitter la Terre.
La Nasa a lancé depuis 2012 le projet KRUSTY (Kilopower Reactor Using Stirling Technology). Il intègre un petit réacteur nucléaire, semblable aux technologies SMR, fonctionnant grâce à la fission nucléaire de l’uranium 235. Il peut fournir jusqu’à 10 kWe en continu pendant au moins 10 ans. Les unités peuvent ensuite être multipliées pour augmenter la puissance suivant le besoin. Pour un réacteur comme celui-ci il faut compter entre 1,5 à 2 tonnes. Le rapport poids/puissance reste ici optimisable. Le réacteur a déjà réussi ses essais à terre en 2018 et devrait être essayé pour la première fois sur le Lune à la fin des années 2020.
Des ingénieurs de la NASA et de la NNSA autour du réacteur Kilopower. Crédits : Laboratoire national de Los Alamos
Ailleurs, les projets de réacteurs nucléaires spatiaux gagnent également du terrain. Les technologies AMR sont de plus en plus privilégiées, notamment en Chine ou en France (avec le CEA en coopération avec le CNES), car elles pourraient fournir un meilleur rapport poids/puissance que les technologies plus classiques. ■