Comment les centrales nucléaires gèrent-elles les risques de submersion et d’inondation ?
Les risques de submersion et d’inondation sont des sujets de sûreté pris très au sérieux par l’industrie nucléaire. Les retours d’expérience d’événements passés, tels que l’accident de Fukushima, ont permis de prévenir ces risques dans la conception des futurs réacteurs EPR2 du parc français et de renforcer les critères de sûreté déjà intégrés dans les centrales existantes.
Les centrales nucléaires sont implantées en bord de mer ou à proximité des cours d‘eau pour leurs besoins en eau. Ces implantations induisent un risque de confrontation à des phénomènes naturels comme des submersions ou des inondations par crue, qui peuvent engendrer des répercussions plus ou moins graves pour les centrales, allant par exemple de l’obstruction des voies d’accès à la perte du réseau électrique. Ainsi, au regard du contexte climatique mondial et des phénomènes météorologiques extrêmes qui se multiplient, la question de la gestion, par les centrales nucléaires, des risques de submersion et d’inondation, peut se poser.
Les risques de submersion en bord de mer
Quelques installations nucléaires sont localisées en bord de mer, comme les centrales de Flamanville ou de Gravelines par exemple. Celles-ci sont concernées par un risque de submersion. Celui-ci va principalement dépendre de la hausse du niveau de la mer lors de fortes tempêtes, qui peut être majoré avec l’élévation du niveau global de la mer, ainsi que l’effet de houle et le phénomène de clapot. Le clapot est un état, instable et localisé, d’agitation de la mer provoqué par des vents.
La conception initiale du réacteur et de la centrale inclue aujourd’hui toutes les connaissances accumulées sur le changement climatique et les phénomènes naturels qui lui sont liés. De plus, les retours d’expérience d’événements ultérieurs, tels que l’accident de Fukushima en 2011 et l’inondation de la centrale du Blayais en 1999, ont aussi largement permis d’intégrer les risques de ces aléas climatiques dans la conception des centrales. Plusieurs éléments sont intégrés dans le design des futures centrales du parc nucléaire français ou ont été renforcées pour les existantes. Les digues ont notamment été réhaussées et renforcées en conséquence et des protections périphériques anti-inondation ont été installées. D’autres moyens de protection (obturateurs, clapets, etc.) sont aussi prévus pour protéger les dispositifs de sûreté des installations. Dans le cas de la centrale de Gravelines, la plateforme, qui accueillera les réacteurs EPR2, se situe à 11 mètres de hauteur, ajoutant une protection accrue contre les éventuelles inondations les plus extrêmes. L’approche de la gestion de ce risque est en fait systémique et adaptée à la particularité et l’évaluation de chaque site. Les visites décennales des centrales permettant par ailleurs de réévaluer régulièrement (entre autres) les critères de sûreté liés à la submersion.
Pour finir, dans le cas où une centrale venait à être totalement submergée, difficile d’accès et déconnectée du réseau, celle-ci est en capacité de fonctionner en mode « ilotage ». De cette façon, elle fonctionne à puissance réduite et peut alimenter les équipements essentiels de la centrale. Les diesels d’ultime secours (DUS) permettent aussi en dernier recours de fournir de l’électricité à la centrale et d’assurer le refroidissement du réacteur.
Les risques d’inondation près des cours d’eau
La majorité des centrales nucléaires sont situées le long de cours d’eau. Dans certaines de ces régions, les intempéries génèrent parfois des précipitations brutales et en grandes quantités. Par conséquent, ces fortes pluies peuvent conduire à des inondations suivant plusieurs origines : le débordement d’un cours d’eau, le ruissellement lié à l’imperméabilité du sol qui empêche l’infiltration de l’eau ou encore la remontée des eaux provenant des nappes phréatiques.
De la même façon que pour les centrales en bord de mer, la conception des centrales situées le long des cours d’eau intègre ces aléas climatiques et tient compte également des retours d’expérience. Plus particulièrement, aujourd’hui, les risques naturels hectomillénaires (c’est-à-dire ceux qui ont une chance sur 100 000 de se produire) sont pris en compte dans les critères de sûreté des centrales nucléaires. Plusieurs dispositifs ont été déployés pour protéger les centrales des inondations. On retrouve par exemple : les digues à proximité des bords d’eau, des batardeaux modulables faisant office de protection étanches anti-inondation pour les équipements de sûreté de l’installation et les éléments sensibles, le rehaussement des bouches de ventilation, etc.
Ces centrales peuvent aussi fonctionner en mode « ilotage » si nécessaire. L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) est aussi en droit d’exiger l’arrêt de réacteurs si les conditions de sûreté ne sont pas ou ne peuvent être respectées. À titre d’exemple, elle avait ordonné l’arrêt des réacteurs de la centrale du Tricastin en 2017, le temps que des travaux puissent être faits pour renforcer la digue du canal de Donzère-Mondragon (pour tenir en cas de séisme sévère).
Inondation et submersion extrêmes : rien ne résiste à la FARN
Dans le cadre de situations extrêmes, entre autres en cas d’inondation ou de submersion, la FARN (Force d’action rapide nucléaire) peut être déployée. En appui externe aux centrales nucléaires, elle est capable de reprendre le contrôle des installations en moins de 24 heures. Composée de plus de 300 personnes, c’est une unité d’élite formée et entraînée pour intervenir dans des situations extrêmes (haut niveau radioactivité, zones inondées, sans communication, etc.). Elle veille 24h/24, 7 jours sur 7 et 60 équipiers sont prêts à intervenir à tout moment. Aujourd’hui, ce dimensionnement lui permet de reprendre le contrôle de la plus grande centrale française en service actuellement, c’est-à-dire celle de Gravelines avec 6 réacteurs. Elle dispose de matériels et de supports logistiques de pointe, tels que des hélicoptères, des grues, des barges, des drones, etc. À ce jour, la FARN n’a jamais été déployée, car aucune situation ne l’a nécessité. Elle s’entraîne toutefois régulièrement pour rester constamment opérationnelle. ■