Quelles solutions ont été envisagées par le passé pour gérer les déchets les plus radioactifs ? - Sfen

Quelles solutions ont été envisagées par le passé pour gérer les déchets les plus radioactifs ?

Publié le 19 mars 2025
Vos questions

Le stockage en couche géologique profonde est la solution retenue par la France et la plupart des pays pour la gestion des déchets les plus radioactifs. Ce n’est cependant pas la seule option qui a été imaginée par le passé. En effet, plusieurs voies, telles que l’incinération dans un volcan, l’immersion ou encore l’envoi dans l’espace des déchets, ont été étudiées par plusieurs pays. 

Aujourd’hui, le consensus scientifique établit que le stockage géologique profond est la solution à retenir pour gérer les déchets les plus radioactifs. En France, c’est une couche argileuse à 500 mètres de profondeur qui est visée. Le projet Cigéo y sera construit et accueillera les déchets MA-VL (moyenne activité à vie longue) et HA (haute activité). Cette solution permettra le confinement des éléments radioactifs pendant toute leur durée de vie, soit pour plusieurs centaines de milliers d’années pour certains, de manière à ce qu’ils ne présentent aucun danger pour l’environnement et la santé humaine. Des solutions similaires ont été choisies par bon nombre de pays qui produisent des déchets nucléaires [1]. Mais d’autres options ont été envisagées par le passé. Certaines très surprenantes !

  1. Stockage en forage

Une première alternative, assez similaire au stockage géologique profond, consistait à placer les déchets nucléaires dans des puits de forage. Ce qui la différencie est la réalisation de toutes les opérations de stockage à partir de la surface. Plusieurs déclinaisons ont été explorées par le passé, en particulier par les États-Unis, la Russie ou le Royaume-Uni.

  1. La première devait permettre l’immobilisation des déchets grâce à leur fusion avec des roches principalement granitiques entre deux et quatre kilomètres de profondeur.
  2. La deuxième consistait à injecter les déchets radioactifs sous forme liquide dans des couches poreuses. Celles-ci devaient néanmoins être encadrées de barrières naturelles ou artificielles pour empêcher la dispersion des éléments radioactifs, facilitée par les réseaux hydrologiques en profondeur
  3. La troisième reposait sur l’empilement des déchets encapsulés dans des forages profonds. Plus réaliste, cette piste a néanmoins été freinée en raison des limites technologiques de l’époque. Certains pays s’y intéressent de plus près aujourd’hui, en particulier ceux présentant un faible stock de déchets radioactifs.

      2. Immersion dans les océans

Grâce à la dilution évidente que peuvent fournir les vastes étendues d’eau des océans, l’immersion avait pour objectif de larguer les déchets hautement radioactifs dans les grands fonds marins à plus de 5 000 mètres de profondeur ou sur les zones de subduction pour les faire rejoindre à terme le manteau terrestre. Les études ont très vite rencontré des limites liées à l’éventuelle dispersion des éléments radioactifs avec la corrosion des colis et les colonnes d’eau qui relient à certains endroits le fond de la surface. Par la suite, des évolutions avaient été envisagées pour sceller en profondeur les colis dans le plancher océanique grâce à des formes pénétratives ou des forages. Concernant le stockage dans les fosses de subduction, cette hypothèse a été abandonnée, car ces phénomènes géologiques sont beaucoup trop lents.

Par le passé, plusieurs pays ont eu recours aux techniques d’immersion dans plusieurs zones des océans Atlantique et Pacifique. Toutes les opérations ont cependant été arrêtées au début des années 80, à la suite de la Convention de Londres, pour la préservation des milieux marins, mais également pour l’éventuelle exploitation future des ressources naturelles présentes dans les profondeurs marines. Par ailleurs, ces options de stockage ne permettent pas une surveillance et une récupérabilité optimales des déchets.

     3. La congélation dans les calottes glaciaires

La congélation des déchets consistait à faire pénétrer les déchets chauds dans la calotte glaciaire pour qu’ils s’immobilisent au cœur de la glace ou à sa base, suite au regel après leur passage. Celle-ci a rencontré les mêmes limites que l’immersion, en particulier avec le risque de corrosion fortement accrue dû à la présence de poches salées piégées dans les glaces.

     4. L’expédition dans l’espace

Des études ont été menées pour permettre l’envoi des colis de déchets hautement radioactifs dans l’espace, y compris dans le soleil. Une des premières conditions identifiées était la robustesse des colis, de manière à survivre à n’importe quelle situation accidentelle et par extension pour empêcher la dispersion d’éléments radioactifs dans l’atmosphère. Les États-Unis sont les principaux contributeurs à ces études, qui ont été arrêtées pour des raisons de coûts et des risques trop élevés aux lancements. Des chercheurs ont également envisagé la « propulsion » des déchets grâce à un canon électrostatique depuis une orbite basse ou grâce à un propulseur ionique moins énergivore.

     5. Incinération dans les volcans

L’incinération des déchets hautement radioactifs devait permettre leur combustion en les plaçant dans la lave d’un volcan. Celui-ci devait en outre répondre à un certain nombre de critères : actif, effusif (produisant de la lave) et qui n’explose pas. Très vite cette solution s’est elle aussi confrontée à de nombreuses limites. Dans un premier temps, les déchets radioactifs ne « brûlent » pas : les chauffer n’enlève rien à leur radioactivité. Dans un deuxième temps, la lave est trop dense, empêchant ainsi la pénétration des colis dans le cœur du volcan et plus profondément encore. Dans un troisième temps, les colis étant alors condamnés à rester en surface (ou en sub-surface), les températures atteintes par le magma ne sont pas suffisantes pour entrainer leur fusion (et ils resteraient tout de même radioactifs). Dans un quatrième temps, la combustion des déchets radioactifs pourrait conduire à la dispersion de gaz radioactifs qui pourraient parcourir de grandes distances sur le globe. Enfin, les études ont également été arrêtées pour des raisons éthiques, environnementales et politiques. ■

Par François Terminet (Sfen)

Image : Scientifiques dans la galerie de conception rigide du Laboratoire souterrain de Meuse Haute-Marne, Source : Andra

[1] La Finlande est le premier pays qui a entamé la construction de son site de stockage.

L’INFORMATION DE RÉFÉRENCE SUR L’ÉNERGIE NUCLÉAIRE Découvrir notre revue
L’INFORMATION DE RÉFÉRENCE SUR L’ÉNERGIE NUCLÉAIRE Découvrir notre revue