Qu’est-ce que l’effet Tcherenkov ?
La lumière bleue visible, entre autres, à la surface des piscines de refroidissement de combustibles nucléaires usés correspond à l’effet Tcherenkov. C’est un phénomène physique qui se manifeste lorsque certaines particules se déplacent plus vite que la vitesse de la lumière dans certains milieux.
Parmi tous les mystères que recèle la physique nucléaire, il en est un qui ne manque pas de fasciner. Sous certaines conditions, lorsque l’on met en route un réacteur nucléaire immergé dans l’eau, on voit apparaitre un puissant flash de lumière, suivi d’un rayonnement bleu digne d’une affiche du Grand bleu. C’est le rayonnement de Tcherenkov ! On assiste ici au déplacement ultra rapide de particules dans la piscine qui accueille le réacteur. Impossible d’aller plus vite que la lumière, me direz-vous ? Voyons cela de plus près !
Sur la vidéo ci-dessus, l’agitation de l’eau au démarrage du réacteur n’est pas liée à l’effet Tcherenkov.
Dans le vide, la vitesse de la lumière est de 299 792 km/s. Mais dans certains milieux, celle-ci est plus basse. Elle ne dépasse pas 225 563 km/s dans l’eau par exemple, voire 200 000 km/s dans le verre. C’est justement dans ces milieux que la vitesse de lumière peut alors être dépassée et c’est là l’origine du rayonnement de Tcherenkov, aussi appelé effet Tcherenkov. Il a été découvert par Pavel Tcherenkov en 1958.
Une bousculade en série
Dans l’eau, des particules chargées électriquement telles que les électrons, peuvent se déplacer à une vitesse supérieure à celle de la lumière. Pour cela, elles doivent avoir une énergie supérieure à 175 keV. Lorsqu’elles se déplacent à ces vitesses, ces particules bousculent sur leur passage les multiples atomes présents dans le milieu. Ce bousculement énergétique a pour effet d’écarter les électrons qui gravitent autour de chacun de ces atomes (avant qu’ils ne reviennent à leur place), ce qui dégage une onde lumineuse (des photons), dans une gamme de fréquences allant majoritairement du bleu au violet. C’est ça le rayonnement de Tcherenkov. Sur la trajectoire de la particule, cela peut se reproduire plus de 10 milliards de fois par mètre. La vitesse des particules régresse alors petit à petit, ce qui la rend finalement inférieure à celle de la lumière, stoppant ainsi l’effet Tcherenkov de la particule.
En physique, l’effet Tcherenkov est souvent comparé à l’onde de choc que créent les avions lorsqu’ils dépassent le mur du son, c’est-à-dire lorsqu’ils dépassent la vitesse du son. Ici, la particule plus rapide que la vitesse de la lumière représente l’avion et l’onde de choc correspond à la lumière bleue du rayonnement de Tcherenkov.
Modélisation animée de l’effet Tcherenkov (modifiée)
L’effet Tcherenkov dans le nucléaire
Le rayonnement de Tcherenkov peut être observé dans plusieurs situations dans le domaine du nucléaire. Ce rayonnement est en effet visible au-dessus de certains réacteurs de recherche immergés dans l’eau et également pendant le chargement d’un réacteur civil commercial. Par ailleurs, les piscines d’entreposage des combustibles usés émettent aussi ce rayonnement bleu en surface.
Ici, l’effet Tcherenkov ne peut être produit que par des électrons, suffisamment rapides pour dépasser la vitesse de la lumière dans l’eau. Étant stoppés par une feuille d’aluminium, les rayonnements bêta (une onde ayant les caractéristiques d’un électron) ne traversent pas les gaines en métal ceinturant le combustible immergé. Ce ne sont donc pas eux à l’origine du phénomène. Ce sont en fait les rayonnements gamma, eux capables de traverser le métal, qui vont interagir avec l’eau et « former » des électrons par effet Compton. Finalement, ces derniers pourront ensuite produire un rayonnement de Tcherenkov en se déplaçant rapidement dans l’eau.
Utilités du rayonnement Tcherenkov
Le rayonnement Tcherenkov a aujourd’hui de multiples utilités. Les astrophysiciens s’en servent pour analyser les rayonnements cosmiques gamma qui traversent l’atmosphère afin de mieux comprendre certains phénomènes liés à notre Univers. Il est aussi très utile pour les physiciens qui utilisent des accélérateurs de particules afin d’obtenir des informations sur la nature des particules. L’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique) se serre aussi de l’effet Tcherenkov pour contrôler les stocks présents dans les bassins d’entreposage du combustible usé des réacteurs nucléaires (grâce aux dispositifs XCVD ou DCVD), afin de s’assurer qu’il n’y ait pas eu de détournement. ■