Sûreté nucléaire : l’ASN dresse un bilan 2023 "satisfaisant" et appelle à anticiper l'avenir - Sfen

Sûreté nucléaire : l’ASN dresse un bilan 2023 « satisfaisant » et appelle à anticiper l’avenir

Le 16 mai 2024, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a présenté son rapport sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2023 à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst). Au-delà de cet exercice annuel, l’ASN a appelé à anticiper au mieux le futur des installations de la filière nucléaire.

L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a présenté son rapport de près de 400 pages devant les députés de l’Opecst faisant le bilan de la sûreté et de la radioprotection dans les secteurs de la santé et de l’énergie. Pour ce second domaine, l’ASN juge que « le niveau de sûreté des installations nucléaires en France en 2023 est satisfaisant ». Elle relève notamment « une moindre tension sur les installations du cycle du combustible qu’en 2022 ainsi que la mise en œuvre par EDF d’une « stratégie, jugée appropriée par l’ASN, pour faire face et traiter le phénomène de corrosion sous contrainte apparu sur certains de ses réacteurs ». Elle observe par ailleurs que les arrêts de tranche ont été « plus longs mais mieux maîtrisés ». Le président de l’ASN Bernard Doroszczuk a aussi souligné « une amélioration significative des quantités de MOX (combustible nucléaire issu du recyclage) produites et une réduction des rebuts générés » à l’usine Melox d’Orano. « Ces éléments ont contribué à stabiliser le cycle du combustible », a déclaré le président de l’ASN devant l’OPECST. Enfin, pour illustrer ce constat général, il note : « le nombre d’événements significatifs de niveau 1 et de niveau 2 sur l’échelle INES déclarés par les exploitants est en baisse régulière depuis 5 ans. Cette baisse ne s’est pas faite au détriment de la transparence et de la déclaration des événements, car les événements de niveaux zéro sont restés relativement stables ».

L’ASN souligne enfin trois sujets d’attention : (1) la prolongation de l’exploitation des installations nucléaires ; (2) l’arrivée des petits réacteurs modulaires (SMR/AMR) : (3) la montée en compétences de la filière nucléaire dans le cadre d’un programme nucléaire ambitieux.

Être à la hauteur des ambitions : le défi reste entier

L’ASN souligne que les défis pour mener à bien la politique nucléaire française restent à relever que ce soit concernant l’exploitation à long terme du parc historique, la construction de 6 à 14 EPR2, ou le déploiement des petits réacteurs modulaires et avancés (SMR/AMR). Le tout avec bien sûr le cycle du combustible associé.

« Les perspectives plus ambitieuses portées par les exploitants de poursuite d’exploitation des installations nucléaires existantes génèrent un besoin fort d’identification des mesures à mettre en œuvre sans tarder pour atteindre dans des conditions sûres les nouveaux horizons envisagés. Elles imposent par ailleurs de poursuivre et de renforcer les démarches d’anticipation des enjeux de long terme sur les réacteurs dans une perspective de fonctionnement au-delà de 60 ans, et sur les nouvelles installations du « cycle du combustible » à envisager, en clarifiant les perspectives retenues en matière de retraitement », affirme l’ASN dans son rapport. Un besoin de visibilité sur lequel a encore appuyé Bernard Doroszczuk lors de son audition mais aussi lors de précédentes interventions.

Sur le volet des réacteurs de petite puissance, l’autorité de sûreté tient à rappeler que « les caractéristiques intrinsèques de sûreté potentiellement prometteuses ne doivent pas éluder les questions techniques et sociétales qu’ils soulèvent. Ces questions sont notamment liées aux travaux préliminaires à réaliser pour démontrer leur sûreté de fonctionnement, à l’ensemble des enjeux de sûreté/sécurité et de non-prolifération à intégrer en amont, et à l’acceptabilité de l’implantation de ces réacteurs en dehors de sites nucléaires dédiés ». Stéphanie Guénot Bresson, commissaire au collège de l’ASN, a rappelé que le développement de ces réacteurs, en particulier ceux à neutrons rapides, ne pouvait être qu’adossé à « un projet cohérent d’installations du cycle du combustible ». Pour mémoire, l’appel à projets réacteurs nucléaires innovants du plan d’investissement France2030 a récompensé 11 projets.

Concernant la standardisation des exigences pour le développement de ces nouveaux réacteurs, l’ASN a par ailleurs indiqué vouloir multiplier les partenariats sur le modèle de l’examen préliminaire de Nuward qui est aujourd’hui mené avec les autorités de sûreté tchèque, finlandaise, suédoise, polonaise et néerlandaise[1]. Un dispositif similaire pour la startup Thorizon, lauréate du plan d’investissement France2030, entre la France et les Pays-Bas a notamment été mentionné pendant l’audition.

Enfin, les nombreux projets de la filière nucléaire, notamment le programme EPR2 mais aussi ceux mentionnés précédemment « nécessitent un renforcement de la rigueur industrielle » juge l’ASN. Bien qu’elle souligne des progrès en matière de maitrise technique et de pilotage des activités, elle constate des faiblesses concernant les contrôles de la chaine d’approvisionnement. Elle encourage notamment un renforcement de la relation de la filière avec ses fournisseurs avec des mesures de prévention, de détection et des conditions de traitement des écarts « pour qu’il y est des démarches vertueuses de déclarations des écarts mises en place ». Pour rappel, le sujet est l’un des axes d’améliorations adressés par le plan d’excellence de la filière, Excell.

Le retour d’expérience des EPR mis à contribution

Alors que le combustible a été chargé dans le cœur du réacteur de l’EPR Flamanville, l’ASN est revenu sur le retour d’expérience des EPR dans le monde. Au sein de l’Agence pour l’énergie nucléaire (AEN), l’ASN indique échanger avec les exploitants d’EPR et les autorités de sûreté chinoise, finlandaise et britannique. « Le groupe est l’occasion de confronter systématiquement nos points de vue », explique Rémy Catteau, directeur des centrales nucléaires à l’ASN. « Nous avons des échanges multilatéraux et bilatéraux au service de la sûreté des EPR dans le monde », a-t-il également déclaré. À noter que des échanges existent entre les propriétaires-exploitants d’EPR à travers l’EPROOG. Sur le sujet de la mise en service de l’EPR, l’ASN rappelle que des mesures ont été prises suite au retour d’expérience du problème d’inétanchéité de crayons de combustible rencontré à Taishan-1 et rappelle également que le couvercle de la cuve « ne présente aucun sujet de sûreté pour réaliser un cycle complet » et fera l’objet d’un remplacement lors du premier arrêt de tranche.

La mise en service de ce réacteur est un symbole fort de la relance nucléaire en France alors que de multiples projets progressent. À noter entre autres en 2023, le dépôt du dossier de la demande d’autorisation de création du stockage géologique Cigéo ainsi que celui de la construction de deux EPR2 à Penly. En juin 2023, Orano a demandé une modification du décret de création afin d’augmenter la capacité de production de l’usine d’enrichissement Georges Besse II d’environ 30 %. En avril 2024, Jimmy a lui aussi déposé un dossier pour la construction d’un petit générateur (un réacteur nucléaire à haute température de 10 MWth) dans la Marne, une première en France dans le monde la petite puissance ! ■

Gaïc Le Gros (Sfen)

Photo ©ERIC PIERMONT / AFP

[1] https://www.asn.fr/l-asn-informe/actualites/l-asn-engage-avec-5-homologues-la-2nde-phase-de-la-revue-des-options-de-surete-du-reacteur-nuward