Première demande de construction d’un SMR en France, déposée par Jimmy

C’est une étape importante du futur nucléaire français qui vient d’être franchie. La première demande pour la construction d’un petit réacteur modulaire (SMR) a été déposée. Elle est portée par Jimmy qui propose un réacteur à haute température, dont la première unité pourrait participer à décarboner les process du sucrier Cristanol dans la Marne.
Le programme France 2030 lancé en 2021 par le gouvernement avait, entre autres, pour objectif de faire émerger une filière de petits réacteurs modulaires en France grâce à un soutien financier et technique. À peine trois ans après, un véritable écosystème est apparu et, déjà, la première entreprise dépose un dossier de demande de création d’un SMR sur le territoire.
En effet, le 29 avril 2024, la startup Jimmy a annoncé avoir déposé une demande d’autorisation de création (DAC) auprès du ministère de la Transition écologique, « pour un projet de générateur thermique ». Il s’agit concrètement de produire de la chaleur sur le site industriel de Cristanol, à Bazancourt (Marne). L’objectif est de décarboner le procédé industriel local du sucrier européen Cristal Union.
L’installation de Cristal Union est très significatif puisque elle fait partie des 50 sites les plus émetteurs de CO2 en France, identifiés par la ministère de l’Economie. Ensemble ils émettent 55 % des émissions d’origine industrielle du pays. En décembre dernier, Bercy a signé avec ces industriels des contrats de transition écologique qui visent à établir des trajectoires de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ces entreprises se sont engagées à réduire de 45 % leurs émissions d’ici 2030 et le nucléaire, grâce aux SMR, apparaît ainsi comme l’un des leviers d’action possibles.
10 MWth pour 20 ans
« Les générateurs conçus par Jimmy, d’une durée de vie de 20 ans, s’inscrivent dans un mix énergétique complémentaire aux réacteurs nucléaires de grande et moyenne puissance et aux sources d’énergie renouvelable, parfois inadaptées à des procédés industriels exigeants », explique l’entreprise Jimmy dans un communiqué. Le réacteur permettra de remplacer des bruleurs à gaz par un réacteur nucléaire à haute température d’une puissance thermique de 10 MW et d’une durée de vie de 20 années.
Reste encore beaucoup de travail à la jeune entreprise pour mettre en place les premières briques de son réacteur. En effet, comme pour un réacteur de puissance, l’autorisation de création d’une installation nucléaire de base (INB) nécessite une longue phase d’instruction préalable, qui prend en compte tout le cycle de vie du générateur, de sa mise en service jusqu’à son arrêt définitif puis son démantèlement, en incluant d’éventuelles modifications de l’installation.
De plus, les dimensions de sûreté et de sécurité seront étudiées par les organismes en charge. C’est-à-dire aujourd’hui l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN). Demain, cela sera à la charge de la future l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR). Sans compter les indispensables études environnementales et enquêtes publiques.
Des usines dans le bassin du Creusot
D’ores et déjà, Jimmy a entamé le travail pour construire ses futurs générateurs. En février dernier, l’entreprise a annoncé le site de sa future plateforme industrielle pour fabriquer et assembler sa solution de décarbonation, un petit réacteur nucléaire à haute température (HTR).
Le site va bénéficier d’un investissement de 100 millions d’euros et, lorsqu’il sera entièrement opérationnel, comptera 300 emplois. Située au Creusot, un bassin historique de la métallurgie, la plateforme industrielle accueillerait dans sa première partie un atelier de stockage et d’assemblage dès 2025. La seconde partie du site, classée installation nucléaire de base (INB), se composera d’un atelier pour l’insertion du combustible dans les cuves qui serait mis en service en 2026 et d’un atelier de préparation du combustible qui pourrait être fonctionnel en 2028.
Ce calendrier permettrait, selon Jimmy, de livrer son premier client à la fin de l’année 2026. La fourniture en combustible de cette première unité suivra un schéma différent des suivantes, la tête de série devant ouvrir la voie vers l’industrialisation. ■