Quand le PDG d’Eon invite Berlin à ne plus critiquer le nucléaire français
Lors des résultats semestriels de l’énergéticien allemand Eon, le PDG de l’entreprise a invité à plus de coopération entre Paris et Berlin sur l’énergie actant que les choix étaient différents, mais conciliables. En particulier, il invite Berlin à ne pas vouloir imposer ses choix antinucléaires en Europe.
« Et si l’Allemagne arrêtait de faire la leçon à la France sur le nucléaire ». C’est du moins ce que propose Leonhard Birnbaum, le patron de la puissante entreprise allemande Eon. Telle est la nature de ses propos tenus lors des résultats semestriels début août, rapportés par le Financial Times. Selon le quotidien économique, le patron de l’énergéticien, qui est propriétaire d’un des trois réacteurs qui a fermé en avril 2023, juge que « Berlin devrait accepter les divergences d’opinions pour sortir de l’impasse avec Paris sur les réformes énergétiques ».
Il va même plus loin : « L’Allemagne devrait cesser d’essayer d’imposer son point de vue sur l’énergie nucléaire au reste de l’Union européenne ». Il faut dire que l’Allemagne a fait des paris osés sur la transition énergétique. Si elle a mis les manettes des renouvelables à fond, elle a également décidé de fermer l’une de ses principales sources d’électricité bas carbone : l’atome, dont la part est désormais à zéro.
Mettant en péril son approvisionnement électrique et affaiblissant la plaque électrique ouest européenne, Berlin a dû laisser la place au charbon et au gaz, fortement émetteur de gaz à effet de serre. Un choix aujourd’hui plutôt singulier alors que l’Europe vise plutôt une relance de l’atome à travers son Alliance du nucléaire qui prévoit un passage de la puissance installée en Europe de 100 GW aujourd’hui à 150 GW en 2050.
Deux choix opposés mais conciliables
Au même moment la France fait le choix de prolonger son parc nucléaire, sous condition de l’accord de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Elle lance également un programme de construction de 6 à 14 EPR2, tout en soutenant l’émergence de concepts de Small Modular reactors (SMR) et d’Advanced Modular Reactor (AMR). De ces deux voies contraires a résulté de très nombreuses oppositions entre les deux pays à Bruxelles portant sur l’inclusion ou non du nucléaire au rang des technologies propres à travers par exemple la Taxonomie ou le Net Zero Industry Act (NZIA).
Leonhard Birnbaum juge que Berlin devrait accepter les différences d’opinion, tout en indiquant qu’il souhaitait un compromis avec la France pour sortir de l’impasse sur les réformes énergétiques. Il explique : « Les Français ne pourront pas nous persuader d’utiliser l’énergie nucléaire, et nous ne pourrons pas non plus les convaincre de ne pas le faire. C’est pourquoi je pense que nous devrions adopter une approche différente de la discussion ». Il juge qu’il serait « préférable pour tout le monde que les deux pays abordent le différend avec l’idée que chacun fait sa part ».
Enfin, le PDG a insisté sur l’interdépendance des pays européens rappelant que « l’énergie nucléaire française contribuait à la conversion vers un système d’énergie renouvelable en Allemagne ». Sachant que la France est un exportateur net d’électricité vers l’Allemagne, la ministre Agnès Pannier-Runacher déclare dans le journal Handelsblatt : « Il est contradictoire d’importer massivement de l’énergie nucléaire française tout en rejetant tous les textes législatifs de l’UE qui reconnaissent la valeur du nucléaire en tant que source d’énergie à faible émission de carbone ». ■