Bientôt de l’argent public européen pour financer le Grand Carénage ?
Le 17 juin, EDF a émis pour un montant de 3 milliards d’euros d’obligations dans le cadre de son programme de finance verte. La Banque européenne d’investissement (BEI) y participe à hauteur de 150 millions d’euros, sur la tranche de financement correspondant à la distribution d’électricité. À l’avenir, la feuille de route de la BEI 2024-2027 ouvre la voie au financement de projets spécifiquement nucléaires, un changement majeur pour l’organisation européenne.
Le 17 juin, EDF a émis pour 3 milliards d’euros d’obligation verte répartis en trois tranches : une première d’1 milliard d’euros relatif au Grand Carénage (l’exploitation à long terme des réacteurs nucléaires), une deuxième de 750 millions d’euros fléchée vers les projets d’énergies renouvelables (hydroélectriques compris), une troisième de 1,25 milliard d’euros allouée aux projets d’adaptation du réseau électrique. Les carnets d’ordres étant confidentiels, impossible de connaître l’identité des acteurs impliquées dans l’émission, à une exception notable près : la Banque européenne d’investissement (BEI).
La BEI, la banque publique européenne avec une visée essentiellement socio-environnementale, annonce participer à hauteur de 150 millions d’euros sur la troisième tranche de l’émission obligataire d’EDF, celle correspondant aux réseaux électriques. Elle aurait sans doute pu participer à la seconde tranche, dédiée aux renouvelables. La question qui e pose désormais est : aurait-elle pu participer à la première tranche sur le nucléaire ? Un récent document offre une piste de réponses et ouvre des perspectives intéressantes pour le nucléaire.
La BEI intègre le nucléaire dans son programme d’investissement 2024-2027
La BEI a publié le 21 juin un document traçant les contours de sa stratégie d’investissement pour la période 2024-2027. Répondant aux demandes politiques lors du sommet pour l’énergie nucléaire tenu le 21 mars dernier, la BEI inclut désormais le nucléaire à deux titres. D’abord via la participation active aux alliances industrielles de ces États membres, comme l’alliance industrielle sur les SMRs, ou la coalition de certains pays membres baptisée « Alliance du nucléaire ». Ensuite, la BEI soutiendra dans le cadre de son plan pluriannuel l’ensemble des technologies reconnu par le Net Zero Industrial Act (NZIA) qui intègre désormais l’ensemble des activités nucléaires : cycle, prolongation, SMR/AMR, forte puissance.
Depuis plusieurs années maintenant, à force d’un travail scientifique, d’acculturation, de diffusion de l’information, de lobbying, on observe un déplacement des institutions européennes sur la question du nucléaire. Le document de la BEI pose un nouveau jalon. Rien n’exclut désormais la participation de la BEI au financement de la prolongation de réacteurs en France ou ailleurs. Cette solution est l’une des plus compétitives du point de vue des consommateurs et de la tonne de carbone évitée.
Un cadre de plus en plus défini
En mai dernier, EDF avait déjà sécurisé un prêt vert de 5,8 milliards d’euros auprès de plusieurs banques. Cela s’inscrit dans le cadre du Green Financing Framework de l’électricien qui précise la stratégie du groupe pour les investissements dans des projets d’énergies renouvelables, l’hydroélectricité, l’efficacité énergétique, la distribution et le nucléaire, bénéficiant désormais de l’appui institutionnel européen avec son entrée dans la taxonomie.
Reste que les institutions financières ont encore à date un intérêt plus grand pour les projets fossiles (ou projets bruns) liés à une rentabilité plus élevée des projets, généralement moins risqués et aux débouchés quasi assurés. Le monde n’a jamais autant consommé de pétrole ou de gaz, assure même l’Agence internationale de l’énergie. Le pari de la finance durable (ou verte) est celui de conserver l’organisation actuelle et d’y créer un espace économique croissant spécifique pour les projets verts à l’aide de nouveaux instruments ou politiques publiques. ■