EPR, SMR, radioprotection : ce qu’il faut retenir du rapport de sûreté 2024 de l’ASNR

Dans son rapport annuel de 2024 sur l’état de sûreté en France, l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) observe un niveau satisfaisant sur l’ensemble des branches du secteur nucléaire. Plusieurs faits marquants, comme la mise en service de l’EPR, ont jalonné cette année, la rendant particulièrement intense d’un point de vue de la sûreté.
L’ASNR a publié le 22 mai 2025 son rapport sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France sur l’année 2024. Pour la 19ème année consécutive, l’Autorité l’a présenté devant l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst). C’est par ailleurs la première fois qu’une telle présentation est faite au nom de la nouvelle entité de la sûreté nucléaire en France, issue de la fusion entre l’ex-ASN et l’ex-IRSN.
Les faits marquants de 2024
L’année 2024 a été marquée par une activité soutenue du secteur nucléaire sur tous les fronts. Dans un premier temps, 2024 a été l’année du démarrage de l’EPR de Flamanville, pour lequel l’ASNR a été sollicitée à de nombreuses reprises : de l’autorisation de sa mise en service le 7 mai 2024, jusqu’à l’autorisation du passage des différents paliers de puissance. Très prochainement, l’ASNR devra donner son accord pour l’ultime pallier de puissance à 80%. L’Autorité souligne ici la survenue de plusieurs incidents, sans impact pour l’environnement, qui ont néanmoins ralenti la montée en puissance du réacteur. Ces incidents sont principalement d’ordres humain et organisationnel, liés en majeure partie au rodage des équipes exploitantes. L’ASNR salue cependant les dispositions mises en place par EDF pour faire face à ces événements et prévenir l’émergence d’autres situations de ce type dans le futur.
Deuxièmement, les nouveaux acteurs porteurs de projets de petits réacteurs modulaires (SMR & AMR) ont fortement accéléré cette même année. Certains, tels que Jimmy et Calogena, ont d’ores et déjà passé les phases de pré-instruction en déposant leur dossier d’option de sûreté, voire entament leur instruction. D’autres, comme Naarea et Newcleo, talonnent de près le peloton de tête. Cette densification des échanges est de bonne augure pour les sociétés aux projets innovants, mais l’ASNR souligne « le caractère souvent peu réaliste des calendriers de déploiement affichés ». En particulier, la mise en place d’un cycle du combustible dédié pour certains projets va nécessiter des délais de développement et de mise en service conséquents.
Troisièmement, l’ASNR a publié en fin d’année 2024 ses positions sur les orientations du cinquième réexamen périodique pour les 32 réacteurs de 900 MWe pour le passage au-delà de 50 ans. Ce réexamen, consolidant les objectifs retenus pour le 4ème réexamen, doit donner « la priorité à la maîtrise de la conformité et du vieillissement des installations et sur le renforcement de la prise en compte des effets du changement climatique ». En parallèle, la phase générique du 4ème réexamen périodique applicable à l’ensemble des réacteurs 1300 MWe a été clôturée. L’ASNR transmettra son bilan sur cette première grande phase d’ici juillet 2025.
Quatrièmement, la radioprotection voit son activité fortement augmenter avec une année où le secteur médical a été marqué par une accélération des innovations des techniques. Le médical étant la principale source d’exposition aux rayonnements de la population, il est crucial pour l’ASNR d’accompagner et d’informer les professionnels et la population sur ces enjeux. L’ASNR invite par ailleurs les acteurs des systèmes de soins à anticiper plus en amont leurs besoins, pour permettre de mieux réglementer par la suite.
Points de vigilance
Malgré un constat satisfaisant de la sûreté en France en 2024, l’ASNR soulève tout de même certains points de vigilance. En effet, il est essentiel de maintenir, pour les années à venir, un haut niveau d’exigence en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection, dans un contexte d’accélération et de densification des projets.
- Radioprotection : La radioprotection, particulièrement dans le secteur médical, doit suivre une attention soutenue dans le futur, notamment pour les gestionnaires des eaux usés qui peuvent entrer en contact avec des effluents radioactifs issus des centres hospitaliers. « Le niveau de radioprotection dans le domaine médical est satisfaisant, mais il existe des fragilités persistantes qui, dans un contexte difficile, font craindre une dégradation de la situation actuelle et le risque d’un recul à terme de la culture de radioprotection », précise Géraldine Pina, commissaire à l’ASNR.
- Prolongation du parc : Il est nécessaire de maintenir un haut niveau de sûreté et d’instruction dans le cadre de la poursuite des réacteurs. Il y a ici un fort enjeu d’industrialisation et de standardisation des chantiers et un enjeu d’anticipation pour la poursuite au-delà de 60 ans. « Les priorités du 5ème réexamen seront le maintien de la conformité des installations, la vérification de la qualification des matériels au-delà de 50 ans et la gestion du vieillissement, en mettant l’accent sur les effets du changement climatique sur les installations », déclare Olivier Dubois, commissaire à l’ASNR.
- Cycle du combustible : Il existe ici encore un besoin d’anticipation pour la pérennisation des installations du cycle du combustible, mais également pour les projets de nouvelles usines. En outre, les piscines de refroidissement de La Hague sont concernées par un risque de saturation. « Tout aléa sur le cycle du combustible se traduit in fine par une augmentation du stock dans les piscines », explique Pierre Bois, directeur général adjoint de l’ASNR. Un arrêt complet du cycle, considéré comme un aléa majeur, laisserait un délai d’environ neuf mois avant saturation. Les exploitants doivent donc mettre en place au plus vite des parades, dont certaines sont en cours d’autorisation (densification des paniers).
- SMR & AMR : L’accélération des projets innovants requiert la mise en place d’objectifs de sûreté adaptés et d’un cadre qui leur est propre. « Ces petits réacteurs sont très prometteurs en terme de sûreté, néanmoins ils ont vocation à être implantés sur des sites non-nucléarisés pour leurs clients. De tels sites peuvent se trouver dans des zones à risques industriels ou naturels ou densement habitées, ce qui compliquerait la mise en œuvre de mesures de protection des populations et de l’environnement en situation accidentelle », commente Stéphanie Guénot Bresson, commissaire à l’ASNR.
- Conduite des projets : « La filière doit répondre aux défis du management de projet, de la performance industrielle et de la maitrise de la culture de qualité et de sûreté sur l’ensemble de sa chaîne de sous-traitance » expose Pierre-Marie Abadie, président de l’ASNR. De fait, l’Autorité observe aujourd’hui encore des écarts en terme de qualité des projets et du déploiement systémique des bonnes pratiques. ■