Comment les centrales nucléaires font-elles face aux épisodes de canicule ?
Les épisodes de canicule sont pris très au sérieux par les exploitants de centrales nucléaires. L’élévation de la température des cours d’eau utilisés pour le refroidissement des réacteurs ne pose aucun problème de sûreté. En revanche, ces installations sont soumises à une réglementation stricte concernant les rejets thermiques, pour des raisons environnementales.
Pour être refroidis, les réacteurs nucléaires nécessitent une source d’eau froide. Cette eau, prélevée dans un cours d’eau ou en mer, circule dans le circuit tertiaire de la centrale. On estime qu’environ 13 milliards de m³ d’eau douce sont ainsi prélevés chaque année, dont 97 % sont ensuite restitués à leur milieu d’origine.
Avec le changement climatique, les épisodes de canicule deviennent plus fréquents et plus intenses. Les niveaux d’eau peuvent alors être plus bas, et leur température plus élevée.
Le contrôle des rejets
Lors des périodes de fortes chaleurs, les exploitants doivent respecter des limites réglementaires concernant les rejets thermiques, afin de ne pas perturber les écosystèmes en aval. En effet, l’eau rejetée est légèrement plus chaude que celle prélevée en amont [1].
Dans les cours d’eau, l’échauffement thermique — c’est-à-dire la différence de température entre l’eau en amont et celle en aval de la centrale (notée ΔT) — ne doit généralement pas excéder 3 °C. De plus, la température de l’eau après rejet et dilution ne doit pas dépasser une limite fixée, souvent comprise entre 28 et 30 °C. Ces valeurs sont données à titre indicatif : en réalité, les seuils précis sont définis site par site dans les arrêtés ministériels.
Il peut arriver que la température de l’eau soit déjà supérieure à ces limites en amont du site. Dans ce cas, les exploitants doivent prendre des dispositions, comme une réduction de la puissance produite. Ces contraintes ne concernent pas uniquement les centrales nucléaires : toute installation thermique utilisant un cycle à vapeur (comme les centrales à charbon ou à biomasse) est soumise à des règles analogues.
Un impact limité
Dans le passé, ces contraintes ont pu entraîner de faibles baisses de production, notamment lors des canicules de 2003 et 2006. Selon une étude menée par RTE en 2021, le parc nucléaire français a perdu en moyenne 1,4 TWh/an entre 2015 et 2020 en raison des conditions climatiques, soit environ 0,37 % de la production annuelle.
Il est important de noter que ces températures élevées ne compromettent pas la sûreté des réacteurs : les circuits tertiaires peuvent fonctionner avec une eau à plus de 30 °C, et parfois bien davantage. Plusieurs centrales dans le monde sont d’ailleurs situées en zone désertique, comme Palo Verde (États-Unis) ou Barakah (Émirats arabes unis).
Des dérogations possibles
En France, des dérogations peuvent être accordées par le gouvernement pour permettre le dépassement temporaire des limites de température des rejets. Ces demandes, généralement émises par RTE (le gestionnaire du réseau de transport d’électricité), visent à garantir la sécurité du système électrique, notamment le réglage de la tension.
Les dérogations restent toutefois très limitées et s’accompagnent d’un suivi environnemental renforcé.
Le programme « Grand chaud »
Pour anticiper les effets du changement climatique sur ses installations, EDF a lancé dès 2008 le programme « Grand chaud » [2]. Des modèles probabilistes ont été développés pour chaque site, en tenant compte des perspectives climatiques locales. Ces analyses ont conduit à des adaptations concrètes, notamment à travers le développement de nouveaux équipements, afin d’assurer la sûreté et la disponibilité des réacteurs en période de canicule, y compris sur le long terme.
Une veille climatique continue permet de suivre l’évolution des tendances et d’ajuster le programme. Celui-ci reste un enjeu clé, notamment dans le cadre de la 5e visite décennale des réacteurs de 900 MWe, pour laquelle le programme « Grand chaud » continue d’évoluer.
Pour en savoir plus, la RGN avait consacré un article au sujet dans son édition de mai-juin 2015 : Adapter les centrales nucléaires au changement climatique. ■
Par François Terminet (Sfen)
Image : Thermomètre montrant de très hautes températures, Source : Shutterstock
[1] Les centrales en circuit fermé effectuent aussi des rejets thermiques, liés à la purge des tours aéroréfrigérantes. Néanmoins, ils sont nettement négligeables comparés à ceux des circuits ouverts.
[2] Le programme « Grand chaud » n’affecte pas le fonctionnement normal d’une installation. Il a pour objectif de rehausser les critères de sûreté en lien avec les températures de fonctionnement des équipements.