L’Allemagne doit en faire plus pour atteindre la neutralité carbone, selon l’Agence fédérale de l’environnement

Quatre mois après la fermeture de ses trois derniers réacteurs nucléaires, les déclarations outre-Rhin se multiplient au sujet de l’atome. Dans le même temps, l’Agence fédérale de l’environnement juge que l’Allemagne doit adopter des mesures supplémentaires pour atteindre ses objectifs climatiques.
Outre-Rhin, l’actualité nucléaire est riche. Alors que le PDG de l’énergéticien E.ON a récemment déclaré que « l’Allemagne devrait cesser d’essayer d’imposer son point de vue sur l’énergie nucléaire au reste de l’Union européenne », c’est maintenant au tour du chef de file de l’Union chrétienne-démocrate (CDU), Friedrich Merz, de s’exprimer sur le sujet. Ce dernier a déclaré qu’il redémarrerait [1] les centrales nucléaires allemandes. Pour rappel, les trois derniers réacteurs se sont arrêtés en avril 2023. Cette prise de position du parti politique de l’ex-chancelière Angela Merkel témoigne des doutes qui traversent le pays depuis la fermeture des derniers réacteurs en pleine crise énergétique. Des doutes qui concernent aussi bien la sécurité d’approvisionnement que l’atteinte des objectifs climatiques.
Sur ce sujet, les conseillers climats du gouvernement et l’Agence fédérale de l’environnement (UBA) ont eux-mêmes déclaré que l’Allemagne était susceptible de manquer ses objectifs climatiques aussi bien en 2030 qu’en 2045. « La réduction [d’émissions de gaz à effet de serre, ndr] attendue est probablement surestimée », a déclaré Hans-Martin Henning, président du conseil d’experts climat du gouvernement selon Reuters. Ils assurent que la stratégie de l’Allemagne « nécessite des mesures supplémentaires pour atteindre les objectifs climatiques ».
Neutralité carbone : le compte n’y est pas
L’Agence allemande de l’environnement (UBA) a réalisé deux scénarios d’émission de gaz à effet de serre dont l’un comprend les mesures en vigueur alors que l’autre y ajoute les mesures planifiées. Le second scénario est le seul à atteindre les objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre de 2030, mais les deux ratent l’objectif de neutralité carbone en 2045.
Bien évidemment, l’atteinte de la neutralité carbone n’est pas qu’une question d’électricité, mais l’Agence observe des difficultés à décarboner l’industrie et les transports et le nucléaire fait également partie des solutions pour la production de chaleur et d’hydrogène bas carbone. En août 2023, le gouvernement allemand a d’ailleurs annoncé le futur lancement d’un appel d’offres pour la construction de près de 9 GW de centrale électrique fonctionnant dès leur mise en service à l’hydrogène et de 15 GW de centrale à gaz devant se convertir à l’hydrogène d’ici à 2035. La question de la production de l’hydrogène décarboné restant à ce jour en suspend.
Les sondages d’opinion en 2022 et 2023 montraient que les Allemands étaient favorables à une prolongation du nucléaire au-delà du calendrier gouvernemental prévoyant la fermeture des derniers réacteurs du pays dans un premier temps fin 2022 avant de repousser la date butoir au 15 avril 2023. En plus des questions de sécurité d’approvisionnement qui ont été au cœur de l’actualité pendant l’hiver, des incertitudes apparaissent aussi sur les objectifs climatiques. ■
[1] Reste à savoir combien d’unités pourraient être redémarrées. Lorsqu’un réacteur nucléaire entre en démantèlement, il n’est pas possible de faire retour en arrière.
Gaïc Le Gros (Sfen)
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