Fessenheim, retour sur les auditions parlementaires du 18 juin
Le 18 juin 2020, soit moins de deux semaines avant l’arrêt définitif du deuxième et dernier réacteur de Fessenheim, la mission d’information parlementaire sur le suivi de la fermeture de la centrale a auditionné plusieurs parties prenantes. Incompréhension sur cette décision, inquiétude sur l’avenir de ce territoire sud-alsacien.
La mission d’information parlementaire est composée de 21 députés de la commission du développement durable. Elle est présidée par Raphaël Schellenberger, député du Haut-Rhin (LR), et son rapporteur est Vincent Thiébaut, député du Bas-Rhin (LaREM). Chargée d’effectuer un suivi de la fermeture de la centrale et de ses conséquences, la mission d’information a auditionné le 18 juin plusieurs acteurs locaux qui ont tous dénoncé le manque d’accompagnement de l’Etat sur la reconversion industrielle du territoire.
Etaient auditionnés ce 18 juin, Brigitte Klinkert, présidente du Conseil départemental du Haut-Rhin, Claude Brender, maire de Fessenheim, Alain Besserer, délégué syndical du CNPE de Fessenheim, FO Energie et mines ainsi que Serge Gianorsi, secrétaire fédéral et délégué syndical central EDF FO Energie et mines. Tous ont exprimé leur incompréhension quant à la fermeture d’un moyen de production d’électricité bas carbone ne présentant pas de problèmes de sûreté. Ils ont également partagé leurs inquiétudes sur l’avenir du territoire. Le flou politique qui a duré plusieurs années n’a pas joué en faveur d’une reconversion progressive du territoire.
Préparer l’après-Fessenheim, un flou politique aux lourdes conséquences sur le territoire
Conséquence d’une alliance électorale entre le Parti socialiste et Europe écologie-Les Verts en 2012, la fermeture de la centrale de Fessenheim était un point crucial de l’accord. Non seulement la décision n’est aucunement justifiée, ni par des questions de sûreté, d’écologie ou même encore de rentabilité, mais de surcroît le caractère uniquement politique de la décision a laissé un doute sur la réelle fermeture de la centrale nucléaire jusqu’en 2017 pour les décideurs politiques locaux, soit seulement trois ans avant la fermeture effective.
Claude Brender, le maire de Fessenheim, témoigne : « depuis 20, 30 ans j’entends : « c’est une vieille centrale, il faut la fermer », alors que c’est loin d’être le cas. Ségolène Royale avait mentionné la fermeture de la centrale lors des élections en 2007 (remportées par Nicolas Sarkozy) ». La notion de « fermeture » est devenue plus réelle à partir de 2012 avec l’élection de François Hollande. Mais « on avait encore espoir que les élections présidentielles de 2017 changent la donne », précise le maire de Fessenheim avant de résumer : « c’est seulement aux élections présidentielles de 2017 que nous sommes sûrs de la fermeture de la centrale ; avant c’était le flou ».
Un point de vue partagé par Brigitte Klinkert, présidente du Conseil départemental du Haut-Rhin : « même si j’ai souvent perçu une volonté de fermer la centrale nucléaire de Fessenheim, on est resté dans le flou jusqu’en 2017. Je regrette d’autant plus cette décision qu’elle a été prise contre le territoire et les élus dans un calendrier très serré. On ne nous a pas laissé le temps nécessaire pour pouvoir préparer sereinement la reconversion sur le terrain ».
De lourdes conséquences économiques
Le territoire va lourdement payer la fermeture qui va impacter plus de 2 000 emplois dont 1 000 emplois indirects, dont beaucoup qui ne sont pas spécialisés. La fermeture de Fessenheim va aussi entraîner « des pertes de recettes fiscales, pour ce qui est du département. Ce sont 3,5 millions d’euros en moins par an, et une augmentation des dépenses car le département va sans aucun doute prendre en charge de nouveaux bénéficiaires du RSA », a déclaré Brigitte Klinkert.
Claude Brender a également de nouveau alerté sur les difficultés liées à la fiscalité, plus précisément au Fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR). La fiscalité versée par la centrale nucléaire est décomposée en deux parties. L’une bénéficie au territoire d’implantation. Ce sont 3,4 millions d’euros que la commune de Fessenheim va perdre demain. L’autre, d’un montant de 2,9 millions d’euros, est reversée par la commune d’implantation au FNGIR et ses contributions sont fixes. Rien ne prévoit la suppression de ce versement. « Ce sera la double peine. Nous craignons que le territoire n’en sorte exsangue », nous avait-il confié dès le mois de février.
Absence de projet industriel à court et moyen terme
Aujourd’hui il n’y a pas de projet suffisamment avancé pour assurer la création d’emplois à court terme, en notant que la décroissance des effectifs, dès le 30 juin, sera rapide : 170 employés EDF quitteront alors la centrale dès le mois d’août. Et jusqu’à l’évacuation du combustible, programmé d’ici 2023, ce seront 294 personnes qui resteront seulement pour assurer la continuité de la sûreté de l’installation contre 738 agents début 2020. En quelques mois les personnels sous-traitants passeront de 300 à 150. A terme ce seront 60 agents présentes sur le site pour la phase de déconstruction.
Le projet de technocentre porté par EDF, pour le recyclage des matériaux métalliques issus du démantèlement, bien qu’il permette une certaine continuité de l’activité, sauvegardant ainsi l’empreinte industrielle de la région, laisserait tout de même « un trou d’air », avertit Alain Besserer. « Car ce ne sont pas les mêmes emplois (électriciens sur le CNPE et métallurgiste pour le technocentre). Pour le maire de Fessenheim, « quand bien même le Technocentre verrait le jour près de Fessenheim, ce sera au mieux dans une dizaine d’années ».
L’autre projet mis en avant est la création d’une zone d’activité, l’EcoRhéna, qui doit être gérée à l’avenir par une société d’économie mixte (SEM) franco-allemande. Cependant la présidente du conseil départemental du Haut-Rhin déclare : « je me réjouis que l’ensemble des partenaires vont accepter à terme de participer à la gestion de l’aménagement de cette zone, je dis « vont » car la communauté de commune et la commune de Fessenheim attendent des engagements clairs et fermes de l’Etat sur le FNGIR avant d’entrer au capital de cette entreprise mixte ».
Plusieurs projets n’ont malheureusement jamais vu le jour comme l’installation d’une usine Tesla. L’entreprise, notamment pour des raisons foncières, a préféré s’installer à Berlin, en Allemagne. Le projet de création d’un « Airbus des batteries » à Fessenheim n’a également pas donné suite.