Elle sera probablement l’unique grande loi énergétique du quinquennat, la loi énergie-climat arrive cette semaine en séance publique à l’Assemblée nationale. Les députés vont devoir débattre sur plusieurs grands sujets de la politique énergétique et notamment du nucléaire.
Le projet de loi s’inscrit dans la continuité de la déclaration de politique générale du Premier ministre devant les parlementaires à la suite des élections européennes. L’acte II du quinquennat sera résolument tourné vers la transition écologique. Néanmoins, après un passage en commission du développement durable (saisie pour avis) et en commission des affaires économiques (saisie au fond) certaines dispositions interrogent.
Les députés reconnaissent « l’urgence climatique » mais…
Lors des débats en commission, les députés ont inscrit à l’unanimité « l’urgence écologique et climatique » à l’article 1er du projet de loi sur les objectifs de la politique énergétique. Une série d’études issues des grandes institutions (UE, ONU, OCDE…) affirment toutes l’importance du tandem nucléaire-renouvelables pour atteindre nos objectifs de décarbonation et contenir le réchauffement climatique à 1.5 C°. Pourtant, par voie d’amendement, un groupe de députés demande à plafonner la production d’électricité d’origine nucléaire afin d’accompagner le report de 2025 à 2035, de la réduction à 50 % de la part du nucléaire dans notre mix électrique. Cet amendement, porté par Barbara Pompili (LREM), prévoit de fixer un plafond de capacité nucléaire installée de 57,8 gigawatts en 2030 et 50,6 gigawatts en 2035.
Cette disposition surprend, le nucléaire est une énergie bas carbone qui émet à peu près autant de CO2 qu’une éolienne et moins qu’un panneau solaire photovoltaïque selon le GIEC. Dans le même temps, aucune disposition similaire n’a été introduite pour plafonner notre production d’énergie d’origine fossile ou nos importations de gaz.
Rappelons par ailleurs, que la France a décidé la fermeture des deux réacteurs de la centrale de Fessenheim en 2020, soit deux ans avant la fermeture des dernières centrales à charbon. Pourtant la prolongation de la durée de fonctionnement du parc historique est l’option bas carbone la plus économique. Avec un coût de production très bas dans les deux prochaines décennies, situé vers 33€/MWh, même en incluant le programme Grand Carénage.
L’ARENH, un mécanisme à réformer
Créé par la loi du 7 décembre 2010 portant sur la nouvelle organisation du marché de l’électricité (loi NOME), l’Accès régulé à l’énergie nucléaire historique (ARENH) permet aux fournisseurs alternatifs d’électricité, d’acheter à EDF des volumes d’électricité à un prix régulé de 42€/MWh, pour la période allant de 2011 à 2025. En effet, les investissements dans le parc nucléaire historique sont aujourd’hui amortis, ce qui permet à EDF de produire à un coût compétitif et stable son électricité d’origine nucléaire
L’ARENH, plafonné depuis son origine à 100 térawattheures (TWh) annuels, soit environ 25 % de la production du parc nucléaire historique, devrait connaitre une évolution substantielle. Le gouvernement et la majorité parlementaire prévoient de relever ce plafond à 150 TWh au motif que le nombre de clients des fournisseurs alternatifs s’est accru et que cela leur permettrait d’atténuer la hausse des prix pour le consommateur final.
Sur ce sujet, l’Autorité de la concurrence, dans une décision en date du 25 mars 2019, nuance : « [l’Autorité] émet un avis défavorable sur la proposition d’augmentation des tarifs [de la CRE], au motif que 40 % de la hausse de prix proposée ne correspond pas à une augmentation des coûts de fourniture d’EDF mais au rationnement de l’accès d’EDF à l’électricité d’origine nucléaire ». Pour l’Autorité de la concurrence, ces 40 % ont « pour but de permettre aux concurrents d’EDF de proposer des prix égaux ou inférieurs aux TRV ». Cela « conduirait à une sur-rémunération d’EDF » et ferait peser la charge financière sur les consommateurs clients de l’électricien plutôt qu’aux fournisseurs d’électricité. L’Autorité de la concurrence vise ainsi directement l’ARENH et appelle à « une réforme aussi rapidement que possible » de ce mécanisme conçu pour partager la « rente nucléaire » et assurer une concurrence réelle sur le marché de l’électricité.
Assurer le financement du parc nucléaire d’aujourd’hui et de demain
L’autre question est la juste tarification de l’ARENH. Le projet de loi prévoit que le Ministre en charge de l’énergie, pourra, par simple décret, rehausser le montant de rachat. Ce montant fait encore débat entre le ministère de la Transition écologique et solidaire et EDF qui doit pouvoir compter sur la compétitivité de son parc nucléaire actuel afin d’assurer ses investissements futurs. En effet l’opérateur historique doit être capable d’assurer la sécurité d’approvisionnement que lui demande l’Etat, ce qui nécessite des investissements à long terme dans ses infrastructures.
De plus, en toile de fond, se pose la question du financement d’un programme de nouveau nucléaire. L’idée est d’avoir « une vision globale sur le nucléaire », a déclaré Laurent Michel, le Directeur général de l’énergie et du climat (DGEC) lors de l’Enerpress Forum le jeudi 20 juin. « On ne pourra pas cacher la construction du nouveau nucléaire dans le post-ARENH », précise-t-il. En effet, quelles que soient les orientations choisies, la France aura besoin d’un socle de nucléaire à l’avenir, dont 20 GW de nouveau nucléaire selon le scénario de la Commission européenne. Comment financer le renouvellement des moyens de production si le parc n’est pas suffisamment rémunéré ? La question de l’ARENH est donc stratégique et doit être le fruit d’une concertation sereine entre les parties prenantes.
Le projet de loi énergie-climat sera en débat à l’Assemblée nationale jusqu’à la fin du mois de juillet. Il sera suivi à l’automne de la deuxième version de la PPE. Un ensemble de textes qui dessinera les grandes orientations de la politique énergétique de la décennie.