Data centers et réacteurs nucléaires : l’amour ouf - Sfen

Data centers et réacteurs nucléaires : l’amour ouf

Publié le 30 octobre 2024

Fin 2024, les annonces de partenariat entre les géants d’Internet et l’industrie nucléaire se sont multipliées. Microsoft souhaite redémarrer pour ses besoins le réacteur de Three Mile Island fermé en 2019 alors que Google et Amazon se tournent vers les petits réacteurs modulaires (SMR). 

Les besoins énergétiques du numérique et en particulier des Data centers est une préoccupation importante. Selon un récent travail de Schneider Electric, intitulé « Small Modular Nuclear Reactors Suitability for Data Centers », la congestion des réseaux électriques et la mise à l’arrêt des petites centrales électriques tournant aux énergies fossiles impactent le développement des centres de données. « Les délais d’approbation de nouvelles lignes de transmission électrique et les problèmes liés aux réseaux de distribution poussent les centres de données vers des solutions de production in situ », résument les auteurs.

« Les SMR semblent être la solution optimale pour les grands centres de données, en particulier dans les régions où il y a des contraintes énergétiques, tandis que les microréacteurs (>50 MWe) pourraient être plus appropriés comme alternative au stockage de l’énergie ou comme meilleure solution pour alimenter les petits centres de données », ajoutent-ils.

Les GAFAM aux avant-postes

L’offre des petits réacteurs modulaires intéresse les entreprises de la Big Tech. Le besoin énergétique concentré et croissant de ces installations appelle une solution d’approvisionnement électrique stable. Microsoft, Google et Amazon ont apparemment fait le choix de ne plus peser sur le réseau électrique avec le redémarrage d’un réacteur qui était destiné à être démantelé pour des raisons économiques (Microsoft et Constellation Energy) ou avec des projets de petits réacteurs modulaires (Google et Kairos Power ainsi qu’Amazon et X-Energy).

Ainsi, Google a souscrit à 500 MWe auprès de Kairos Power ce qui représenterait environ 4 réacteurs, le KP-FHR de Kairos faisant 140 MWe. Amazon a quant à lui directement investi 500 millions de dollars dans X-Energy qui développe un petit réacteur à haute température de 80 MWe. L’objectif est de déployer 5 GWe de nucléaire d’ici à 2039. Ces engagements sur le long terme devraient permettre de diminuer le risque des premiers projets et de lancer des séries de réacteurs, un facteur essentiel de leur compétitivité.

La concentration géographique de la consommation électrique des centres de données

Les centres de données représentent à la fois une part mineure de la croissance électrique attendue au niveau mondial et à la fois une part significative de la consommation électrique au niveau local. En effet, ils représentent environ 1 % de la consommation électrique sur la planète selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE) soit entre 240 à 340 TWh. Dans son scénario STEPS – qui se base sur les ambitions affichées par les gouvernements – la croissance de cette demande représente un peu moins de 10 % de l’augmentation de la consommation électrique totale attendue d’ici à 2030. Cependant, la concentration de cette demande pose des enjeux locaux forts, voire nationaux.

En 2024, l’Irlande, qui compte une centaine de centres de données, a vu la consommation électrique de ces installations dépasser celle du secteur résidentiel[1]. Dans une interview du Financial Times [2], le ministre de l’Environnement a d’ailleurs déclaré vouloir faciliter le développement de nouvelles installations, mais qu’il se devait de « travailler dans le respect des engagements climatiques ». Autre exemple, selon l’Electric Power Research Institute (EPRI), les Data Center pourraient passer de 4 % de la consommation électrique des États-Unis à près de 10 % en 2030. Dans l’État de Virginie, ils représentent déjà 25 % de la consommation électrique selon les estimations de l’EPRI[3]. En Europe, la part pourrait passer de 2 % (62 TWh) à 5 % (150 TWh) de la consommation électrique d’ici à 2030[4].

Ainsi, associer de nouveaux serveurs à la construction de moyens de production électrique permettrait de ne pas peser lourdement sur un réseau et de ne pas retarder sa décarbonation. Au contraire, le lancement de nouveaux réacteurs pourrait être bénéfique décarboner au-delà des seuls centres de données. C’est d’ailleurs l’objectif affiché par Google : « En 2023, pour la septième année consécutive, Google a compensé l’intégralité de sa consommation d’électricité annuelle mondiale par l’achat d’énergies renouvelables. Toutefois, en raison des différences de disponibilité des énergies renouvelables telles que le solaire et l’éolien dans les diverses régions où nous opérons, et de la quantité variable de ressources disponibles, nous sommes contraints d’exploiter les sources d’énergie produisant des émissions de CO2 qui alimentent les réseaux locaux. C’est pourquoi en 2020, nous nous sommes fixé l’objectif de fonctionner à l’énergie décarbonée 24h/24, 7j/7 sur tous les réseaux où nous opérons, d’ici 2030 ».

Gaïc Le Gros (Sfen)

Photo – Lignes électriques alimentant le nouveau centre de données de Meta, juillet 2024 – George Frey/AFP


[1] https://www.ft.com/content/21cbc670-9db0-4f94-9832-7e06b880f944

[2] https://www.ft.com/content/21cbc670-9db0-4f94-9832-7e06b880f944

[3] https://www.epri.com/research/products/3002028905

[4] https://www.mckinsey.com/industries/electric-power-and-natural-gas/our-insights/the-role-of-power-in-unlocking-the-european-ai-revolution