Cinq questions sur le passage du projet de loi accélération du nucléaire à l’Assemblée nationale
Le projet de loi relatif à l’accélération des nouveaux projets nucléaires sera discuté cette semaine à l’Assemblée nationale. Il s’agit d’accélérer les démarches qui précèdent l’autorisation de création, sans altérer ni la sûreté ni la qualité des enquêtes publiques.
1) Quels sont les objectifs du projet de loi ?
Le projet de loi relatif à l’accélération des nouveaux projets nucléaires, examiné cette semaine par les députés, vise à rationaliser les procédures existantes pendant un temps limité tout conservant le même niveau d’exigence en matière de sûreté nucléaire, de protection de l’environnement et de participation du public. Il envisage ainsi plusieurs dispenses et dérogations. Parmi celles-ci, on peut compter des mesures d’expropriation en cas d’échec des acquisitions amiables, une dérogation à loi Littoral (article 5) à proximité des centrales de bord de mer existantes, et une dispense de permis de construire (article 2).
Ce projet de loi fait également la distinction entre les travaux préparatoires qui pourront débuter après obtention de l’autorisation environnementale (article 4), et les travaux concernant « l’ilot nucléaire » et les « auxiliaires de sûreté ». Ces derniers ne pourront démarrer avant l’autorisation de création de l’installation nucléaire après l’instruction par l’Autorité de sûreté nucléaire et l’enquête publique. Cela permettra d’anticiper des travaux de terrassement, la construction de route ou de bâtiments annexes, de quoi faire gagner de nombreux mois au projet.
« Le principal objectif est de réduire le temps entre la décision de construction des futurs réacteurs et le début du chantier, en permettant de réaliser les premiers travaux hors îlots nucléaires en avance de phase, dès l’obtention de l’autorisation environnementale », explique Maud Bregeon, rapporteure du projet de loi dans une interview accordée à la RGN.
Enfin, ce projet de loi préserve et solidifie la prise en compte de la parole citoyenne à travers une enquête publique supplémentaire.
2) Quelle est la prise en compte parole citoyenne dans le nucléaire ?
Vendredi dernier, en prévision du projet de loi, Europe Écologie Les Verts a organisé une « masterclass » au cours de laquelle ils ont demandé la mise en place d’une « convention citoyenne » sur le nucléaire, se plaignant du manque de débat sur le sujet. Pourtant, deux consultations ont été organisées courant 2022-2023. Premièrement, un débat public sur le programme de construction de six EPR2, comprenant une première paire sur le site de Penly (Seine-Maritime). Deuxièmement, une concertation sur l’avenir du mix énergétique a été organisée par le gouvernement. Sans compter qu’au cours des 18 dernières années, 12 débats publics et concertations ont eu lieu en France sur le nucléaire, contribuant à faire évoluer les projets nucléaires.
3) Quid du plafond de 50 % d’électricité nucléaire dans le mix ?
En commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale début mars, les députés ont confirmé la suppression du plafond de 50 % de nucléaire dans le mix électrique, ainsi que la limite de puissance installée à 63 GW à horizon 2035. Ces modifications avaient été proposées par les sénateurs en janvier dernier. La rapporteure du texte, Maud Bregeon, juge que « définir des objectifs chiffrés de répartition des énergies bas carbone dans le mix électrique n’apparait pas comme étant la bonne façon de le piloter. Si des limites doivent être actées, c’est sur les énergies fossiles. »
4) Quel impact de la loi sur le rapprochement entre l’ASN et l’IRSN ?
Lors de l’examen en commission, le gouvernement a intégré un amendement sur le projet de fusion de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Ce projet est la traduction de la proposition du dernier Comité de politique nucléaire (CPN). Il s’agit de réunir les compétences techniques de l’IRSN, avec celles de l’ASN. Lors de la discussion en commission des Affaires économiques , le Président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) Pierre Henriet et la rapporteure Maud Bregeon ont enrichi la proposition gouvernementale en y ajoutant une des propositions de l’Office qui vise à séparer le processus d’expertise des avis et des décisions.
5) Quel impact de ce projet de loi sur la future politique énergétique française ?
Ce projet de loi pose le cadre pour une accélération procédurale, mais ne préempte pas la décision effective de construction des centrales nucléaires. La définition du mix énergétique sera soumise au Parlement dans un second temps, courant 2023, dans le cadre de la prochaine loi de programmation énergie climat (LPEC). Elle permettra de définir les objectifs et les priorités d’action de la politique énergétique nationale et viendra fixer les grands objectifs de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et de la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC). ■