« Si des limites doivent être actées, c’est sur les énergies fossiles », Maud Bregeon, rapporteure du projet de loi d’accélération du nucléaire
La députée Maud Bregeon (Renaissance, Hauts-de-Seine) est rapporteure du projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires, en cours de débat en Commission avant son passage à l’Assemblée nationale. Selon elle, la majorité assume une forte ambition sur le nucléaire, avec pour seul ennemi les énergies fossiles.
Quels sont les gains attendus du projet de loi sur le nucléaire en vue du programme EPR 2 ?
Le principal objectif est de réduire le temps entre la décision de construction des futurs réacteurs et le début du chantier, en permettant de réaliser les premiers travaux hors îlots nucléaire en avance de phase, dès l’obtention de l’autorisation environnementale.
De la même façon, des dérogations à la loi littoral vont permettre de faciliter la réalisation de nombreuses installations comme les ouvrages de raccordement. Avec cette loi, on devrait pouvoir commencer les premières opérations fin 2024.
Sur un plan plus politique, l’Assemblée nationale a voté la suppression du plafond de 50 % de nucléaire dans le mix électrique et la limite de puissance installée à 63GW à horizon 2035. C’est un signal fort envoyé aux Français et à la filière : la majorité assume pleinement son ambition pour le nucléaire, dans la droite ligne de la politique voulue par le Président de la République. En somme, le Parlement concrétise pleinement le discours de Belfort.
Le projet de loi représente-t-il un favoritisme pour le nucléaire par rapport aux autres énergies ?
En matière d’énergie, nous n’avons qu’un seul ennemi : les énergies fossiles, qui représentent 60 % de l’énergie finale consommée en France. En parallèle, nous sommes la seule famille politique à ne jamais opposer les énergies décarbonées entre elles.
La loi pour l’accélération des énergies renouvelables adoptée le 7 février dernier va d’ailleurs bien dans ce sens, avec des dispositions visant à simplifier les procédures environnementales comme une présomption de reconnaissance de la raison impérative d’intérêt public majeur, mais aussi des mesures pour mobiliser plus facilement du foncier pour les projets éoliens et solaires.
Ces deux projets de loi sont complémentaires et permettront d’accroitre significativement, sur le temps long, notre production d’énergie décarbonée.
La loi a été présentée et est passée au Sénat en plein débat public EPR2. Cela n’a-t-il pas posé un problème ?
La tenue de ces débats, que je crois nécessaires, n’écrase pas pour autant la légitimité du parlement à débattre et légiférer. En parallèle, les Français sont en droit d’attendre de la CNDP (Commission nationale du débat public, ndr) l’organisation de débats impartiaux et constructifs. Au regard du déroulé de certains de ces échanges, on peut constater des difficultés. De même qu’on peut s’interroger sur l’intérêt d’y convier officiellement un représentant d’une association antinucléaire pour présenter ses travaux, tout en les mettant au même niveau que ceux de RTE. La nécessité de débattre ne signifie pas que toutes les déclarations et études se valent, un fact-checking rigoureux me semble nécessaire à pérenniser pour accompagner ces exercices démocratiques.
J’entends les oppositions aux dispositions votées au Sénat, mais justifiaient-elles d’interrompre le débat public EPR2 ? Avec cette décision, les débats sur le coût et le financement ainsi que ceux sur les incertitudes climatiques et géopolitiques n’ont pas eu lieu. Ceux sur les incertitudes climatiques et géopolitiques non plus. Le risque, c’est de décrédibiliser ce moment nécessaire aux yeux de tous, qu’on soit favorable à ce projet, défavorable ou simplement en recherche d’informations.
Il faut à présent avancer et tirer le retour d’expérience de ce qui s’est bien passé depuis le début des débats le 27 octobre, pour s’améliorer à l’avenir. Cet exercice démocratique doit continuer, j’y suis très attaché.
Suite à l’amendement des sénateurs, est-ce la fin du plafond nucléaire en France ?
Oui et cette suppression a été votée en Commission des affaires économiques de l’Assemblée jeudi 2 mars. Notre détermination à relancer la filière est on ne peut plus claire. J’ajouterais que définir des objectifs chiffrés de répartition des énergies bas carbone dans le mix électrique n’apparait pas comme étant la bonne façon de le piloter. Si des limites doivent être actées, c’est sur les énergies fossiles. Par ailleurs, compter la production en pour cent n’a pas de sens. Cela pousse chacun à s’appuyer sur des logiques idéologiques alors que c’est d’abord les besoins et les moyens d’y parvenir qui doivent nous guider.
L’objectif de neutralité carbone mais aussi la sécurité d’approvisionnement et la souveraineté énergétique sont des facteurs bien plus importants à prendre en compte pour planifier la politique énergétique et les capacités de production à développer, ce sont d’ailleurs les objectifs qui ressortent du discours de Belfort. La suppression du plafond de 50 % de nucléaire dans le mix électrique est donc une mesure qui sera pérennisée sans limite dans le temps, tout comme la suppression du plafond de capacité installée, outil en réalité conçu pour contraindre EDF à mettre à l’arrêt la centrale de Fessenheim. ■