L’énergie nucléaire peut-elle servir à la propulsion des vaisseaux spatiaux ?
Aujourd’hui, les vaisseaux spatiaux utilisent en grande majorité des carburants chimiques pour se propulser. Cependant, ceux-ci ont certaines limites telles que les niveaux de poussées, l’autonomie, etc. L’énergie nucléaire pourrait contribuer à résoudre ces obstacles.
Parcourir les étoiles fait rêver, mais la conquête spatiale n’est pas aussi évidente que dans Star Wars. Elle demande des ressources colossales en énergie et nécessite des temps de trajets conséquents, parfois trop longs à l’échelle humaine. Pourtant, les missions sont de plus en plus ambitieuses, comme la conquête de Mars par exemple.
Les vaisseaux spatiaux, pour avancer dans l’espace, utilisent aujourd’hui des moteurs à carburants chimiques ou encore des panneaux solaires. Bien qu’efficaces, ces technologies présentent des limites. Dans le cas des carburants chimiques, ils sont lourds et volumineux. La quantité que l’on peut transporter est donc limitée, ce qui affecte l’autonomie. Quant à l’énergie solaire, son efficacité s’amoindrit à mesure que l’on s’éloigne de notre étoile. C’est pour cela que les compagnies aérospatiales cherchent à innover dans les technologies de propulseurs et pourraient faire appel au nucléaire pour résoudre ces problématiques.
Propulsion nucléothermique
Un moteur à propulsion nucléothermique reprend, en quelque sorte, le principe du fonctionnement d’une centrale nucléaire classique. L’objectif est de chauffer un fluide qui va ensuite être éjecté pour propulser la fusée. Le système est ainsi constitué d’un cœur de réacteur nucléaire, chargé en combustible, et d’un réservoir à carburant liquide, l’hydrogène étant généralement privilégié. Ce liquide va circuler au sein du réacteur, puis va être chauffé à de hautes températures, pour être finalement éjecté, sous forme de gaz, par le biais d’une tuyère, à la base de la fusée. Les très hautes températures atteintes par l’hydrogène imposent que le combustible nucléaire et le moteur soient résistants à ces chaleurs intenses.
Au regard de la densité énergétique (quantité d’énergie d’une matière par unité de volume) bien supérieure des réactions nucléaires [1], les systèmes à propulsion nucléothermique pourraient générer des poussées deux à trois fois supérieures à celles effectuées par les moteurs à carburants chimiques classiques. Autrement dit, pour une même quantité de carburant, les moteurs nucléaires effectuent une plus grande poussée et la maintiennent plus longtemps. Par conséquent, les durées de trajet des missions pourraient être largement raccourcies ou les missions pourraient être plus ambitieuses en terme de durée. De même, la quantité de carburant embarquée pourrait être réduite. Néanmoins, il subsiste encore aujourd’hui des questions autour de l’éventuelle dispersion de matières radioactives, notamment dans le cas d’un accident au décollage.
Puisqu’ils reprennent les grandes lignes des technologies de réacteurs civils, il est tout à fait possible d’imaginer que les systèmes à propulsion nucléothermique puissent reprendre aussi certaines de leurs innovations. En effet, il existe certains concepts qui utilisent des cœurs avec un combustible liquide, voire gazeux. Ceux-ci pourraient fournir des niveaux de performance différents pour des utilisations variées (puissance encore plus élevée, utilisation hors de l’atmosphère, meilleure fiabilité, etc.).
Propulsion nucléaire électrique
Dans ces systèmes à propulsion nucléaire électrique, des « mini » réacteurs nucléaires sont utilisés pour produire une énergie thermique. Celle-ci est ensuite convertie en électricité (grâce à des générateurs). Puis, elle est conduite dans des propulseurs électriques ioniques, au sein desquels elle va ioniser un gaz (plasma). Une fois que les ions ont été suffisamment accélérés, ils peuvent être éjectés pour générer la poussée de la fusée.
La propulsion nucléaire électrique est actuellement à un stade moins mature que la propulsion nucléothermique. Néanmoins elle offrirait des perspectives tout aussi intéressantes. En effet, les moteurs à propulsion électrique sont aujourd’hui alimentés par des panneaux solaires, qui ont un niveau de puissance limité, surtout pour des missions interplanétaires lointaines fortement éloignées du Soleil. Ici, les moteurs nucléaires pourraient permettre une poussée plus élevée dans tous types de conditions. Cette technologie n’aurait par ailleurs pas de limite liée au transport de carburant. ■
Par François Terminet (Sfen)
Image : Illustration conceptuelle d’un NEP, Source : Agence spatiale européenne
[1] Les réactions nucléaires permettent de chauffer l’hydrogène à des températures bien plus élevées que ne le peuvent les systèmes à propulsion chimique. Ainsi, du à la température plus élevée du gaz expulsé, sa vitesse est elle aussi supérieure, ce qui garantit in fine une efficacité supérieure du vaisseau.