La vague de chaleur conduit les gouvernements (même anti) à revenir au nucléaire

Cet article a d’abord été publié en anglais sur le site Forbes le 26 juillet.
Pour faire face à une vague de chaleur record qui a augmenté partout dans le monde la demande en électricité pour alimenter les climatiseurs, même les gouvernements connus pour leur politique défavorable à l’énergie nucléaire se tournent vers cette énergie.
Pour répondre à une demande d’électricité croissante, le gouvernement sud-coréen a annoncé la semaine dernière qu’il ferait passer le nombre de réacteurs nucléaires en exploitation de 14 à 19, relançant même deux réacteurs qui devaient être fermés cet été pour maintenance.
De son côté, l’Allemagne compte fortement sur ses centrales nucléaires restantes et ses centrales au charbon, y compris en pleine journée lorsque la production photovoltaïque est maximale. La raison ? L’absence de vent.
En juin, à Taiwan, le gouvernement, qui prévoit d’arrêter le nucléaire d’ici 2025, avait dû redémarrer un réacteur nucléaire fermé pour répondre à la demande. L’année dernière, l’île connaissait un blackout sans précédent, privant d’électricité sept millions de foyers.
Au Japon, en prévision des pics de demande estivaux, le gouvernement a accéléré le redémarrage des réacteurs nucléaires fermés après Fukushima. Depuis mars, la capacité nucléaire japonaise a presque doublé.
Le recours de ces gouvernements au nucléaire montre les limites des énergies renouvelables et des politiques d’économies d’énergie
Après l’accident de Fukushima en 2011, le Japon a fermé ses centrales nucléaires et investi massivement dans les économies d’énergie et l’efficacité énergétique. Les limites de ces efforts ont été ressenties fin juillet, les ventes de climatiseurs étant jusqu’à 70 % plus élevées que l’année dernière.
La Californie a dépensé des milliards dans des programmes d’économies d’énergie et d’efficacité énergétique mais s’est retrouvée la semaine dernière contrainte de demander aux résidents de réduire leur consommation d’énergie pendant la canicule. « Prévoyez un endroit où aller si vous n’avez plus d’électricité » a ainsi prévenu un expert de l’équivalent américain de Météo France.
L’énergie solaire de la Californie a d’ailleurs été d’une utilité limitée. Le San Diego Union-Tribune rappelle ainsi que « la production solaire s’arrête au moment où les consommateurs d’énergie rentrent du travail, allument leurs climatiseurs et utilisent des appareils qui consomment beaucoup d’énergie, tels que les machines à laver ou des sèches linge. »
A ce problème s’ajoute le fait que les panneaux solaires produisent moins d’électricité lors les vagues de chaleur. Les experts rappellent ainsi que « selon les normes de fabrication, une température de 25°C est la température température optimale de fonctionnement des panneaux solaires. C’est à cette température que les cellules solaires sont capables d’absorber la lumière du soleil avec une efficacité maximale. »
Dans les climats chauds, explique le Times, « des températures estivales de 50 ° C, combinées à l’accumulation de poussière, peuvent réduire de plus de moitié l’efficacité d’un panneau photovoltaïque ».
Dans ce contexte, les prix de gros de l’électricité en Californie ont augmenté à un tel niveau qu’ils dépassent parfois les 1000 $ par mégawattheure, soit 30 fois plus que le prix moyen constaté un an plus tôt.
En Corée du Sud, les médias ont critiqué le gouvernement, l’accusant d’avoir sous-estimé la demande d’électricité afin de justifier ses politiques antinucléaires. « De tels échecs dans la prévision de la demande en électricité suggèrent que le gouvernement a arbitrairement abaissé ses estimations de demande pour soutenir sa logique de fermeture des centrales nucléaires », a ainsi écrit un journal sud-coréen.
Ces situations sont d’autant plus ironiques que de nombreux gouvernements justifient leur politique antinucléaire sous prétexte de lutter contre le changement climatique alors même qu’il pourrait contribuer à la canicule.
« C’est ce que l’avenir nous réserve », a prévenu un porte-parole d’un fournisseur d’électricité de Los Angeles. « Nous anticipons de devoir faire face à des situations extrêmes ».
« La précipitation du gouvernement à éliminer le nucléaire a conduit à une augmentation de la production d’électricité à partir de centrales à charbon ou au gaz qui constituent de sérieuses menaces pour l’environnement », rappelle ainsi un journal sud-coréen.
La canicule servira-t-elle d’avertissement aux gouvernements défavorables au nucléaire ?
Taiwan pourrait devenir un premier test puisque, si la fermeture d’une centrale nucléaire y est prévue en décembre, les souvenirs de cette canicule estivale et du blackout de l’été dernier pourraient l’empêcher.
De son côté, le gouvernement californien, qui veut sortir du nucléaire, va de l’avant avec des plans pour fermer d’ici 2025 la centrale de Diablo Canyon, qui fournit 9 % de l’électricité de l’Etat.
En Californie pourtant les prix de l’électricité ont augmenté cinq fois plus vite que dans le reste des États-Unis depuis 2011, année où l’État a commencé à étendre le déploiement des énergies renouvelables et a fermé une centrale nucléaire.
Le renchérissement de l’électricité, même dans des conditions normales, est aggravé par la sortie du nucléaire. A l’avenir, il va de soi que lors d’événements extrêmes tels que les vagues de chaleur de cet été, les augmentations de prix seront particulièrement élevées.
La canicule a d’ailleurs forcé des organisations environnementales, comme l’Environmental Defense Found, qui soutient la fermeture de la centrale de Diablo Canyon, à reconnaître que « la demande en électricité ne fait qu’augmenter ».
L’organisation environnementale a ainsi déclaré que « outre le fait que les services publics doivent desservir 50 millions d’Américains de plus qu’il y a 20 ans, chacun de nous compte davantage sur l’électricité. Qu’il s’agisse de nos iPhones et ordinateurs portables ou des services cloud auxquels nous les connectons, nos vies personnelles et professionnelles dépendent entièrement de l’électricité et de la fiabilité du réseau. » Sans compter la transition accélérée vers les voitures électriques, dont la demande en électricité pourrait être multiplié par 300 entre 2016 et 2040.
Crédit photo : Kremlin