Des points communs avec la situation française
Pour ce qui concerne la France, cet évènement est l’occasion de présenter un bref rappel historique pour montrer qu’il existe une certaine similitude avec la Suède sur ce sujet.
Dès la fin des années 1970, le stockage géologique profond a été retenu comme solution de référence pour gérer les déchets de moyenne et de haute activité à vie longue (MA- HAVL). Les premières recherches géologiques ont été menées par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) afin d’étudier les sites les plus adaptés à ce stockage.
C’est ensuite la nouvelle Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), créée en novembre 1979, au sein du CEA, qui a été chargée de rechercher les « meilleurs » sites dans différents milieux géologiques (granite, argile, sel, schistes). Toutefois, la démarche mise en oeuvre s’est avérée pour le moins inappropriée car elle s’appuyait au départ sur des considérations essentiellement scientifiques et techniques, sans tenir compte de la dimension sociétale liée à l’acceptation des projets de cette nature.
En effet, le 20 février 1987 est annoncé au journal télévisé de 20 heures le choix de quatre sites sélectionnés pour l’étude de stockage. Le secrétaire d’État à l’Énergie, Monsieur Malvy, annonçait officiellement au public le nom de quatre départements et secteurs géographiques qui « méritent d’être étudiés plus avant » : le granite à Neuvy-Boin près de Parthenay dans les Deux-Sèvres, le schiste à Segré dans le Maine et Loire, le sel à Saint-Jean-de-Reyssouze près de Bourg- en-Bresse dans l’Ain et l’argile à Montcornet-Sissonne dans l’Aisne [2]. Mais malgré les précautions prises dans ces annonces, les réactions locales ont été alors très vives et une forme de résistance populaire s’est organisée autour de certains endroits où l’on a frôlé l’affrontement violent.
Face à cette opposition farouche, le Premier ministre lui-même, Michel Rocard, décida le 9 février 1990 d’arrêter net le processus et de démarrer une période de réflexion en sollicitant l’avis de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techno- logiques (OPECST) ainsi que celui du Collège de la prévention des risques technologiques majeurs, créé en février 1989.
Élaboration d’une loi dédiée à la gestion des déchets radioactifs en France
Sur la base des rapports publiés à l’issue de ces travaux (en décembre 1990 et en février 1991), le député Christian Bataille rédigeait à son tour un rapport resté célèbre qui servira à l’élaboration d’une loi dite « Bataille » promulguée le 30 décembre 1991 [3]. Cette loi prévoyait une phase de recherches supplémentaires de 15 ans pour étudier toutes les voies de gestion possibles des déchets de MA-HAVL (déchets de moyenne et de haute activité à vie longue). Elle a abouti à une nouvelle loi promulguée le 28 juin 2006 qui précisa notamment les conditions de réalisation d’un stockage géologique de déchets MA-HAVL avec un calendrier associé.
Au cours de cette longue période, les responsables de ces projets de stockage, notamment ceux de l’Andra, ont modifié profondément leur approche initiale de ces problèmes en focalisant leurs actions sur l’aspect sociétal du dossier et en recherchant en priorité un certain consensus.
Ce processus a permis de favoriser les échanges avec le public, ce qui a conduit à un socle d’adhésion minimum de la population concernée et de mobiliser des arguments solides répondant à leurs préoccupations.
Il en résulte aujourd’hui un projet de stockage géologique, Cigéo, proche de la réalisation, qui sera implanté à la limite des départements de la Meuse et de la Haute-Marne, non loin de la commune de Bure, et qui est bien accepté par la population locale.
Il est donc clair que la confiance du public et la concertation avec les populations locales sont la clef du succès pour un stockage géo- logique de déchets radioactifs (mais ce n’est pas le seul cas). En bref, et selon l’expression anglo-saxonne connue, la devise à appliquer dans ce type de circonstances est : « annoncer, discuter et décider » plutôt que « déci- der, annoncer et défendre ». Un choix tout à la fois tactique et démocratique.