[Série d’été 9/9] L'énergie nucléaire dans la culture : la fusée de Tintin - Sfen

[Série d’été 9/9] L’énergie nucléaire dans la culture : la fusée de Tintin

Publié le 23 août 2024 - Mis à jour le 27 août 2024

Le nucléaire est une source d’inspiration majeure. Si l’aspect militaire a alimenté de nombreux films de science-fiction, de jeux vidéo, de comics, le nucléaire civil a souvent su tirer son épingle du jeu, laissant une empreinte indélébile dans notre imaginaire collectif, que ce soit pour illustrer sa beauté ou ses promesses pour l’avenir. Cet été 2024, la RGN vous a sélectionné quelques exemples. Et aujourd’hui, penchons-nous sur la fusée de Tintin dans « Objectif Lune ».

Lorsque Hergé lance Tintin dans l’espace en 1950 avec « Objectif Lune » et « On a marché sur la Lune », il le fait à bord d’une fusée à la pointe de la technologie : la X-FLR6. Elle est alimentée par un « moteur atomique », dixit le professeur Tournesol. Dans l’album, même si l’on sait que l’auteur a beaucoup étudié la connaissance aérospatiale de l’époque, le détail de fonctionnement de la machine est peu décrit.

On sait que la fusée possède deux moteurs : le premier, chimique, pour le décollage et l’atterrissage, le second, au plutonium, pour le voyage spatial. Sur une magnifique planche qui montre la fusée, un blindage contre les radiations émises par la matière radioactive est visible… même si l’histoire ne dit pas si un blindage contre les radiations de l’espace (sûrement bien plus néfastes) est envisagé.

Pilotabilité du moteur nucléaire

Dans l’aventure, on voit que le moteur atomique est allumé et éteint de nombreuses fois au cours de l’histoire, sans poser de problème. On se souvient notamment du moment où Haddock part à la dérive et se fait « happer » par la gravité de l’astéroïde Adonis. Grâce au moteur atomique, la fusée parvient à aller chercher le capitaine et à échapper à l’attraction de l’astéroïde (qui, dans la réalité, n’est pas du tout sur le chemin de la Terre à la Lune).

Cette capacité d’un réacteur nucléaire à varier rapidement de puissance, voire à passer d’une puissance très faible à sa pleine capacité, est une réalité. Les réacteurs de puissance du parc sont déjà très pilotables pour répondre aux besoins de consommation ; ils peuvent varier de 80 % de puissance en 30 minutes. Mais les champions toutes catégories en la matière sont les réacteurs des sous-marins à propulsion nucléaire, capables d’ajuster leur puissance à grande vitesse.

La gravité artificielle

Le moteur nucléaire de la fusée joue également un rôle clé dans la perspective de futurs voyages spatiaux de long cours : la création d’une gravité artificielle. Comment oublier ce moment où le capitaine Haddock, passablement alcoolisé, flotte dans la fusée à la poursuite de son whisky flottant alors que le moteur atomique a été arrêté par accident ? Bien que le phénomène dans la BD repose sur des bases techniques discutables, il introduit au grand public l’idée que la propulsion peut influencer les conditions de vie en apesanteur.

Un autre aspect crucial du moteur atomique de la fusée est l’idée d’une source d’énergie quasiment illimitée. Cela permettrait d’alimenter non seulement la propulsion, mais aussi tous les systèmes de bord de la fusée, réduisant considérablement la dépendance à des ressources limitées. Cet élément narratif préfigure des discussions actuelles, tout à fait réelles, sur l’utilisation de réacteurs nucléaires pour alimenter des missions spatiales de longue durée, en particulier dans des zones lointaines, là où la seule énergie solaire n’est pas suffisante.

La Nasa et l’ESA à l’étude

Les systèmes de propulsion nucléaire thermique (NTP) fonctionnent en chauffant un propulsant comme l’hydrogène à l’aide d’un réacteur nucléaire, générant une poussée bien plus efficace que les systèmes chimiques traditionnels. Ce type de propulsion permettrait de réduire considérablement le temps de voyage vers Mars ou les lunes des géantes gazeuses comme Titan, autour de Saturne. De plus, la propulsion nucléaire électrique (NEP) pourrait permettre d’alimenter les systèmes de bord des navettes sur de très longues distances, tout en générant une faible mais continue poussée, idéale pour des missions interplanétaires de plusieurs années.

Sans oublier que nombre de sondes (Voyager, Pioneer, Rosetta…) et de rovers martiens (Spirit, Opportunity…) utilisent déjà des RTG (générateurs thermoélectriques à radioisotope) afin de se protéger du froid et pour générer de petits courants par conversion thermique. ■

Retrouvez tous les numéros de notre série « L’énergie nucléaire dans la culture »

1/9 – La série de jeux vidéo Fallout

2/9 – L’album photo The Nuclear Sublime

3/9 – Le jeu de société Power Grid

4/9 – Le personnage Dr Manhattan de Watchmen

5/9 – Le DeLorean de Retour vers le Futur

6/9 – Le jeu de société Nucleum

7/9 – Le super-héros de DC Captain Atom

8/9 – Le film Seul sur Mars (The Martian)

9/9 – La Fusée de Tintin dans Objectif Lune

Par Ludovic Dupin (Sfen)

Image : Tintin de la Terre à la Lune – @DR