Programmation pluriannuelle de l’énergie, la place du nucléaire en France demain - Sfen

Programmation pluriannuelle de l’énergie, la place du nucléaire en France demain

Publié le 14 janvier 2019 - Mis à jour le 28 septembre 2021
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Fin novembre 2018, le président de la République, Emmanuel Macron, et le ministre de la Transition écologique et solidaire, François de Rugy, expliquaient la feuille de route engagée par la France dans l’énergie bas carbone et plus globalement le climat. Elle faisait suite au débat public national portant sur la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), organisée au printemps dernier. Quels attendus pour la filière nucléaire et notre société ?

Trajectoires

L’énergie relève d’un domaine complexe, sensible car il a notamment un impact direct, financier, climatique et géopolitique sur l’activité et le développement d’une nation, des entreprises et des ménages. Le 27 novembre dernier, la trajectoire était donnée par le président de la République et le ministre de la Transition écologique et solidaire : faire de la France un pays de référence en matière d’énergies bas carbone. Pour le président, « la responsabilité est de garantir à nos concitoyens l’accès à une énergie pour se déplacer, se chauffer, s’éclairer, travailler, qui soit suffisamment peu coûteuse pour que personne n’en soit privé, et suffisamment propre pour que nos enfants n’en payent pas le prix avec leur santé ou leur propre avenir ». Il faut commencer par « nous désintoxiquer des énergies fossiles », à l’horizon 2050. 75 % de l’énergie consommée en France est d’origine fossile (charbon, pétrole, gaz naturel), et est responsable de la grande majorité des émissions de gaz à effet de serre.

Concernant le secteur électrique, le président a rappelé que « l’électricité va prendre une place de plus en plus grande à mesure que nous allons cesser d’utiliser du pétrole, du charbon et du gaz naturel », et a prédit que le mix électrique serait marqué en profondeur par « l’essor des énergies renouvelables ». La PPE prévoit, d’ici 2030, un triplement du parc éolien terrestre, et une multiplication par 5 du solaire. Pour cela, le gouvernement a annoncé qu’il porterait le soutien aux énergies renouvelables – chiffré à 5,5 milliards d’euros dans le budget 2019, jusqu’à 8 milliards d’euros sur 10 ans.

Équilibrer le mix énergétique

S’agissant du nucléaire, le président de la République a précisé que c’est une énergie sur laquelle la France compte s’appuyer, car elle est « fiable, décarbonée, à bas coût ». 


On ne peut remplacer une capacité de production d’énergie nucléaire par une capacité de production de renouvelable ; la seconde est intermittente


À cet effet, le nucléaire est reconnu par le GIEC comme une source d’énergie bas carbone. Il permet, aux côtés des énergies renouvelables, de décarboner à 90 % la production électrique de la France. Notre pays est aujourd’hui le plus petit émetteur de gaz à effet de serre par habitant des membres du G7. Le nucléaire permet aussi à la France d’avoir le prix de l’électricité le plus bas de l’Europe de l’Ouest pour les ménages : un ménage allemand paie aujourd’hui son électricité près de 70 % plus cher qu’un ménage français [1]. Le président a confirmé l’objectif d’atteindre une part du nucléaire au sein du mix électrique de 50 %, avec un nouvel horizon fixé désormais à 2035. Celui de 2025, initialement inscrit dans la loi relative à la transition énergétique sur la croissance verte (LTECV) de 2015, avait déjà été abandonné fin 2017, après la publication du bilan prévisionnel de RTE. Ce rapport indiquait que, pour tenir l’échéance de 2025, le gouvernement aurait dû garder les centrales à charbon et construire près de 20 nouvelles centrales à gaz.

Selon le gouvernement, l’atteinte du nouvel objectif impliquera la fermeture de 14 réacteurs nucléaires d’ici 2035, avec l’arrêt définitif des 2 réacteurs de Fessenheim au printemps 2020, de 4 à 6 réacteurs supplémentaires d’ici 2030, et des réacteurs restants entre 2030 et 2035. Selon le président, si des scénarios de référence ont été développés, les dates précises dépendront des progrès réalisés dans le domaine du stockage de l’électricité, car « on ne peut remplacer une capacité de production d’énergie nucléaire par une capacité de production de renouvelable ; la seconde est intermittente ». Il a aussi évoqué l’idée d’une « vraie stratégie européenne intégrée » de transition, dont la cohérence serait que « tous les pays qui ont encore des centrales à charbon les ferment ». Si le président précise que la fermeture des réacteurs fera l’objet d’une « stratégie concertée », la SFEN avait rappelé lors du  débat sur la PPE que de nombreuses incertitudes subsistent sur la sécurité d’approvisionnement française d’ici à 2030.


Une sécurité d’approvisionnement incertaine

  • La première incertitude porte sur l’évolution de la demande d’électricité. À ce sujet, François de Rugy déclarait « qu’à échéance de 10 ans, il y aura une augmentation assez nette du fait de l’électrification d’un certain nombre de consommations d’énergie, que ce soit dans les transports ou que ce soit aussi dans le chauffage ».
  • La deuxième incertitude porte sur la stratégie de nos voisins européens en matière énergétique. C’est le cas de l’Allemagne, l’Espagne, la Belgique et la Suisse, qui peuvent avoir besoin d’importer une plus grande part de leurs besoins, de France notamment, pour assurer leur sécurité d’approvisionnement.
  • Enfin la troisième incertitude concerne la capacité des énergies renouvelables, et aussi du stockage, à se déployer au rythme nécessaire. Fermer hâtivement et prématurément des réacteurs nucléaires dont on pourrait avoir besoin pourrait alors entraîner la nécessité de devoir construire des centrales à gaz (avec un risque de « lock-in » pour de nombreuses années) pour assurer la sécurité d’approvisionnement. Au-delà de notre pays, le nucléaire français contribue aujourd’hui à décarboner l’Europe : la France exporte environ 10 % de son électricité à ses voisins qui ont tous, à part la Suisse, un mix plus carboné que le nôtre.

Nucléaire et décarbonation

Concernant les nouvelles constructions nucléaires, le président de la République a précisé que l’EPR « doit faire partie du bouquet d’options technologiques de demain ». Le projet de PPE précise que « la France doit  conserver une capacité industrielle de construction de nouveaux réacteurs nucléaires pour des enjeux de souveraineté » et indique que le gouvernement conduira avec EDF un programme de travail portant entre autres sur « les questions de capacité industrielle de la filière » et « d’optimisation économique d’un nouveau modèle de réacteur ».

À ce jour, tous les grands scénarios mondiaux de décarbonation, que ce soit ceux de l’OCDE, l’AIE ou ceux récemment publiés par le GIEC, prévoient une part importante de nucléaire en 2050. Dans l’étude réalisée par la SFEN « Le nucléaire français dans le système énergétique européen » sur la base des scénarios européens PRIMES, le socle nucléaire est estimé à 40 GWe en France en 2050 (63,2 GWe en 2018) et à 70 GWe dans le reste de l’Union européenne.

Toujours sur l’EPR, EDF a déclaré viser ainsi un objectif de 60 à 70 € par MWh. Dans sa note « Le coût du nouveau nucléaire français », la SFEN avait montré que de nombreuses pistes existent pour diminuer le coût de l’investissement initial, principale composante du coût de production futur. La construction de réacteurs par paires sur un même site est préconisée : construire 3 paires de 2 réacteurs permettrait de réduire les coûts de 30 % des investissements. Un bon cadencement des chantiers permettrait aussi aux entreprises de calibrer leurs investissements dans leurs outils industriels et leurs recrutements. Enfin, en se basant sur l’expérience britannique, il serait possible de réduire de l’ordre de 50 % les coûts financiers.


Source : Eurostat