Présidentielle : l’énergie nucléaire dans le programme des candidats
Dans quelques jours, les Français éliront un nouveau président de la République. Entre livres, discours, interviews, et projet politique, les candidats font entendre leur position sur l’énergie nucléaire. Maintien de la part d’électricité nucléaire dans le mix, limitation à 50 %, ou sortie totale, les débats se cristallisent sur la seule question de la part de l’atome dans la production d’électricité. Les candidats ne semblent à ce jour pas porter d’ambition pour la troisième filière industrielle de France. Pourtant, plus que jamais, l’atome se place au cœur de la stratégie économique, industrielle et climatique de l’Hexagone.
Le présent article porte sur les cinq principaux candidats (selon les sondages) et les classe par ordre alphabétique.
François Fillon
À plusieurs reprises, François Fillon a déclaré vouloir revenir sur la limitation de la part du nucléaire dans la production d’électricité française et a marqué son opposition à la fermeture anticipée de réacteurs, comme ceux de Fessenheim. « Il faut maintenir la part du nucléaire : parce que le nucléaire n’émet pas de gaz à effet de serre et deuxièmement parce que le nucléaire est un avantage compétitif pour l’économie française » indiquait-il dans le débat de la Primaire de la droite et du centre.
À moyen terme, le candidat prévoit un rééquilibrage du mix : « La diminution de la part du nucléaire se fera progressivement, sous l’effet d’une hausse régulière de la part des énergies renouvelables, dont le prix de revient diminue tout aussi régulièrement, sous l’effet d’une dynamique naturelle du marché. »
Le candidat Les Républicains souhaite « renforcer les études sur les réacteurs de 4e génération », une technologie qui permettra de « régler le problème des déchets ». Et soutient aussi le développement de petits et moyens réacteurs nucléaires « pour satisfaire les besoins des grandes villes mondiales ou des régions à faible densité démographique ».
Benoît Hamon
Dans le programme publié sur son site Internet, le vainqueur de la primaire de La Belle Alliance Populaire indique vouloir atteindre 50 % d’énergie renouvelable dès 2025 et diminuer la part du nucléaire pour respecter les objectifs de la loi sur la transition énergétique.
Sur le plan industriel, Benoît Hamon souhaite « pousser » EDF à renforcer ses recherches sur la production et le stockage d’énergies renouvelables. « Plutôt que de privilégier le nucléaire, EDF accompagnera la décentralisation de la production d’énergies vertes » ajoute-t-il.
La transition énergétique est un axe majeur du projet politique de Benoît Hamon. Le candidat indique d’ailleurs que le développement des énergies renouvelables permettra de générer davantage d’emplois que la filière nucléaire :
« À production d’énergie équivalente, les énergies renouvelables créent six fois plus d’emplois que le nucléaire » indiquait-il lors du débat de la primaire.
Enfin, Benoît Hamon souhaite encourager l’autoconsommation et « permettre aux citoyens de s’équiper en matériel de production d’énergie renouvelable domestique » via une aide publique.
Marine Le Pen
La politique énergétique de la candidate FN à l’élection présidentielle repose pour l’essentiel sur EDF. Marine Le Pen prévoit d’ailleurs de renationaliser l’entreprise en vue d’engager « la deuxième transition énergétique ».
Dans cette perspective, elle considère le nucléaire comme un « un atout considérable », « permettant de produire en masse une électricité utilisant très peu les combustibles fossiles ». Dans une vidéo postée sur sa chaîne Youtube, Marine Le Pen déclare son « attachement » au nucléaire, « source d’indépendance énergétique » et « énergie parmi les moins polluantes et les plus sûres ».
La candidate frontiste ambitionne de réduire de 50 % en vingt ans la consommation d’énergies fossiles de la France, objectif qu’elle souhaite atteindre en utilisant les centrales nucléaires pour produire de l’hydrogène pendant la nuit.
Marine Le Pen s’est également prononcée en faveur du « Grand Carénage » – programme de rénovation des centrales nucléaires – et a rappelé son intérêt pour le développement des réacteurs au thorium.
Emmanuel Macron
L’ancien locataire de Bercy souhaite concentrer son action sur la réduction de la part des énergies fossiles dans le mix.
Invité par l’ONG environnementale WWF dirigée par Pascal Canfin (ex-ministre EELV), Emmanuel Macron a déclaré vouloir respecter la trajectoire définie par la loi sur la transition énergétique et s’est prononcé pour la fermeture de Fessenheim. « Pour ne pas s’exposer à l’avenir à des pannes, à des défauts ou à des impasses technologiques », le candidat prévoit une diminution progressive de la part du nucléaire dans la production d’électricité. Pour lui, 2019 sera une année charnière : l’avis générique de l’ASN sur la prolongation de la durée d’exploitation des réacteurs nucléaires sera connu, permettant à EDF de « construire sa trajectoire », et le chantier de Flamanville 3 sera achevé.
Le fondateur d’En Marche ! souhaite que le nucléaire reste une filière d’avenir, mais n’associe pas l’atome à son ambition de faire de la France l’un « des champions mondiaux de la clean tech ».
Enfin, s’il reconnaît que « nous avons en France, grâce au nucléaire, une énergie peu carbonée » et une « souveraineté énergétique », il exprime ses doutes sur le coût réel du nucléaire. « Les partis écologistes avaient soulevé ce sujet à raison. »
Jean-Luc Mélenchon
En s’appuyant sur les déclarations du président de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), le candidat de la France insoumise dénonce « une situation préoccupante ». Sans vouloir jeter l’anathème sur les travailleurs de la filière – « qui ont bien fait leur boulot pendant 40 ans » –, Jean-Luc Mélenchon déclare qu’aujourd’hui la société « sait » que le nucléaire est une énergie « dangereuse ».
C’est pour cette raison, que le député européen milite pour une sortie du nucléaire et fixe comme objectif 100 % d’électricité renouvelables en 2050. Comparant à la centrale de Fessenheim à celle de Tchernobyl – « il n’y a qu’un seul coffrage », « la piscine est protégée par un toit en tôle » –, Jean-Luc Mélenchon milite pour que la centrale alsacienne devienne « un projet pilote » en vue de développer une filière du démantèlement.
Conseillé par Jean-Marie Brohm, porte-parole du réseau Sortir du Nucléaire, Jean-Luc Mélenchon souhaite l’arrêt des chantiers en cours et de ceux à venir : Flamanville 3 (Manche), Cigéo (Ardennes) et Hinkley Point C (Royaume-Uni).
Concernant le projet de stockage des déchets, Jean-Luc Mélenchon pointe le risque de « retrouver un jour du césium1 dans le champagne ».