« Le nucléaire se trouve désormais à l’aube d’une nouvelle ère », selon l’AIE - Sfen

« Le nucléaire se trouve désormais à l’aube d’une nouvelle ère », selon l’AIE

Le rapport de l’Agence internationale de l’énergie, publié le 16 janvier 2025, trace les contours d’une renaissance pour l’énergie nucléaire. Avec une ambition mondiale de tripler sa capacité d’ici 2050, la filière connaît un élan porté par des innovations majeures, comme les petits réacteurs modulaires (SMR), et un soutien accru des gouvernements. Toutefois, pour réaliser ce potentiel, des politiques adaptées et des financements à la hauteur restent indispensables.

Le 16 janvier 2025, l’Agence internationale de l’énergie a publié son rapport « En route vers une nouvelle ère pour l’énergie nucléaire » . Il met en lumière le rôle clé que l’énergie nucléaire peut jouer pour relever les défis climatiques et renforcer la sécurité énergétique. Cependant, les auteurs soulignent aussi les éléments clés nécessaires pour en maximiser le potentiel, tels que des politiques adaptées, l’innovation ainsi qu’un financement approprié.  

En 2025, la production d’électricité nucléaire devrait atteindre un record 

 Ces dernières années, l’intérêt pour la construction de nouvelles centrales nucléaires et l’extension de celles existantes a considérablement augmenté.  « En 2023, plus de 410 réacteurs étaient en fonctionnement dans plus de 30 pays, l’énergie nucléaire fournissant 9 % de l’approvisionnement mondial en électricité », cite le rapport de l’AIE. Dans les années 2000, 348 réacteurs étaient connectés au réseau dans le monde.  

Comme l’indique ce rapport, « les ambitions mondiales d’expansion de l’énergie nucléaire incluent désormais une initiative visant à tripler la capacité nucléaire d’ici 2050, ainsi que des politiques de soutien dans plus de 40 pays ».     Le rapport de veille de la Sfen sur la relance mondiale du nucléaire documente d’ailleurs en détails cette dynamique. Ce mouvement global est stimulé par les enjeux de sécurité énergétique, un soutien politique renforcé, des avancées technologiques notamment avec les politiques actuelles prévoyant une capacité totale des petits réacteurs modulaires (SMR) à 40 GW d’ici 2050.   

La demande croissante d’électricité bas carbone joue aussi un rôle clé dans cette dynamique. En 2023, les investissements dans le nucléaire ont atteint 65 milliards de dollars, presque le double de ceux d’il y a dix ans. Les SMR suscitent un vif intérêt, avec des projets visant d’ores et déjà 25 GW de capacité, principalement pour les datacenters.  De plus, la cogénération nucléaire (électricité et chaleur) est en pleine expansion : aujourd’hui, environ 70 réacteurs dans le monde sont utilisés à cette fin.  

Deuxième source d’électricité bas carbone 

 En 2023, « l’énergie nucléaire restait la deuxième source d’électricité à faibles émissions », après l’hydroélectricité produisant 20 % de plus que l’éolien et 70 % de plus que le solaire photovoltaïque. L’énergie nucléaire représente « 17 % de l’approvisionnement total en électricité en 2023 ». Depuis 1971, l’énergie nucléaire a permis d’éviter le rejet de 72 gigatonnes de CO2, rappelle encore l’Agence 

Le nucléaire joue un rôle plus important dans les économies avancés, qui abritent plus de 70 % des réacteurs dans le monde même si cette flotte est relativement ancienne: 36 ans en moyenne contre 18 ans dans les économies émergentes. Ces dernières se renforcent elles dans l’usage de l’énergie nucléaire. Fin 2024, 63 réacteurs nucléaires (71 GW) étaient en construction, dont les trois quarts dans les économies émergentes et la moitié en Chine seulement.   

Une évolution considérable du paysage de l’industrie nucléaire  

Les avancées dans de nouvelles technologies, en particulier les réacteurs modulaires de petite taille (SMR), pourraient aussi révolutionner le secteur nucléaire. Ces dernières années, la recherche et développement sur les SMR s’est accélérée, avec plus de 80 modèles en cours de conception à travers le globe, selon le recensement de l’AIE. Grâce à leur format réduit, ces technologies promettent des coûts initiaux plus abordables, des délais de développement raccourcis et des risques de construction diminués.  

Les datacenters deviennent, un nouveau marché clé pour l’énergie nucléaire. Les entreprises technologiques se tournent de plus en plus vers l’énergie nucléaire, en particulier les SMR, pour alimenter leurs centres de données. La demande en électricité dans ce secteur devrait croître rapidement, portée par la digitalisation et l’essor de l’Intelligence artificielle. À ce jour, des projets totalisant jusqu’à 25 GW de capacité SMR destinée aux centres de données ont été annoncés dans le monde, principalement aux États-Unis, bien que ces projets en soient à différents niveaux d’avancement et de faisabilité. L’intérêt croissant des centres de données pour l’énergie nucléaire reflète à la fois leur demande énergétique en forte croissance et leur besoin d’une énergie propre et stable pour atteindre leurs objectifs de décarbonation.  

Besoin d’un financement adapté 

Reste que le financement du nucléaire est différent du financement de pratiquement tous les autres types d’actifs énergétiques. Les centrales nucléaires figurent parmi les projets d’infrastructure les plus coûteux. L’AIE insiste sur le rôle essentiel du gouvernement pour « faciliter la participation des banques commerciales dans le financement des projets nucléaires ». En effet, même quand le projet est majoritairement financé par des investisseurs privés comme c’est le cas aux Etats-Unis et en Finlande, les gouvernements continuent de jouer un rôle essentiel en soutenant les projets grâce à des cadres réglementaires et des structures tarifaires favorables. ■ 

Par Floriane Jacq (Sfen) 
Image : couverture du rapport nucléaire de l’AIE – ©AIE