Nucléaire, contributeur net de la démocratie participative - Sfen

Nucléaire, contributeur net de la démocratie participative

Publié le 7 février 2023 - Mis à jour le 8 février 2023

Le rapport de l’énergie nucléaire à la démocratie est critiqué par des associations d’opposants alors qu’ont dû être annulées, suite à des manifestations, plusieurs réunions du débat public en cours sur le futur programme de construction de nouveaux réacteurs en France. Pourtant le nucléaire n’a cessé de participer aux évolutions vers plus de démocratie participative en France.

Le 26 janvier à Lille et le 2 février dernier à Lyon devaient se tenir deux réunions du débat public sur le programme EPR2, organisés par la Commission nationale du débat public (CNDP). Dans les deux cas, des personnes inscrites et présentes ont, dès le début des réunions, commencé à faire du bruit, couvrant les voix des autres intervenants, et protestant contre le « manque de démocratie » concernant les décisions sur le nucléaire en France.

Dans les deux réunions, les organisateurs ont proposé aux manifestants d’intervenir au micro, ce que ces derniers ont refusé. Les organisateurs ont fait procéder aussi à un vote dans la salle pour savoir qui souhaitait que la réunion ait lieu. Malgré un résultat très largement majoritaire, le programme initialement prévu, qui incluait des interventions de plusieurs personnalités au projet, ainsi que les conclusions d’un panel de citoyens, a dû être annulé. Si à Lille l’ambiance est restée « bon enfant », la réunion de Lyon a vu de nombreuses attaques verbales personnelles envers les intervenants, y compris les représentants de la CNDP et les représentants d’associations antinucléaires accusées de « collaborer »

Cette dégradation du débat public intervient alors que les six premiers « temps forts » du débat public avaient donné lieu à des échanges particulièrement fructueux entre les intervenants des différentes parties prenantes. On peut penser en particulier à la session de Palaiseau, qui avait attiré de nombreux étudiants du plateau de Saclay, ou aux deux webinaires de plus de trois heures consacrées au coût et au financement du programme.

Ces mouvements de protestation, qui grondaient dès l’annonce du débat public fin 2022, ont pris forme suite au vote du Sénat sur le Projet de loi relatif à l’accélération du nucléaire le 24 janvier dernier, puis à l’annonce de la tenue d’un Conseil de politique nucléaire le 3 février. Des associations comme Greenpeace et Sortir du nucléaire ont annoncé qu’ils ne prendraient plus part au débat. Plusieurs associations antinucléaires et des représentants d’EELV ont appelé à empêcher la tenue des débats publics. Certains sont allés jusqu’à soutenir que le nucléaire rendrait la « démocratie malade ».

Le nucléaire est dans la République, et est pleinement inscrit dans l’exercice démocratique

Le programme nucléaire, depuis sa création, s’est inscrit dans l’exercice démocratique français. Ce dernier a évolué depuis les années 70, alors que de nouvelles institutions se sont mises en place, comme la CNDP, et alors que les citoyens ont demandé de plus en plus de démocratie participative. Le nucléaire a accompagné ces évolutions, au point même d’être l’objet de la création de nouveaux organes de discussion.

Même si on entend souvent qu’on ne débattrait pas assez du nucléaire, les chiffres parlent : d’eux-mêmes :  depuis 2004, la Commission nationale du débat public (CNDP) a organisé 12 débats et concertations sur le nucléaire civil. Elles ont concerné par exemple le renouvellement de l’usine George Besse au Tricastin (2004), le projet de réacteur EPR de Flamanville (2006), le projet de réacteur EPR à Penly qui n’a finalement pas été construit alors (2010), le centre de stockage Cigeo (2013), la gestion des déchets radioactifs (2019), etc.

L’industrie nucléaire a été pionnière du dialogue local et de la transparence

Les Commissions locales d’information (CLI), créées dès les années 1980, rassemblent autour des sites nucléaires, des élus, des représentants d’associations et des syndicats.  Au nombre aujourd’hui de 35, elles sont consultées lors des étapes importantes du cycle de vie d’une installation, peuvent réaliser des expertises indépendantes, participer à des visites d’installation.

En 2006, la loi relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire (TSN) a fixé des exigences extrêmement élevées en matière de transparence, qui n’ont d’équivalence dans aucune autre industrie. Ainsi les industriels sont tenus de déclarer tout écart, quel qu’il soit, par rapport au fonctionnement standard d’une installation à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Cette dernière publie en ligne ses avis et décisions, rapports d’inspection, lettres de suite notifiées à l’exploitant de l’installation nucléaire contrôlé faisant du nucléaire l’une des industries les plus contrôlées et transparentes.

Enfin, la loi de 2006 a créé le Haut comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire qui est une instance d’information, de concertation et de débat entre parties prenantes sur les risques liés aux activités nucléaires.

Le process de décision sur le programme EPR2 est-il non démocratique ?

Cette critique est réapparue ces dernières semaines alors que le Sénat a adopté en première lecture le projet de loi relatif à l’accélération du nucléaire. Ce texte pose le cadre pour une accélération procédurale, mais ne préempte pas la décision effective de construction des six centrales nucléaires qui est le principal objet du débat public en cours. En parallèle, personne n’avancerait que, le projet de loi d’accélération sur les renouvelables, qui lui vient de faire l’objet d’un vote final, vaudrait décision sur tout projet de développement d’énergies renouvelables en France.

La décision concernant le programme EPR2 doit faire l’objet d’un débat parlementaire  dans le cadre de l’examen de  la prochaine loi de programmation énergie climat (LPEC), prévu pour l’été 2023. Un déroulé bien explicité dans le communiqué du Conseil de politique nucléaire où l’Élysée précise que « les décisions prises lors de ce Conseil de politique nucléaire permettront de préparer la prochaine programmation pluriannuelle de l’énergie, qui sera présentée en juin 2023, avant un débat au Parlement sur la loi de programmation de l’énergie et du climat ».  À noter que, interrogé sur comment il jugerait la réussite du débat public en cours, le Président de la CPDP avait répondu qu’il espérait que ce dernier puisse utilement nourrir le débat parlementaire.

Par Valérie Faudon, Déléguée générale de la Sfen

Photo : @CNDP