L’Italie pose les bases juridiques de la relance de son programme nucléaire - Sfen

L’Italie pose les bases juridiques de la relance de son programme nucléaire

Publié le 20 octobre 2025

Une nouvelle étape dans la relance du nucléaire italien a été franchie le 2 octobre. Le Conseil des ministres a définitivement adopté le projet de loi d’habilitation pour le développement d’une « nouvelle énergie nucléaire durable ». Une fois validé par le Parlement, ce texte permettra la mise en place du cadre nécessaire au nouveau nucléaire par voie réglementaire.

Pas à pas, le nucléaire revient sur le devant de la scène en Italie. Quatre décennies après son interdiction par référendum en 1987, l’atome est sur le point de retrouver un cadre juridique. En effet, le gouvernement de Giorgia Meloni a adopté un projet de loi en faveur de la relance du nucléaire le 2 octobre 2025.

« Avec cette mesure, l’Italie se dote d’un outil fondamental pour envisager avec réalisme et ambition son avenir énergétique, a souligné Gilberto Pichetto, ministre de l’Environnement et de la Sécurité énergétique, dans un communiqué. L’énergie nucléaire durable est un choix fondé sur l’innovation, la sécurité et la responsabilité envers les citoyens, les entreprises et l’environnement ». Reste que le texte doit encore être examiné puis validé par le Parlement. Une fois cette étape passée, le gouvernement disposera de 12 mois pour publier les décrets d’application. « Il reste donc difficile d’avoir de la visibilité sur le calendrier et la mise en œuvre des mesures », analyse pour la RGN Stefano Monti, président de l’Association italienne du nucléaire (AIN).

Concrètement, le projet confère au gouvernement la possibilité de réglementer la réintroduction de l’énergie nucléaire dans le mix italien. Il s’agit d’accompagner la nouvelle logique énergétique européenne de neutralité technologique pour atteindre les objectifs de décarbonation et de sécurité énergétique. « Ces mesures transcendent les expériences nucléaires précédentes et privilégie l’utilisation des meilleures technologies disponibles, notamment modulaires et avancées pour atteindre nos objectifs », détaille la présidence du Conseil des ministres.

Un cadre nécessaire

Le projet de loi permettra au gouvernement de définir par décrets un cadre législatif adapté à la relance du nucléaire. Cela comprend notamment l’élaboration d’un « programme national pour une énergie nucléaire durable », la création d’une autorité de sûreté nucléaire indépendante, le renforcement de la recherche scientifique et industrielle, le développement de nouvelles compétences et la mise en œuvre de campagnes de communication. Sur ce dernier point, « il est essentiel de mettre en place un programme de communication à l’échelle locale afin de favoriser l’acceptabilité du nucléaire », plaide Stefano Monti. À noter que les autorités locales, réunies dans la Conférence des régions et provinces autonomes, ont émis un avis positif sur le projet de loi.

« En somme, ce projet de texte délègue au gouvernement la mise en place de dispositions nécessaires au développement de l’atome, précise le président de l’Association italienne du nucléaire (AIN). Il est indispensable pour une relance du nucléaire en Italie. Sans lui nous aurons les mains liées. » Cette nécessité passe notamment par la reconstruction d’une autorité de sûreté compétente dans la création de nouvelles centrales nucléaires. « Les missions actuelles de l’ISIN [autorité de sûreté italienne] se concentrent sur les activités de démantèlement et d’assainissement. Il faut la renforcer avec des ressources humaines et en lui accordant un mandat destiné à encadrer le nouveau nucléaire. »

Une stratégie internationale

Dans le même temps, la filière ne reste pas les bras croisés. « L’industrie va lancer une étude de faisabilité pour l’intégration du nucléaire dans le mix italien en se concentrant d’abord sur les SMR de troisième génération, poursuit-il. Des travaux sont aussi en cours concernant le renforcement de la chaîne d’approvisionnement italienne. » Des initiatives sont aussi menées pour trouver des partenaires internationaux pour accompagner la relance de l’atome. Déjà, en juin 2025, l’Italie a rejoint treize autres pays européens au sein de l’Alliance européenne du nucléaire, alors qu’elle n’était jusqu’alors que observatrice.

En mai 2025, Enel, Ansaldo Energia et Leonardo créent une nouvelle structure appelée Nuclitalia. En plus de l’analyse des opportunités de marché, cette entreprise a pour mission de trouver des partenaires intéressés par des démarches de co-développement. « Il nous faut un partenaire fort qui puisse mettre en valeur la chaîne d’approvisionnement italienne pour accompagner la relance », souligne Stefano Monti. Côté gouvernemental, la logique de partenariat est aussi enclenchée. EDF et sa filiale italienne Edison ont signé en juillet 2024 un protocole d’accord avec Ansaldo Energia et Federacciai pour explorer les conditions d’un retour du nucléaire en Italie, notamment pour décarboner l’industrie. .

Retour vers le futur

La dynamique de relance italienne a été engagée après l’invasion russe de l’Ukraine et la crise énergétique qui a suivi. La péninsule a été particulièrement touchée, son taux de dépendance énergétique étant de 73 % en 2020 (contre 58 % en moyenne dans l’UE), et le gaz représentant près de 50 % du mix électrique en 2021. Ces difficultés ont retourné l’opinion publique sur la question de l’atome dans le pays. En 2024, dans un entretien avec le Financial Times, le ministre de l’Environnement et de l’Énergie a affiché un objectif de production nucléaire représentant au moins 11 % de la consommation d’ici à 2050.

L’Italie a exploité des centrales nucléaires des années 1960 jusqu’au milieu des années 1990. Cette sortie s’explique par un fort rejet de l’atome après l’accident de Tchernobyl en 1986. Au tournant des années 2000, le gouvernement de Silvio Berlusconi avait brièvement tenté de relancer un programme nucléaire. En 2008, Rome annonçait vouloir construire quatre EPR en partenariat avec EDF et Enel, avant que l’accident de Fukushima en 2011 et le référendum qui s’ensuivit ne mettent fin à ce projet. ■

Par Simon PHILIPPE (Sfen)

Photo : Giorgia Meloni ©DOMENICO/CIPPITELLI/NURPHOTO/NURPHOTO VIA AFP