L’Allemagne fait le minimum sur la prolongation de ses réacteurs nucléaires - Sfen

L’Allemagne fait le minimum sur la prolongation de ses réacteurs nucléaires

Publié le 6 septembre 2022 - Mis à jour le 7 septembre 2022

Le ministre fédéral de l’Économie et du Climat, Robert Habeck a annoncé que sur les trois réacteurs encore en exploitation en Allemagne deux seulement resteront en service en 2023, et ce avec des conditions bien particulières. En effet, ils seront mis sous cloche pour être seulement appelés en cas de grande difficulté sur le réseau. Le ministre s’en remet au charbon et au parc nucléaire français pour le passage de l’hiver. Il mise aussi sur le gaz à plus long terme avec la construction de terminaux méthaniers pour l’hiver 2023-2024.

La question de la prolongation des trois derniers réacteurs nucléaires du pays s’est imposée avec l’envolée des prix de l’énergie et une dépendance au gaz russe de moins en moins politiquement acceptable – avant le conflit, le gaz pesait jusqu’à près de 30 % du mix énergétique et 55 % de ce gaz était importé de Russie. Néanmoins, force est de constater que malgré les différentes déclarations du ministre de l’Économie et du Climat, Robert Habeck, devant faire foi de son objectivité sur le sujet, l’idéologie antinucléaire du parti « vert » Die Grünen domine toute prise de décision.

Février : un premier examen du gouvernement contesté

« Répondre à cette question fait partie des tâches de mon ministère. Je ne la rejetterais pas pour des raisons idéologiques », avait d’abord déclaré Robert Habeck en février 2022. Pourtant le 8 mars, Steffi Lemke, ministre de l’Environnement, et Robert Habeck, tous deux membres du parti vert Die Grünen, publiaient une « note d’examen » commune opposée à toute revue du calendrier de sortie du nucléaire. Celle-ci comportait un certain nombre d’éléments réglementaires ou techniques qui n’ont fait l’objet d’aucune vérification auprès des spécialistes ou des parties prenantes, que ce soient les organismes de sûreté ou les industriels. L’association nucléaire allemande, KernD (Kerntechnik Deutschland e.V.) avait publié le 15 mars un commentaire détaillé remettant en cause un certain nombre de conclusions des ministères. Quelques mois plus tard, une seconde étude était commandée aux gestionnaires de réseaux : 50Hertz, Amprion, TenneT and Transnet BW.

Juillet : une nouvelle étude sur la sécurité d’approvisionnement

Le 18 juillet, le ministre de l’Économie et du Climat remettait sur la table l’idée de prolonger les trois derniers réacteurs nucléaires du pays, et ce malgré la précédente conclusion du gouvernement. Ce dernier avait alors annoncé un stress test afin d’étudier la sécurité de l’approvisionnement en électricité dans trois scénarios. Ces derniers se différenciaient par différentes hypothèses comme la disponibilité du parc nucléaire français, celle du parc thermique allemand notamment en lien avec l’étiage des rivières permettant ou non l’approvisionnement en charbon des centrales, ou encore en lien avec la situation météorologique.

À la suite de ce test, le gouvernement allemand a décidé de :

  • Fermer le réacteur à eau pressurisée d’Emsland (1 335 MW) mis en service en 1988.
  • Mettre les réacteurs d’Isar 2 (1 400 MW), en Bavière, et Neckarwestheim 2 (1 310 MW), en Bade-Wurtemberg en « réserve stratégique ».

Deux réacteurs en réserve stratégique

Les deux réacteurs en « réserve stratégique » seront donc prolongés jusqu’au 15 avril 2023, date à laquelle ils devront être fermés. Cela signifie qu’ils ne seront appelés qu’en ultime recours. Par ailleurs, les réacteurs fonctionneront sans rechargement de nouveaux assemblages de combustible. La décision a pour but de sécuriser la production d’électricité dans le sud de l’Allemagne pour le passager de l’hiver 2022-2023. L’appel à cette réserve devra faire l’objet d’une décision gouvernementale à laquelle pourra par ailleurs s’opposer le Bundestag.

La priorité aux énergies fossiles

« En Allemagne, nous avons une très grande sécurité d’approvisionnement en électricité. Nous avons suffisamment d’énergie en Allemagne et pour l’Allemagne ; nous sommes un pays exportateur d’électricité », a notamment expliqué Robert Habeck sans mentionner les émissions de CO2 de ce mix. Pire encore, le ministre compte explicitement sur la remontée du niveau des fleuves afin de pouvoir transporter le charbon jusqu’aux centrales thermiques. Par ailleurs, le ministre compte, ironiquement, sur le parc nucléaire français.

Quant au passage de l’hiver prochain il n’y aura selon lui pas de problèmes : « Nous augmentons la capacité d’importation de gaz via des terminaux GNL flottants pour l’hiver 2023/2024 de telle sorte qu’il n’y ait plus de pénurie de gaz à craindre pour les centrales électriques à gaz ». Selon AG Energiebilanzen, la production brute d’électricité en 2021 était composée à 47 % par les énergies fossiles (lignite 19 %, gaz 15 %, houille 9 % et fioul 4 %). ■

Par Gaïc Le Gros (Sfen)

Photo : Robert Habeck ministre allemand de l’Économie et du Climat – KAY NIETFELD / DPA / dpa Picture-Alliance via AFP