L’administration Biden adopte un embargo sur l’uranium enrichi russe - Sfen

L’administration Biden adopte un embargo sur l’uranium enrichi russe

Publié le 24 mai 2024

En signant la loi HR 1042 votée au Congrès, le président Joe Biden a interdit l’importation aux États-Unis d’uranium enrichi produit en Russie ou par une entité russe. Le pays entend remplacer cette dépendance par une industrie souveraine, en collaboration avec ses partenaires atlantistes.

Le 13 mai 2024, le président Joe Biden a apposé sa signature au « Prohibiting Russian Uranium Imports Act ». Cette loi transpartisane interdit l’importation aux États-Unis d’uranium, enrichi à moins de 20 % et produit par la Russie. Prenant effet le 12 aout 2024, l’interdiction devrait courir jusqu’au 31 décembre 2040. Selon l’administration Biden-Harris, cette décision s’inscrit dans le cadre d’une stratégie nationale visant à développer des capacités de conversion-enrichissement domestiques et une chaîne de production d’uranium souveraine.

D’après un rapport de la chambre des Représentants de décembre 2023, la Russie fournit actuellement environ 24 % des besoins en combustible des centrales américaines. Anticipant de potentielles difficultés d’approvisionnement suite à l’embargo, notamment sur le Haleu (« High Assay Low Enriched Uranium ») – de l’uranium enrichi entre 5 et 20 % nécessaire pour de nombreux réacteurs innovants et dont les seules capacités de production commerciales sont détenues par Rosatom –  le texte de loi autorise la Secrétaire à l’Énergie à accorder temporairement des dérogations aux centrales ou entreprises nucléaires dépendantes de l’uranium russe, et ce jusqu’au 1er janvier 2028. Pour obtenir une dérogation, ces industriels devront justifier que cet uranium est nécessaire à la poursuite de leurs opérations et qu’aucune source alternative n’a pu être obtenue, ou que ces importations sont d’intérêt national.

Mines et usines d’enrichissement

En parallèle, le gouvernement, le département de l’Énergie (DOE) et les industriels du nucléaire américain se sont déjà engagés dans une stratégie d’augmentation de capacités sur l’ensemble de la chaîne amont du cycle, en partie motivée par un souci d’indépendance énergétique vis-à-vis de la Russie.

Côté extraction, après 10 ans de déclin et un plus bas historique avec 4 tonnes d’uranium en 2020, trois nouvelles mines ont été autorisées par le gouvernement et mises en exploitation en 2023 par l’opérateur Energy Fuels pour une production cible de 500 à 600 tonnes par an. D’autres mines sont déjà envisagées.

Côté enrichissement, Urenco prévoit d’accroitre de 15 % les capacités de son usine à Eunice (Nouveau-Mexique) – la seule usine d’enrichissement commerciale des États-Unis – pour atteindre 5,7 millions d’UTS. L’enrichissement de Haleu est quant à lui soutenu par le Department of Energy (DOE) dans le cadre du « Haleu Availability Program ». Ce programme cofinance notamment l’installation pionnière de Centrus à Piketon (Ohio), ayant produit en 2023 les premiers kilogrammes de Haleu américain.

L’adoption de l’embargo sur l’uranium russe permet par ailleurs le déblocage de 2,7 milliards de dollars de crédits budgétaires destinés à financer de nouvelles installations de conversion et d’enrichissement dans le cadre du « Nuclear Fuel Security Act ». Ces crédits avaient été approuvés par le Congrès en mars 2024 sous réserve que des sanctions soient prises contre Rosatom. Par ces investissements, les États-Unis deviennent par ailleurs les premiers contributeurs du groupe des « Sapporo 5 » :  les 5 nations – États-Unis, Canada, France, Japon, Royaume-Uni – à s’être engagé lors de la COP28 dans un partenariat stratégique pour mettre en place une chaîne d’approvisionnement indépendante de la Russie, en promettant d’investir collectivement 4,2 milliards de dollars dans l’amont du cycle. ■

Par Hippolyte Boutin (Sfen)

Photo : Joe Bien, Président des Etats-Unis – @WIN MCNAMEEGETTY IMAGES NORTH AMERICAGetty Images via AFP