Exploration spatiale : la propulsion nucléaire électrique européenne sur la rampe de lancement - Sfen

Exploration spatiale : la propulsion nucléaire électrique européenne sur la rampe de lancement

Publié le 8 novembre 2024 - Mis à jour le 12 novembre 2024

Le projet RocketRoll, pour la propulsion nucléaire électrique destinée à l’exploration spatiale, a été achevé au début du mois de novembre 2024. Le consortium en charge du projet, commandé par l’Agence spatiale européenne, a soumis une feuille de route technologique pour équiper l’Europe de systèmes de propulsion nucléaires capables d’assurer des missions spatiales de longue durée.

Ces dernières années, le secteur de l’aérospatial est en plein essor. Les missions deviennent de plus en plus ambitieuses, notamment avec les projets de conquête de Mars. Néanmoins, des enjeux clés restent encore à surmonter pour atteindre ces objectifs. On peut citer, d’une part, les limites physiques de stockage des carburants chimiques qui conditionnent la durée des missions ou, d’autre part, l’efficacité énergétique des différentes technologies classiques dont dépend la vitesse des trajets. L’Agence spatiale européenne (ESA) avait ainsi commandé, il y a un peu plus d’un an,  des projets de propulsion nucléaire destinés à l’exploration spatiale. L’un d’eux, baptisé « RocketRoll [1] », regroupant un consortium dirigé par la société Tractebel et constitué des principaux acteurs européens de l’aérospatiale et du nucléaire, vient de s’achever ce mois-ci. Ayant débuté en mars 2023, il consistait à proposer un prototype de système à propulsion nucléaire électrique (NEP) en tenant compte des capacités industrielles européennes existantes.

RocketRoll : la propulsion nucléaire électrique

Aujourd’hui, deux technologies principales sont à l’étude pour la propulsion nucléaire : la propulsion nucléo-thermique ou nucléaire électrique. Le projet RocketRoll consiste à explorer la faisabilité de cette seconde voie. Dans ces systèmes, l’électricité produite par un réacteur électronucléaire permet d’alimenter des propulseurs électriques ioniques. Au sein de ces derniers, un gaz est ionisé (plasma) et des ions sont accélérés, puis éjectés pour générer la poussée. « Grâce à sa densité énergétique considérable, le NEP offre des avantages révolutionnaires en termes de vitesse, d’autonomie et de flexibilité », a déclaré Tractebel dans un communiqué. « Cette technologie de propulsion innovante a le potentiel de transformer l’exploration spatiale et la mobilité spatiale en permettant des missions de plus longue durée, ce qui pourrait façonner l’avenir de l’exploration interplanétaire. » Au-delà de sa performance énergétique pour le voyage, l’Agence spatiale européenne précise que « le NEP pourrait aussi être utilisé  sur la surface de la Lune ou de Mars pour alimenter de futurs habitats ou l’exploration robotisée du système solaire, ou dans l’espace à d’autres fins que la propulsion ».

Le consortium regroupe les principaux acteurs européens de l’aérospatiale et du nucléaire : Tractebel,  le CEA, ArianeGroup, Airbus, Frazer Nash, ainsi que des chercheurs de l’Université de Prague et de Stuttgart et des ingénieurs d’OHB Czechspace et d’OHB System à Brême. Après une année de travail collaboratif, une feuille de route technologique pour développer un système NEP a été soumise. Elle comprend un modèle candidat pour un vaisseau spatial de démonstration qui pourrait tester en vol les systèmes NEP pour les missions dans l’espace lointain d’ici 2035.

Souveraineté européenne

Au-delà de fournir une réponse technologique à la commande de l’Agence spatiale européenne, Tractebel souhaite aussi renforcer la souveraineté européenne pour les missions spatiales, jusqu’ici dépendantes de sources externes pour leurs capacités nucléaires. « La stratégie de Tractebel consiste à concevoir une gamme de solutions d’énergie nucléaire, allant des radio-isotopes aux systèmes de fission, tout en contribuant au développement d’une chaîne de valeur européenne pour les solutions nucléaires dans les applications spatiales. Cela s’inscrit dans la stratégie de l’Europe visant à réduire la dépendance à l’égard des technologies critiques et à renforcer la souveraineté européenne. » détaille le communiqué de la société d’ingénierie belge. ■

Par François Terminet (Sfen)

Image : Illustration conceptuelle d’un NEP, Source : Agence spatiale européenne

[1] « Preliminary European Reckon on Nuclear Electric Propulsion for Space Applications »