États-Unis : la filière nucléaire entre enthousiasme et prudence après les annonces de l'administration Trump - Sfen

États-Unis : la filière nucléaire entre enthousiasme et prudence après les annonces de l’administration Trump

Publié le 5 juin 2025 - Mis à jour le 10 juin 2025

Quatre décrets signés par le président américain fixent un cap ambitieux pour le développement de nouvelles capacités nucléaires. Cependant, le budget en discussion au Congrès pourrait significativement réduire la portée de certains mécanismes de soutien financier portés par l’Etat fédéral.

Peut-on promettre de multiplier par quatre la capacité de génération nucléaire d’ici à 2050, et en même temps couper dans des programmes de soutien aux SMR et aux redémarrages de réacteurs ? Les acteurs de la filière se montrent prudents face à l’incertitude réglementaire entretenue par l’administration Trump, dont l’intérêt affiché pour l’atome se mêle à des décisions douanières et budgétaires contradictoires.

En vue d’atteindre les 400GW de capacité en 2050, la Maison Blanche a instruit le département de l’Énergie (DOE) de travailler à mettre en chantier dix grands réacteurs (10GW) d’ici à 2030 ; et de soutenir une extension de capacité de 5GW sur des sites existants. Ces ambitions s’accompagnent d’une stratégie pour l’approvisionnement domestique en uranium et en combustible, notamment l’amélioration de la valorisation du combustible usé.

L’administration Trump poursuit en parallèle la rationalisation réglementaire entamée par l’Advance Act, pris sous l’administration Biden. La Nuclear Regulatory Commission (NRC) disposera de 18 mois maximum pour statuer sur les demandes finales d’autorisation de nouvelles infrastructures ; et de 12 mois pour la prolongation de réacteurs existants. Le décret prévoit aussi d’alléger certaines obligations sur l’analyse d’impact environnemental des sites ; et de déléguer des pouvoirs d’autorisation et de supervision à d’autres acteurs, comme le DOE.

Une ambition renforcée, mais des moyens réduits

Cette feuille de route a été saluée par la filière, et ce d’autant plus que la discussion du prochain budget avait soulevé de fortes inquiétudes. Une version préliminaire du texte éliminait prématurément les crédits d’impôts mis en place par l’Inflation Reduction Act (IRA), en 2022 sous l’administration Biden, pour soutenir la production d’électricité nucléaire et les nouveaux investissements. À l’initiative du Nuclear Energy Institute (NEI), plus de 120 acteurs avaient écrit fin avril aux décideurs politiques pour protester contre ces coupes.

Le texte voté par la Chambre des représentants en a finalement limité l’impact, mais l’inquiétude demeure sur un autre front, celui du Loans Program Office (LPO). Ce dispositif du DOE a notamment accordé des prêts pour l’achèvement des réacteurs de Vogtle ou le redémarrage de la centrale de Palisades ; et serait mis à contribution pour soutenir les nouveaux projets de réacteurs prévus à horizon 2030. La presse américaine rapporte que la moitié des employés du LPO ont rejoint un plan de départs volontaires, alors que la continuité du programme est menacée par le budget actuel.

Un climat général d’incertitude

La réduction des effectifs touchant aussi la NRC, certains observateurs cités par le site spécialisé Utility Dive soulignent que le manque de personnel pourrait davantage affecter son planning de travail que les procédures rationalisées promises par l’administration Trump. Sans compter l’impact d’autres mesures, comme la politique douanière, qui renchérit considérablement le coût des projets nucléaires.

Les décrets émis par la Maison Blanche et la version révisée du budget sont des signaux positifs pour la filière nucléaire américaine. Mais face à l’imprévisibilité de l’administration Trump, le mot d’ordre semble devoir rester celui donné par Maria Korsnick, directrice du NEI, lors du sommet annuel de son organisation le 20 mai : « Notre industrie doit continuer d’être très vigilante pour préserver les politiques et programmes fédéraux qui protègent et favorisent l’expansion de la génération nucléaire« . ■

Par Paul Kielwasser (Journaliste)

Image : Signature décret Trump Nucléaire – ©WIN MCNAMEE / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP