« Les déchets radioactifs sont gérés en toute sûreté » selon le dernier rapport du CEPN - Sfen

« Les déchets radioactifs sont gérés en toute sûreté » selon le dernier rapport du CEPN

Publié le 4 mai 2020 - Mis à jour le 28 septembre 2021
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Dans le cadre du débat sur la mise en place d’un label européen des investissements verts, le Centre d’étude sur l’évaluation de la protection dans le domaine nucléaire (CEPN) publie un rapport très complet concernant l’impact environnemental de la gestion des matières et déchets radioactifs en Europe.

Le lundi 9 mars 2020, le Groupe technique d’experts sur le financement durable (TEG) de la Commission européenne a publié ses recommandations finales pour la mise en place d’un label européen des investissements verts (taxonomie européenne). Il s’agit d’un outil de classification devant permettre d’identifier les activités économiques considérées comme durables, dans un contexte de réorientation des flux financiers, en vue de répondre aux exigences européennes de lutte contre le changement climatique et de réduction des émissions de carbone d’ici 2050.

Si le TEG reconnait que l’énergie nucléaire, en tant qu’énergie bas-carbone, contribue aux objectifs d’atténuation du changement climatique, il estime cependant qu’il ne lui a pas été possible de conclure que le cycle de vie du nucléaire satisfait au critère d’absence de préjudice significatif à l’environnement (do not significant harm, DNSH) sur tous les autres critères environnementaux et dans les échéances de temps considérées. Il s’agit en particulier de la question de la gestion des déchets nucléaires de haute-activité (HA-VL). Sur ce constat, le TEG recommande ainsi de ne pas inclure, pour l’heure, l’énergie nucléaire dans la taxonomie, et suggère que des travaux techniques plus approfondis soient menés.

Dans ce contexte, le CEPN, une association à but non lucratif fondée en 1976 pour évaluer la protection de l’Homme contre les dangers des rayonnements ionisants, apporte une contribution étayée au débat. Son rapport met justement en perspective les standards de sûreté qui réglementent la gestion des déchets radioactifs ainsi que l’impact sur l’environnement d’installations d’entreposage ou de stockage de déchets radioactifs au regard des critères de l’approche DNSH.

Trois questions à Ludovic Vaillant, chef de projet et co-auteur du rapport. 

Quelles sont les principales règlementations dans le domaine de la gestion des déchets radioactifs en Europe ? Permettent-elles d’assurer les plus hauts standards en matière de sûreté et de gestion des déchets radioactifs ?

La Directive 2011/70/Euratom pose un cadre commun pour la gestion des déchets radioactifs et du combustible usé. Elle transpose dans le droit communautaire les standards de la Joint Convention de l’AIEA et impose, de fait, le respect de standards de sûreté fixés à l’échelle internationale et ce, à toutes les étapes de gestion des déchets radioactifs.

Tous les 3 ans, les États membres transmettent à la Commission européenne un rapport d’avancement portant sur la mise en œuvre de la Directive. Début 2020, sur la base de ces éléments, la Commission a conclu que « les États membres ont franchi plusieurs étapes pour démontrer qu’ils ont pris des mesures raisonnables pour garantir qu’aucune charge indue n’est transmise aux générations futures et que les déchets radioactifs et le combustible usé sont gérés de manière sûre ».

Il existe en Europe et dans le monde plusieurs centaines d’installations où sont entreposés ou stockés les déchets radioactifs ou encore le combustible usé. Les informations publiées par les exploitants et les autorités de sûreté ainsi que les peer reviews – ou examens par les pairs – organisées par l’AIEA, indiquent toutes que ces installations sont exploitées aujourd’hui dans le respect des réglementations et donc en cohérence avec les standards de sûreté édictés aux échelles nationale, européenne et internationale. Il convient de souligner que la transparence et le dialogue avec les parties prenantes, comme l’a montré récemment le débat public sur le PNGMDR en France, font partie des principes et des pratiques appliqués dans le domaine de la gestion des déchets radioactifs en Europe.

Quels enseignements pouvons-nous tirer des nombreuses études et rapports internationaux, ainsi que des premiers retours d’expérience des projets pilotes, concernant le stockage géologique profond des déchets radioactifs ? Permettent-ils d’établir la sûreté de ces installations sur du long terme ?

Finlande, Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Suède, France … : le stockage en formation géologique profonde s’est imposé, après un demi-siècle de recherche, comme la solution sûre de gestion sur le long terme des déchets de haute activité et du combustible usé. La mise en œuvre de ces projets varie, mais pour les plus avancés, Finlande, Suède et France, une mise en exploitation est attendue dans les prochaines années.

Les travaux de recherche engagés en amont de la construction d’un centre de stockage permettent en particulier de caractériser les propriétés de la roche hôte. En s’appuyant sur ces données, la modélisation permet d’anticiper le comportement des radionucléides sur le long terme, jusqu’à 100 000 ans, voire au-delà. On s’assure ainsi que l’installation telle qu’elle est conçue répond aux exigences de sûreté, en l’occurrence le confinement à l’écart de la biosphère et sur le long terme des radionucléides présents dans les déchets de haute activité. Les études d’impact environnemental réalisées en Suède et en Finlande montrent que les impacts sur les biotas non humain et sur l’environnement au sens large sont négligeables.

Le critère DSNH évoqué par le TEG est-il selon vous justifié pour ne pas inclure actuellement le nucléaire dans le projet de taxonomie ?

La taxonomie européenne établit une liste d’activités qui contribuent à la lutte contre le réchauffement climatique tout en n’ayant pas d’impact significatif sur les autres objectifs de qualité de l’environnement de la Commission européenne (Do No Significant Harm, DNSH). Les objectifs considérés sont l’utilisation durable et la protection des ressources aquatiques et marines ; la transition vers une économie circulaire ; le contrôle et la prévention de la pollution et la protection et la restauration de la biodiversité et des écosystèmes.

La gestion actuelle des déchets radioactifs et du combustible usé dans les installations de stockage ou d’entreposage, qui repose sur le respect de la réglementation et des standards de sûreté, satisfait ces objectifs de préservation de l’environnement et de développement durable. Il me semble important ici de rappeler que, dans le domaine nucléaire, la sûreté englobe la protection de l’homme et de l’environnement, laquelle est définie par l’AIEA comme suit : «La protection de l’environnement désigne la protection et la conservation : des espèces non humaines, animales et végétales, et de leur biodiversité ; des biens et services environnementaux tels que la production de denrées alimentaires et d’aliments pour animaux ; des ressources utilisées dans l’agriculture, la foresterie, la pêche et le tourisme; des équipements utilisés dans les activités spirituelles, culturelles et récréatives; des différents milieux tels que le sol, l’eau et l’air; et des processus naturels tels que les cycles du carbone, de l’azote et de l’eau ».

La surveillance de l’environnement des installations nucléaires et le suivi de leurs rejets par l’exploitant, l’autorité ou les organismes publics témoignent du respect de la réglementation, des normes et donc du critère DNSH. Un stockage géologique pour les déchets radioactifs de haute activité et/ou pour le combustible usé est conçu suivant des normes et des objectifs semblables à ceux qui ont gouverné la conception et l’exploitation des installations actuelles de stockage ou d’entreposage des déchets radioactifs ou du combustible usé.

L’analyse des publications et des réglementations sur la gestion des déchets radioactifs montre que l’exclusion du nucléaire de la taxonomie européenne ne saurait être justifiée d’un point de vue technique ou scientifique par le non-respect du critère DNSH, alors même que les modalités actuelles de gestion des déchets radioactifs de haute activité et du combustible usé, qui s’appuient sur des standards de sûreté identiques, donnent entière satisfaction.

 


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