Déchets nucléaires : la seconde phase d’instruction technique de Cigéo est achevée

La seconde phase de l’instruction technique du dossier de demande d’autorisation de création (DAC) de Cigéo a été clôturée en fin d’année 2024. Pour l’occasion, la Sfen a échangé avec Marine Levieux, pilote d’instruction de la DAC à l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), pour faire un état des lieux de cette deuxième échéance.
La demande d’autorisation de création de Cigéo, le futur site de stockage en profondeur des déchets nucléaires français les plus radioactifs, avait été déposée auprès de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) en janvier de 2023. Après avoir validé la première phase de l’instruction en juin 2024, l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) a dorénavant finalisé la seconde qui concernait « la sûreté en phase d’exploitation des installations de surface et souterraine ». Comme cela fut déjà le cas pour la précédente, le groupe permanent d’expert pour les déchets (GPD) a rendu son avis, basé par ailleurs sur l’expertise réalisée par l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), sur cette seconde étape du dossier. Il a donc été démontré que « la sûreté du fonctionnement des installations de surface et de l’infrastructure souterraine présentée par l’Andra est globalement satisfaisante à ce stade du projet ». La troisième et dernière phase est déjà en cours d’instruction et devrait être finalisée en juin 2025.
Quelles sont les études supplémentaires attendues concernant le risque d’explosion ?
Les risques d’explosion sont sur deux niveaux distincts : l’un concerne les déchets MA-VL (moyenne activité à vie longue) [1], l’autre, les déchets HA (haute activité) [2]. S’agissant des déchets MA-VL, à ce stade de l’instruction dans le cadre de la sûreté en exploitation, l’IRSN juge que le risque est géré de façon satisfaisante. Des études sont déjà planifiées dans les années à venir pour progresser sur la gestion du risque explosion lors de la phase de fermeture. Concernant les déchets HA, la démonstration de sûreté est aujourd’hui basée sur l’atteinte d’un environnement à 1% d’oxygène, empêchant les risques d’explosion. À ce stade, l’IRSN ne remet pas en cause ce choix, mais attend une démonstration plus poussée de sa faisabilité. Un programme d’essais, proche d’une configuration réaliste, est donc prévu et permettra de conforter les éléments fournis pour la DAC.
Et concernant le risque d’incendies ?
En première lieu, l’IRSN a jugé que la gestion du risque incendie, du point de vue des dispositions de prévention, de limitation des conséquences et de surveillance, était satisfaisante. Notre démarche est essentiellement basée sur la prévention, en particulier sur la limitation des charges calorifiques, de manière à mettre tout en œuvre pour éviter un incendie. Pour autant, il existe un certain nombre de demandes qui nécessiteront des preuves complémentaires ultérieurement. Un premier élément correspond à la sectorisation des lieux lors d’un incendie. L’Andra a fait le choix par exemple de ne pas sectoriser les descenderies, qui sont très longues, pour gérer un feu. L’IRSN ne remet pas en cause ce choix, mais demande de compléter cette justification pour s’assurer que c’est le bon choix. Également, des études complémentaires sont attendues sur les durées d’intervention par les équipes spécialisées pour éteindre un feu en profondeur.
Image conceptuelle 3D du site de stockage Cigéo
En quoi consiste l’adaptabilité de Cigéo au stockage des déchets de l’inventaire de réserve ?
La démonstration de sûreté de Cigéo s’axe à la fois sur un inventaire de référence, mais également sur une adaptabilité à un inventaire de réserve. L’inventaire de référence regroupe l’ensemble des déchets des installations nucléaires qui ont déjà reçu une autorisation. L’inventaire de réserve, lui, prend en compte les incertitudes liées notamment à la mise en place de nouvelles filières de gestion de déchets (FA-VL) ou les déchets associés à des évolutions de politiques énergétiques, par exemple le stockage des combustibles usés dans le cas de l’arrêt du retraitement. Dans ce cadre, l’Andra a aussi intégré au cours de l’instruction de la DAC les déchets issus de la prolongation de la durée de vie des installations nucléaires ainsi que ceux issus des six futurs réacteurs EPR2.
Quelles sont vos attentes pour la dernière phase ?
Jusqu’ici nous sommes satisfaits du déroulement de l’instruction. Dans un premier temps, les résultats du GP1 (premier groupement de thématiques évaluées lors de l’expertise du Dossier de Demande d’Autorisation de Création, ndr), jugés matures et robustes, ont permis de poursuivre l’instruction sur l’évaluation de sûreté en exploitation. Cette seconde phase a également été jugée à un niveau satisfaisant tel qu’attendu à ce stade d’une DAC. Il subsiste néanmoins certains éléments supplémentaires à affiner. Ceux-ci ont pris la forme d’engagements qui ont été intégrés à plusieurs échéances dans la temporalité du projet Cigéo. Concernant l’ultime phase sur l’évaluation de sûreté après-fermeture, nous souhaitons également avoir une démonstration qui soit suffisante au stade de la DAC et qui permette d’apporter les éléments finaux démontrant que le projet de stockage géologique Cigéo répond au but initial : stocker les déchets les plus radioactifs avec le niveau de sûreté attendu sur le long terme. ■
[1] Pour les colis de déchets MA-VL, le risque d’explosion provient de la formation de dihydrogène lors de la radiolyse des matières organiques contenues dans les déchets (résines, eau, etc.). L’arrêt du renouvellement d’air dans les alvéoles peut conduire à une accumulation de dihydrogène dans des zones peu ventilées, augmentant le risque d’ATEX.
[2] Pour les colis de déchets HA, le dihydrogène est majoritairement engendré par la corrosion anoxique, due à l’humidité environnante de la roche hôte, des matériaux métalliques, tels que le chemisage en acier des alvéoles et les conteneurs de stockage.
Propos recueillis par François Terminet (Sfen)
Image : Essai de creusement d’une alvéole HA au laboratoire souterrain au CMHM de l’Andra, Source : Andra