La Chine au cœur du nucléaire de demain ?
Le 23 juin, le réacteur à eau pressurée EPR à Taïshan en Chine a été raccordé au réseau électrique après neuf années de construction. Après un ralentissement post-Fukushima, la Chine continue aujourd’hui de développer son parc nucléaire. Quelles sont ses ambitions ?
Tour d’horizon sur les réacteurs de 3ème génération dont l’EPR
L’EPR est un réacteur à eau pressurisée (EPR pour European Pressurized Reactor) français. Il fait partie de la troisième génération de réacteur, plus puissant (1750MWe), plus sûr. Cette génération comprend notamment les réacteurs à eau bouillante japonais ABWR (1350 ou 1700MWe) et ESBWR (1520 MWe) construits par Toshiba et Hitachi, l’AP1000 (1250MWe) un réacteur à eau pressurisée américain développé par Westhinghouse, ou encore le réacteur coréen APR 1400 de Kepco. Les industriels chinois, la China National Nuclear Company (CNNC) et la China General Nuclear Power Corporation (CGN) développent chacun un réacteur Hualong 1, sur la base de leurs technologies respectives ACP1000/ACPR1000+, AP1000 et EPR. Pour faire converger les deux technologies, la Hualong Pressurized water reactor Technology Corporation (HPR) a été inaugurée en mars 2016. En outre, le troisième électricien nucléaire State Power Investment Corporation Ltd. (SPIC) développe un réacteur de forte puissance CAP1400 (env. ~1500Mwe).
Plusieurs réacteurs EPR sont en construction dans le monde : une tranche en Finlande (Olkiluoto), une tranche en France (Flamanville), deux tranches au Royaume-Uni. Enfin, deux tranches sont déjà en service en Chine. La Chine développe plus que jamais d’importantes capacités de construction, véritable facteur du succès des chantiers nucléaires chinois, afin de répondre d’une part aux objectifs de développement du parc nucléaire national mais également dans l’ambition, aujourd’hui affichée, d’exporter ses réacteurs.
Les ambitions nucléaires chinoises
Le 23 juin dernier, le deuxième EPR construit en Chine a été couplé au réseau électrique à la centrale de Taishan. Avec 45 réacteurs en exploitation, représentant une capacité installée de 45,9 GWe et 11 en constructions au premier semestre 2019, la Chine aura bientôt une production nucléaire plus importante que celle de la France (58 réacteurs répartis sur 19 sites, représentant une capacité installée de 63,1 GWe).
A la suite de Fukushima, la Chine a renforcé la sûreté de ses centrales en augmentant les effectifs de l’Autorité de sûreté nucléaire (NNSA) et en réalisant 13 milliards de dollars de travaux sur le parc existant. Elle a également pris la décision de ne plus construire que des réacteurs de troisième génération et de geler les sites en bord de rivière.
Après trois années de pause dans son programme de construction, le gouvernement chinois a annoncé en 2019 reprendre un rythme de construction soutenu de nouveaux réacteurs pour atteindre son objectif de 120-150 GW d’ici à 2030 ; c’est environ le double de la production américaine qui possède en 2019 le plus important parc nucléaire du monde avec 97 réacteurs en activité. Un projet ambitieux qui suppose l’ouverture de 6 à 8 chantiers par an. La Chine s’en donne les moyens, on a par exemple vu l’ouverture de 19 chantiers sur la période 2009-2010.
La Chine souhaite également maîtriser toute la chaîne du combustible. Pour l’extraction, on peut citer les investissements dans les mines d’uranium de Husab et de Rio Tinto en Namibie qui viennent diversifier l’apport en uranium. En dehors de la Namibie, l’uranium provient du Kazakhstan, de l’Ouzbékistan, du Canada et de l’Australie. A noter aussi les usines situées dans le Sichuan et en Mongolie intérieure pour la fabrication d’assemblages de combustible.
Dans sa politique énergétique, la Chine a déjà intégré la gestion à long terme de ses déchets radioactifs, notamment ceux à vie longue. En avril 2019 le Conseil d’Etat chinois a lancé le permis de construire pour un premier laboratoire souterrain pour les déchets de haute activité à Beishan (Province du Gansu). Comme la France, la Chine a fait le choix du « cycle fermé » intégrant le recyclage des combustibles usés et la fabrication de nouveaux combustibles MOX. ORANO négocie avec la CNNC la vente d’une usine commerciale de traitement recyclage sur le modèle de l’usine française de la Hague.
L’industrie nucléaire chinoise a acquis des compétences pointues de l’ingénierie, à la gestion de projet, en passant par des métiers très techniques et convoités aujourd’hui en Europe, comme le soudage. Ces compétences, la Chine compte bien les utiliser à l’export. Les réacteurs Hualong One Karachi-2 et Karachi-3 (1080 MWe) au Pakistan doivent être mis en service fin 2021.
A noter que le mix électrique chinois provient principalement des centrales à charbon (environ 75 %), de l’hydraulique (environ 13 %). La part du nucléaire reste faible, 4,2 % du mix électrique en 2019.