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« La France est le pays où il y a le plus de centrales nucléaires par habitant – 19 centrales pour 58 réacteurs. Plusieurs sont en cours de démantèlement. J’ai commencé à photographier ces édifices il y a plus d’un an (NDLR en 2014), fasciné par ces grandes structures que l’on aperçoit au loin et que l’on finit par oublier. Au-delà des chiffres ou d’un discours militant, je voulais montrer la vie quotidienne à côté de ces « monstres » construits par l’homme.
J’ai démarré mon sujet intitulé « Des centrales et des hommes » à Fessenheim – je ne savais pas que j’allais me retrouver au milieu de manifestants qui commémoraient le troisième anniversaire de Fukushima et qui réclamaient la fermeture immédiate de la plus vieille centrale de France encore en activité. Pourtant, malgré la présence de centaines de militants anti–nucléaires, les images ne m’ont pas plu – j’avais un peu le même sentiment que lors d’une manifestation anti-mariage gay qui ne part pas en cacahuète. Je ne recherchais pas une image qui choque, mais une image qui interpelle.
Par la suite, je suis allé dans le Loiret, l’Ain, la Drôme et l’Ardèche. C’est dans le Bugey, près de Lyon, que la scène avec la femme passant la tondeuse dans son jardin m’a inspiré. C’est à partir de là que j’ai reproduit ce schéma : une vie normale au premier plan, et ces « cheminées gigantesques » au second. Les réactions que j’ai pu recueillir depuis sont contradictoires : d’un côté, on me demande si j’ai un discours militant anti–nucléaire, et de l’autre si je ne rends pas plus humaines ces centrales. Pourtant, j’essaie simplement de montrer la réalité. Si le réchauffement climatique et le danger que représentent ces centrales sont des sujets qui m’intéressent, je ne prends pas position.
Généralement, les locaux que j’ai rencontrés ne se plaignaient pas de la centrale qui leur était voisine – certains regrettaient juste de ne pas avoir de réduction sur leurs factures d’électricité. Aussi, une telle installation est une gigantesque source d’emploi.
Je n’ai pas particulièrement eu de problème pendant mon reportage. La législation concernant la photographie de centrale est trouble, encore plus quand on y rajoute le plan Vigipirate. Même les gendarmes que j’ai croisés ne savaient pas trop quoi me dire. J’ai juste eu quelques problèmes une fois – dans la même journée, je me suis fait arrêter quatre fois. Un gendarme excité a menacé de me « fracasser » mon appareil si je n’effaçais pas certaines photos. Néanmoins, bien sûr, certains employés ont refusé de se faire photographier et il y avait des journées où je ne faisais aucune photo.
Pour mon prochain projet, toujours inspiré par la transformation du paysage français, j’aimerais travailler sur les lignes à haute tension, avec sans doute le même schéma. »
Pour en savoir plus : Dimitri Roulleau-Gallais exposera à Valence (Drôme) à l’occasion de la Fête de la Nature.
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Un portfolio signé Dimitri Roulleau-Gallais, photojournaliste.
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