Avenant au contrat stratégique de filière nucléaire, quelles évolutions ?

Le 15 avril 2021, trois ministres (de l’économie, des finances et de la relance, de l’industrie et de la transition écologique), ont signé un avenant au contrat stratégique de la filière nucléaire. Le point avec Hervé Maillart, coordonnateur du Comité de pilotage stratégique de la filière nucléaire et en charge de cet avenant.
Hervé Maillart, pourquoi un avenant au contrat stratégique de la filière nucléaire signé en janvier 2019 ?
Nous avons commencé à travailler sur un avenant l’été dernier car des mises à jour étaient nécessaires. En effet, il était important de tenir compte de la publication de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) 2019-2028[1], de l’avancement des projets d’amélioration de la qualité de l’avancement des projets d’amélioration de la qualité chez les grands donneurs d’ordre[2] et bien sûr du plan de relance[3] annoncé par le gouvernement en septembre 2020, découlant des enjeux soulevés par la crise sanitaire. Cet avenant a été signé le 15 avril 2021, par les ministères concernés, représentés par Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance et Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance, chargée de l’Industrie, le CSFN lui-même représenté par Xavier Ursat, les grands donneurs d’ordre EDF, CEA, Orano, Framatome et Andra, et les syndicats CFDT, FO, CFE-CGC et CFTC.
Le plan de relance au secteur nucléaire prévoit une enveloppe de l’Etat de 470 M€. Le CSFN a avancé sur l’orientation à donner pour maintenir les compétences indispensables à la filière et soutenir la compétitivité des entreprises par leur modernisation. Comment avez-vous procédé et quels thèmes ont été retenus ?
Pour soutenir les PME/ETI sensibles de la filière ou accompagner leur croissance, un fonds d’investissement est créé, financé à 100 M€ par l’Etat et abondé de 100 M€ par EDF (soit un total de 200 M€). Dans une première phase, ce seront 50M€ injectés par l’Etat + 50M€ EDF, et la même somme une fois que cette première phase sera consommée. Ce fonds vise le renforcement de la solidarité au sein de la filière à destination des PME/ETI, comprenant en particulier un meilleur accompagnement par les grands donneurs d’ordre des entreprises sensibles en difficulté. L’Etat accompagnera cet engagement, grâce notamment à l’appui de la Médiation des entreprises, pour renforcer encore les bonnes relations entre donneurs d’ordre et sous-traitants.
En parallèle, l’objectif est également de renforcer les compétences critiques nécessaires pour l’avenir (par exemple en matière de soudage), et soutenir la modernisation industrielle de la filière, (modernisation des capacités industrielles, soutien à des projets de relocalisation). 100 M€ sont prévus pour ce deuxième objectif. En particulier, la création d’une Université des métiers du nucléaire (UMN) vise à dynamiser les dispositifs de formation du secteur nucléaire aux échelles régionale, interrégionale et nationale, notamment sur les compétences critiques. L’UMN permettra de créer des centres de formation, de mettre en place un système de bourses pour accélérer les recrutements dans les métiers en tension des jeunes en valorisant les profils d’excellence, et de créer un portail des métiers et des formations destinées à une cible « grand public ».
Troisième orientation, la R&D où le financement s’élève à 200 M€ répartis entre 100 M€ du plan de relance et un complément jusqu’à 100M€ via le Plan d’investissement d’avenir (PIA). Les orientations portent notamment sur la recherche sur le multi-recyclage du combustible, la création et la rénovation de deux installations expérimentales du CEA[4], les projets « Usine du futur » permettant de lever un certain nombre de verrous technologiques (jumeau numérique, production additive…) et sur le développement de solutions innovantes pour la gestion des déchets radioactifs.
Enfin, les 70 M€ restants financés par le PIA, concernent des projets particuliers, comme la réalisation de l’avant-projet sommaire du Small Modular Reactor (SMR) français, le Nuward, mais aussi le projet de Technocentre dont la vocation est de valoriser les métaux très faiblement radioactifs (TFA) issus du démantèlement en France.
Quel est l’état d’avancement des projets PIA ?
La signature de l’avenant au Contrat stratégique de filière a été l’opportunité de dresser un premier état des lieux. Sur la trentaine de dossiers complets déposés à l’appel à projet, 20 projets lauréats ont été retenus pour un soutien à l’investissement, à la R&D et à la modernisation de l’industrie nucléaire. Ces 20 premiers projets lauréats, – dont Bernard Controls chez qui a été signé l’avenant -, totalisent près de 114 M€ d’investissements industriels bénéficiant d’un accompagnement de France Relance, pour un montant total de près de 32 M€ (10 entreprises PME, 6 ETI, 8 grandes entreprises). Ils visent d’une part à moderniser, développer ou (re)localiser des sites industriels au service de la filière électronucléaire afin de renforcer leur compétitivité, et d’autre part à développer la recherche et développement des projets dits « d’Usine du futur » permettant de concevoir et d’intégrer les techniques de l’usine numérique et de lever les verrous technologiques à leur performance. Devant le succès de tous ces projets, le gouvernement a décidé de maintenir ouvertes les candidatures jusqu’en septembre 2021.
Un suivi de l’avancement de chacune des actions contenues dans ce plan de relance sera mis en place au niveau du CFSN, en cohérence avec les actions déjà lancées à la suite du contrat de filière signé en janvier 2019.
[1] Sfen – Nos travaux « Consultation projet de Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) », mise à jour juillet 2020 – https://www.sfen.org/positions/consultation-projet-de-programmation-pluriannuelle-de-lenergie-ppe/
[2] Rgn « Plan excell EDF, point d’avancement au 15 octobre 2020 » – https://www.sfen.org/rgn/plan-excell-edf-point-avancement-15-octobre-2020
[3] Le gouvernement français a présenté le 3 septembre 2020 le plan « France Relance », une feuille de route pour la refondation économique, sociale et écologique du pays, inscrite dans un contexte de crise sanitaire majeure. Objectif, bâtir la France de 2030. 100 milliards d’euros sont dédiés au plan de relance, 40 % financés par l’Union européenne et des fonds mobilisables par les États membres jusqu’en 2026. Sur ce montant, 35 milliards d’euros vont à l’industrie, selon 4 axes : décarboner, (re)localiser, moderniser et innover.
[4] Projet d’extension NEWTAM visant à élargir les capacités d’essais sismiques de la plateforme TAMARIS exploitée par le CEA et créée pour répondre aux besoins de qualification sismique des équipements de l’industrie électronucléaire ; projet d’installation PLINIUS 2 visant l’amélioration de la sûreté des réacteurs nucléaires et l’étude des accidents graves.