Allemagne : les subventions aux renouvelables revues à la baisse
Allemagne – Suivant l´accord de coalition, le ministre en charge du dossier, Sigmar Gabriel, Président du SPD, Vice-Chancelier et Ministre de l’Economie et de l´Energie a présenté en janvier 2014 au conseil des ministres son projet de réforme sur le « tournant énergétique » (Energiewende). Un projet qui vise surtout à freiner la hausse des coûts de subventions aux énergies renouvelables, à stabiliser la surcharge les prochaines années à son niveau actuel et répartir celle-ci plus équitablement.
Le document ministériel a suscité de nombreuses critiques des organisations de défense de l’environnement, des anti-nucléaires et de partis politiques comme les Verts ou la gauche radicale Die Linke. Environ 30 000 personnes ont manifesté en mars dans plusieurs grandes villes allemandes pour protester contre le ralentissement des subventions aux renouvelables. Mais également les Länder – même gouvernés par le SPD – ont réclamé des modifications notamment concernant les subventions et le développement de l’éolien.
Après audition des Länder et des groupements concernés, le Gouvernement et les 16 Länder se sont entendus le 1er avril sur la réforme de la loi sur les énergies renouvelables (« EEG ») et le projet de loi EEG 2014 a été approuvé par le gouvernement le 8 avril. La loi ne contient pas encore les détails sur les futurs dégrèvements accordés à l´industrie forte consommatrice d´électricité. La Commission européenne s’était intéressée au dossier pour établir si les rabais des industriels allemands leur conféraient un avantage indu par rapport à leurs concurrents européens.
En effet, actuellement 2 100 entreprises sont exemptées pour un montant en 2014 de 5,1 milliards d’euros. La loi sera complétée à ce sujet après accord final avec Bruxelles. Après des négociations de plusieurs semaines un accord existe entre le Gouvernement Fédéral et la Commission européenne sur l’étendue de cet abattement aux entreprises dans le futur, pérennisant des dégrèvements importants aux entreprises grandes consommatrices d’ énergie.
Cette loi devrait être adoptée avant juillet par le Bundestag (Parlement) et le Bundesrat (Chambre haute), puis entrer en vigueur en août 2014.
Les principales mesures de la nouvelle loi sur les renouvelables
Les droits acquis des installations existantes ainsi que la priorité des renouvelables dans le réseau sont maintenus. Mais des excès de subvention seront supprimés et pour certaines technologies, le tarif garanti de rachat réduit pour les nouvelles installations.
Subventions revues à la baisse pour les nouvelles installations renouvelables
Actuellement la moyenne des aides aux énergies renouvelables, toutes filières confondues, s´élève à 170€/MWh. Pour les nouvelles installations il est prévu de réduire les subventions à 120€/MWh en moyenne soit une baisse d´environ 30%. Ce but doit être atteint par l’accent mis sur le développement des technologies de renouvelables les plus économes, notamment l´éolien terrestre. En outre les taux de subvention à l’électricité des nouvelles installations – à l’exclusion du solaire – seront abaissés. Pour l’éolien en site à haute productivité le prix garanti doit diminuer de 10 à 20%. Pour la biomasse, un ensemble de subventions sera éliminé.
Le développement des énergies renouvelables sera encadré
La loi fixe que d’ici à 2025 leur part dans la consommation passera de 40 à 45%, d’ici 2035 de 55 à 60%. Ce schéma directeur fiable devrait ainsi faciliter la synchronisation avec le développement du réseau. 2,5 GW maximum en solaire et éolien terrestre pourront être installés annuellement, au-delà les subventions supporteront des réductions supplémentaires. Pour l´éolien marin l’objectif est abaissé à 6,5GW en 2020 et 15GW en 2030 donc moins que prévu initialement. La construction d’installations de biogaz sera drastiquement réduite à 100MW/an, en raison de leur coût élevé et de l’incitation à la monoculture de plantes telles que le maïs.
Les énergies renouvelables seront plus exposées au marché
Jusqu’à présent les exploitants de réseaux achètent le courant aux producteurs des renouvelables à des prix garantis sur 20 ans et le revendent au prix du marché. Dès la promulgation de la nouvelle loi, les nouvelles installations de plus de 500kW devront vendre directement sur le marché et toucheront une prime de commercialisation, couvrant la différence par rapport au prix garanti. Le seuil sera abaissé à 250kW en 2016 et 100kW en 2017. A compter de 2017, il est prévu de recourir à l´appel d´offre pour déterminer le niveau des primes aux nouvelles installations. La construction d´un parc éolien ou d´une ferme solaire sera attribuée au moins disant. L´investisseur supportera les aléas des prix du marché.
Les « pierres angulaires » de la réforme du tournant énergétique
L´image montre la situation future (année 2020) du tarif d´achat de l´électricité en Allemagne avec une part de 35% de renouvelables à la consommation d´électricité (actuellement 25%). La demande électrique restante sera assurée par les centrales conventionnelles.

Le problème : le prix de l´électricité au marché de gros est actuellement inférieur à 40€/MWh ce qui couvre à peine les frais d’exploitation des centrales mais pas les frais d’investissement. Les bilans des centrales à gaz et à charbon sont de plus en plus souvent dans le rouge. La plupart des centrales conventionnelles sont actuellement exploitées dans un « Energy-only-Market », soit une rémunération de la production électrique au prix du marché, sans tenir compte des frais de mise à disposition de la capacité. C’est un peu comme si on ne payait les pompiers que pour l’eau utilisée dans l’extinction d’un incendie, en oubliant tous les frais liés à la mise à disposition rapide du personnel, entretien des matériels etc… Actuellement 42 demandes d’arrêt de centrales sont déposées auprès de l’Agence des Réseaux : leur acceptation entraînerait une perte jusqu’à 10 000 Megawatt de puissance conventionnelle.
Les centrales nucléaires sont également touchées. E.ON prévoit d’arrêter la centrale de Grafenrheinfeld en Bavière fin mai 2015 soit 7 mois avant la date butoir prévue par la Loi Atomique. La raison en est le manque de rentabilité dû à la taxe sur le combustible exigible lorsque le combustible est mis en cuve et rendu critique pour la première fois. Cette taxe – combustible pèse lourdement sur les coûts de production des centrales nucléaires (surcoût : 10- 15€/MWh). Le gouvernement veut éviter que les opérateurs ne ferment leurs centrales fossiles pour cause de rentabilité insuffisante et a décidé de mettre en place des mécanismes assurant le maintien des capacités nécessaires des centrales conventionnelles sur le marché. Mais la nouvelle loi « EEG 2014 » ne contient pas de solutions concrètes, d’application ou de calendrier.
Les points à retenir
- Compte tenu du maintien des droits acquis pour les installations existantes et du coût déjà très élevé de la surcharge des renouvelables, la hausse des prix pourra être freiné sans que le montant des subventions, lui, ne diminue. Les subventions prévisionnelles pour 2014 vont dépasser les 23 milliards d’euros.
- La plus grande part de cette charge est supportée par les ménages qui, pour 25% de la consommation, paient 8,3 milliards d’euros soit 35% de la surcharge « renouvelables ». Un ménage moyen, avec une consommation de 3 500 KWh, paie 220€ nets/an pour la subvention des renouvelables.
- Le plus grand réservoir d’économies se trouvait dans le secteur industriel. Les industriels auront à payer plus pour l’énergie mais conformément à l´accord avec la Commission européenne ils conserveront une bonne partie de leurs avantages.
- Il ne semble plus y avoir d’obstacle majeur à une réforme rapide de l’EEG. Mais cette loi ne sera qu´un début, car elle ne réglera en rien les problèmes de développement du réseau, de manque de capacité de stockage, l’avenir des centrales conventionnelles et l´objectif de réduction des gaz à effet de serre (le gouvernement constate dans son rapport de monitoring annuel que l´objectif de réduction de 40% en 2020 par rapport à 1990 ne sera pas atteint avec les mesures actuelles).