Uranium : un marché à surveiller dans une période charnière

Le cours du minerai brut a fondu de près de 40 % en un an, malgré des tensions importantes sur certains pays clés. L’évolution contrastée des prix offre peu de lisibilité alors que d’importants investissements sont nécessaires pour répondre à des perspectives de demande renforcée à long terme.
Alors que les exportations sont presque à l’arrêt au Niger et que des problèmes opérationnels affectent Kazatomprom, la tendance reste baissière pour l’uranium. Les avertissements des groupes miniers ne suffisent pas à secouer l’attentisme d’opérateurs perturbés par l’impact des fluctuations diplomatiques et douanières.
Repassé sous la barre des 70 dollars en janvier, le cours de l’uranium se maintient à un niveau historiquement élevé, mais loin du pic du premier semestre 2024. La deuxième partie d’année a pourtant créé des signaux porteurs, comme la confirmation du rôle pressenti du nucléaire pour répondre à l’appétit énergétique de l’intelligence artificielle ; ou les mesures de rétorsion russes aux sanctions américaines sur les importations d’uranium enrichi.
Dans son analyse technique de janvier, l’investisseur spécialisé dans le nucléaire Sprott Asset Management avance l’hypothèse que l’attentisme domine pour l’heure chez les acteurs de marché. Consommateurs comme producteurs puisent dans leurs stocks pour leurs besoins courants, et reportent leurs décisions d’achat et d’investissement.
Les avertissements du secteur minier
« Nous sommes sur une courbe décroissante dont je pense que beaucoup de nos clients n’ont pas conscience« . Rapporté par le Financial Times, ce commentaire récent d’un haut dirigeant du canadien Cameco suggère l’état d’esprit d’une industrie minière qui multiplie les avertissements sur le risque de pénurie à moyen-long terme, mais que le signal prix actuel rend hésitant dans ses décisions d’investissements.
Un discours qui se double aussi de considérations sur la sécurité énergétique. Exporté vers ses clients européens et américains via Saint-Pétersbourg, l’approvisionnement en uranium kazakh est fragilisé. Sans compter la progression des intérêts économiques russes et chinois signalée par de nombreux analystes, qui absorbent une partie de plus en plus importante de la production.
Incertitudes commerciales et diplomatiques
Face à ces risques, le Canada cherche notamment à augmenter sa production et se positionner comme fournisseur essentiel des réacteurs occidentaux. Sauf que le retour de Donald Trump à la Maison Blanche s’accompagne d’une imprévisibilité majeure, en particulier sur les droits de douane, même si les produits énergétiques sont soumis à un taux plus faible.
Ce paysage instable limite la fiabilité des prédictions à partir du prix spot de l’uranium. Ne représentant que 15 % des ventes (le reste est fixé par des contrats à terme), ce marché a aussi connu des volumes d’échanges à un niveau très faible l’an dernier, selon une note de recherche de la banque Morgan Stanley, citée par le site d’informations financières Market Index. Un repère important donc, mais qui reflète autant les croyances de ses participants que les fondamentaux techniques de la production. ■