Transparence : la France peut faire « Cocorico »
En matière de transparence, l’industrie nucléaire française est exemplaire. Depuis plusieurs années, les exploitants et les autorités ne sont plus les seuls acteurs de la sûreté et de la sécurité nucléaire. La société civile – élus, associations, citoyens – s’engage elle aussi au travers des commissions locales d’information (CLI) et de l’ANCCLI, la fédération qui rassemble ces CLI.
L’été dernier, la loi sur la transition énergétique a même étendu les prérogatives de ces commissions. Pourtant, ces instances manquent encore de moyens pour assurer les missions qui leurs sont confiées, regrette Jean-Claude Delalonde président de l’ANCCLI depuis une dizaine d’années. Par ailleurs, vice-président de Nuclear Transparency Watch (NTW), il souhaite que cette jeune association cesse d’être perçue comme un « repère d’antinucléaires ». Echanges.
Quelle est l’actualité de l’ANCCLI ?
Jean-Claude Delalonde – 2015 a été une année très riche. Suite aux élections départementales, les Commissions Locales d’Information (CLI), composées pour moitié d’élus locaux et nationaux, et présidées par le Président du Conseil Départemental, ont été fortement réorganisées. Sur les 36 CLI, 24 nouveaux présidents ont été désignés !
Par ailleurs, sur les 1 500 élus membres de CLI, les trois quarts ont changé ! Aujourd’hui, il y a un vrai besoin de formation et d’information de ces personnes, pleines de bonne volonté, mais encore profanes sur les questions de sûreté et de sécurité nucléaire. C’est d’autant plus important que les autorités, ASN et Gouvernement, leur demandent de se prononcer sur une multitude de sujets : accompagnement de la loi sur la transition énergétique, prolongation de durée d’exploitation des centrales, cuve de l’EPR, 4èmes visites décennales, etc.
En France, le nucléaire français est-il transparent ?
JCD – La France est le seul pays au monde qui dispose d’un cadre légal sur la transparence nucléaire.
Ce dispositif unique permet de réunir autour d’une même table les « pour » et les opposants au nucléaire, et ainsi de faire bouger les lignes. Le débat contradictoire permet d’enrichir et de faire avancer la sûreté nucléaire qui est l’affaire de tous.
Qu’est-ce que la loi sur la transition énergétique va changer pour vous ?
JCD – Cette loi est une formidable avancée. D’abord, elle instaure quelque chose que nous demandions depuis plusieurs années déjà : l’obligation pour les CLI d’organiser des réunions publiques et de contribuer ainsi au développement la culture du risque chez les Français. La 5e campagne de distribution de comprimés d’iode qui est organisée actuellement s’ancre pleinement dans cette démarche puisqu’elle vise à développer la « culture de radioprotection » de la population française.
Autres avancées de la loi : elle donne la possibilité aux Présidents de CLI de demander à l’exploitant – qui ne peut plus refuser – d’organiser une visite des installations suite à un évènement significatif de niveau 1. La loi prévoit également que les CLI soient consultées lorsque le Plan particulier d’intervention (PPI) est révisé. Cependant, toutes n’ont pas les moyens de monter un groupe de travail, de faire des propositions, d’analyser les documents produits par l’Etat, etc.
Quels sont les besoins de l’ANCCLI et des CLI ?
JCD – Nous demandons simplement l’application de la loi de 2006 qui prévoit le financement des CLI. A ce jour, les CLI et notre fédération ne sont pas financées par une partie des 600 millions d’euros issus de la taxe INB comme le prévoit la loi. Notre budget vient de l’Etat qui nous alloue – de manière variable – un montant inférieur au million d’euros depuis deux ans. Ce manque de moyens nous empêche de mener à bien des expertises indépendantes. Nous devons donc nous appuyer, entre autres, sur l’ASN et l’IRSN pour les expertises.
Par ailleurs, en matière de consultation, la transmission des dossiers est trop tardive. Compte-tenu de nos moyens, il faut laisser davantage de temps aux CLI pour étudier des dossiers complexes et volumineux.
Peut-on exporter le savoir-faire de l’ANCCLI et des CLI ?
JCD – La France n’a pas à rougir du dispositif qu’elle a mis en place en matière de transparence. Nous pouvons même faire « Cocorico » !
Avec le soutien de la Commission européenne, nous avons conduit un processus qui a permis la création de Nuclear Transparency Watch (NTW), qui n’est autre chose que la version européenne de l’ANCCLI. Notre idée est simple : nous préférons un nucléaire qui fonctionne, comme en France, et que l’on prenne pour modèle ailleurs en Europe, plutôt qu’un nucléaire avec des accidents.
Je regrette cependant que la SFEN ne s’investisse pas dans « NTW ». Aujourd’hui, cette association est perçue à tort comme un repère d’antinucléaires ! Aussi, j’invite la SFEN et tous les membres de la société civile qui sont favorables au renforcement de sûreté nucléaire en Europe à venir faire entendre leur voix. NTW doit être un lieu de dialogue où les idées se confrontent pour améliorer la sûreté.
Crédit photo : EDF