Suède : une bouffée d’air pour le nucléaire
Le 10 juin, cinq des huit partis de gouvernement suédois – dont le parti écologiste et les sociaux-démocrates – annonçaient d’un commun accord la fin de la taxe nucléaire pour 2019. Une bouffée d’air pour les énergéticiens qui ouvre la voie vers un renouvellement du parc et de nouvelles constructions.
En 2000, une taxe sur les capacités nucléaires installées remplaçait la loi de 1984 qui taxait la production nucléaire, augmentant au fil des ans pour représenter environ 25 % du coût de production. Les électriciens suédois avaient exercé un recours contre cette taxe auprès de la Cour européenne de justice. En vain.
Les électriciens y voient plus clair
Annonçant la fin de cette taxe nucléaire, l’accord est salué par Vattenfall, exploitant des réacteurs de Forsmark au nord de Stockholm et Ringhals, sur la côte sud-ouest du pays. Pour Markus Hall, PDG de l’électricien, l’accord donne aux producteurs la visibilité dont ils avaient besoin : « l’abolition de cette taxe est une condition importante pour nous. Elle nous permet d’envisager des investissements à long terme pour moderniser nos réacteurs des années 1980 ». En effet, si les réacteurs de Ringhals et Forsmark ont fait l’objet d’un important programme de modernisation, il faut encore, pour les exploiter au-delà de 2020, les doter d’un système indépendant de refroidissement du cœur. Travaux que la taxe nucléaire rendait impossibles.
Toutefois, « même sans la taxe sur les installations nucléaire, la rentabilité reste un challenge » rappelle Magnus Hall. « Les prix bas de l’électricité mettent les producteurs sous pression et nous devons continuer à réduire nos coûts de production. Bien sûr, les décisions d’investissement seront prises sur des bases économiques, prenant en compte tous les facteurs et le développement de marchés que cet accord laisse envisager ».
Vers un renouvellement du parc ?
Outre la suppression de la taxe nucléaire, l’accord du 10 juin ne fixe aucune date de sortie du nucléaire. 2040 est, tout au plus, un objectif pour atteindre un système électrique 100 % renouvelable. Si un exploitant l’ose, il peut même construire un nouveau réacteur nucléaire : l’accord le permet. Mais l’Etat ne lui accordera aucune aide financière. De fait, une dizaine de réacteurs pourraient venir remplacer les réacteurs vieillissants. Par ailleurs, le fonds de responsabilité des exploitants pour faire face aux conséquences d’un accident nucléaire est triplé, s’élevant désormais à 1 200 millions d’euros.
Si l’atome n’est plus aussi lourdement taxé, les énergies vertes continuent de bénéficier de subventions : 18 TWh supplémentaires par an de capacités de production renouvelables sont prévus jusqu’en 2030.
Ces nouvelles subventions risquent, à terme, de paralyser encore un peu plus le marché de l’énergie des pays du Nord de l’Europe. Mais si l’Allemagne, le Danemark et les autres voisins de la Suède se désengagent rapidement des énergies fossiles, sans les compenser par de nouvelles capacités de production, les prix s’orienteraient de nouveau à la hausse et l’atome suédois s’exporterait, mobilisé pour équilibrer le réseau électrique régional.
Cette hypothèse fait déjà l’objet d’un consensus politique : les trois centrales suédoises, produisant plus d’un tiers de l’électricité nationale, voient leur démantèlement s’éloigner.
Restent la question de la sécurité du réseau qui devra absorber de plus en plus d’énergies intermittentes et celle de la gestion des déchets radioactifs. Deux sujets que les politiques aborderont… plus tard.
Il n’en reste pas moins que cet accord est une bonne nouvelle. Les exploitants ont besoin de politiques cohérentes pour investir dans leurs outils de production. L’exemple suédois qui, sans oukase, se donne le temps de la transition énergétique, doit pouvoir inspirer d’autres pays dans le développement de bouquets énergétiques bas carbone.
Grâce au nucléaire et à l’hydraulique, la Suède est l’un des rares pays d’Europe – dont la France, la Suisse et l’Islande – et du monde à produire plus de 80 % de son électricité avec des énergies bas carbone. La Suède exploite dix réacteurs nucléaires sur trois sites : Forsmark et Ringhals (exploités par Vattenfall) et Oskarshamn (exploité par OKG, filiale de l’Allemand E.ON), fournissant 34 % de son électricité. Quatre réacteurs devraient toutefois être fermés d’ici à 2020.
Suède : Accord de politique énergétique (en anglais)