[Série EPR Flamanville] Cinq questions pour comprendre les premiers pas du nouveau réacteur français

Montée en pression et en température, divergence, paliers de puissance… Le programme des mois à venir de l’EPR de Flamanville est chargé pour alimenter à pleine puissance le réseau national en électricité bas carbone.
Le 28 mai 2024, la Sfen organisait un webinaire exceptionnel sur le thème : « Démarrer un EPR : le chargement ». Les 241 assemblages de combustible sont en place dans la cuve de l’EPR de Flamanville et le couvercle est désormais fermé. Le démarrage du réacteur et sa montée en puissance sont désormais en ligne de mire. Alain Morvan, directeur du projet Flamanville 3, et Christophe Quintin, inspecteur en chef de l’ASN, ont répondu à toutes les questions sur ce sujet.
#EnDirect des opérations de démarrage de #Flamanville 3 : les 52 goujons de la cuve ont été serrés. La cuve du réacteur, chargée de ses 241 assemblages d’uranium, est désormais fermée ✅ pic.twitter.com/7YSPz27Z5o
— EDF EPR Flamanville (@EDFEPR) May 28, 2024
1. Quel est le planning pour l’EPR de Flamanville ?
Dans son exposé, Alain Morvan ne s’engage pas sur des dates précises : « Je veux absolument qu’on travaille en toute qualité et en toute sûreté », explique-t-il. Pour autant le calendrier est assez clair. Globalement, le directeur de l’EPR Flamanville évoque 7 mois de mise en service. Après le chargement du 8 au 15 mai, la cuve a été fermée. « Nous allons progressivement nous diriger vers le remplissage complet du circuit primaire », explique-t-il.
La première étape sera « la non objection (de l’ASN) du passage jusqu’à 110 degrés qui est réglementaire ». Ce qui ouvrira la voie à la divergence (la première réaction nucléaire) en juillet 2024.
L’étape suivante sera l’atteinte de 25 % de puissance, qui nécessite là encore le feu vert de l’ASN, et marquera le raccordement au réseau prévu pendant l’été 2024. Un dernier palier réglementaire est fixé à 80 % avant d’atteindre la pleine puissance.
2. Quand aura lieu le premier arrêt de Flamanville ?
Le premier arrêt interviendra après un taux d’usure du combustible qui a été défini à l’avance. « Il n’y aura pas de prolongation de cycle sur le premier cycle de fonctionnement de l’EPR », précise Alain Morvan. La durée du cycle est de 385 JEPP (jour équivalent pleine puissance). Cela conduit à un arrêt vers la fin de l’année 2025, modulo les puissances atteintes lors des phases d’essais initiaux. L’arrêt sera essentiellement réalisé sur l’année 2026.
3. Pourquoi le couvercle de la cuve n’a pas été remplacé avant le démarrage ?
En raison de ségrégation carbone dans le couvercle de cuve, l’ASN a demandé son remplacement. Il sera réalisé au premier arrêt de tranche de l’EPR. EDF a reçu l’autorisation de faire un premier cycle complet avec le couvercle d’origine. Le futur couvercle de Flamanville est en cours d’achèvement dans les usines Framatome de Châlon. Il reste des éléments à finaliser sur la fabrication, mais aussi sur l’aspect réglementaire pour qu’il soit « conforme aux exigences de sûreté, avec son attestation de conformité », expliquent Alain Morvan et Christophe Quintin.
Le nouveau couvercle sera mis à disposition d’EDF au cours du second semestre 2024. Une fois livré à la centrale de Flamanville, il devra encore subir une phase de préparation en vue d’une introduction dans le bâtiment réacteur. « Le besoin de production d’énergie pour la France faisait que nous n’allions pas attendre plusieurs mois que le couvercle soit disponible avant de démarrer », explique Alain Morvan.
4. Comment ont été pris en compte les retours d’expérience sur la turbine de l’EPR d’Olkiluoto en Finlande ?
Pour ce qui est de la turbine, il n’y a pas vraiment lieu de comparer, car il ne s’agit pas des mêmes modèles, expliquent les deux experts. À Flamanville, il s’agit de la turbine Arabelle d’Alstom – repris par General Electric depuis – bien connue en France. En Finlande, c’est une turbine Siemens qui a connu des difficultés. Malgré tout, ces problèmes ont été étudiés en vue du démarrage de l’EPR de Flamanville et pour étayer le bagage technique des équipes d’EDF.
5. L’EPR de Taishan-1 a connu des aléas en lien avec les assemblages combustible. Quelle prise en compte en France ?
Le phénomène de fluctuation du flux neutronique dans le cœur de l’EPR est un phénomène déjà vu sur les réacteurs en France, mais d’amplitude faible. Cela provient de variation des lames d’eau qui circulent à l’intérieur du cœur entre les assemblages. Les causes sont comprises et les propositions faites à l’ASN pour faire face à ce phénomène ont été validées par ce dernier.
Un deuxième phénomène a été identifié à Taishan : la dégradation du combustible. Cela était lié aux grilles qui maintiennent les crayons. EDF a réalisé un traitement thermique spécifique sur les grilles des 64 assemblages qui sont situés en périphérie du cœur de l’EPR Flamanville. Cela a nécessité de refabriquer une série d’assemblages avec ces grilles modifiées, « pour s’affranchir de tout risque de rupture des ressorts qui maintiennent les crayons du combustible en cas de sous-exposition neutronique », explique Alain Morvan.
Un troisième phénomène rencontré a été la corrosion des gaines du combustible. Lui aussi a déjà été observé sur le parc nucléaire français et a été corrigé avec une évolution des alliages utilisés. En Chine, des faiblesses ont été identifiées. En effet, à chaque arrêt tranche, les assemblages sont scrutés individuellement pour détecter toute trace d’oxydation et des mesures sont réalisées par instrumentation pour mesurer le taux d’oxydation. Pour ce qui est du combustible de Flamanville qui est neuf, il n’y aura pas de problème lors du premier cycle et les assemblages seront scrutés en détail lors du premier arrêt de tranche.■