Séisme du 11 novembre 2019, sûreté assurée sur les centrales nucléaires

A la suite du séisme survenu le lundi 11 novembre 2019 dans la vallée du Rhône où se situent notamment les centrales nucléaires du Bugey, Saint Alban, Cruas-Meysse et Tricastin, la SFEN fait le point. A retenir, seule la centrale de Cruas-Meysse a été mise temporairement à l’arrêt pour réaliser des vérifications, par prévention.
Un séisme, un des plus forts enregistrés sur une centrale nucléaire française
Selon les premières informations, un séisme s’est produit le 11 novembre 2019 au Teil en Ardèche, à environ 10 km à l’ouest de Montélimar, à une dizaine de kilomètres de la centrale nucléaire de Cruas Meysse (Ardèche) et à une trentaine de kilomètre du site du Tricastin (Drôme). Le séisme s’est caractérisé par une secousse de plusieurs secondes, à proximité de l’épicentre et il a été ressenti dans le sud-est de la France, « jusqu’à Saint-Etienne, Grenoble, Lyon, Montpellier et Marseille »[1].
Ce séisme, bien que modéré, est le plus important ressenti sur une centrale nucléaire française depuis le séisme de Sierentz le 15 juillet 1980, enregistré avec une magnitude de 4,7 et qui avait eu lieu à 25 km de la centrale nucléaire de Fessenheim.
Selon les différentes sources, le séisme du Teil aurait enregistré une magnitude locale comprise entre 5,1 et 5,4, ; une magnitude de moment de 5,0… qui correspondrait à une magnitude des ondes de surface de l’ordre de 4,5[2] (la magnitude désigne l’énergie libérée par un séisme).
En attendant de connaître très précisément le niveau exact de ce séisme, il est important de prendre en compte l’accélération du sol mesurée sur place : c’est elle qui sollicite les bâtiments et les systèmes.
Des accélérations enregistrées sur un capteur à la centrale de Cruas, mise à l’arrêt pour vérifications, par prévention
Des accélérations ayant été enregistrées par un capteur de la centrale de Cruas, EDF a décidé de procéder à des contrôles complémentaires et préventifs et suspendre momentanément la production des réacteurs n°2, 3 et 4, le jour même.
L’accélération sismique désigne / caractérise le mouvement du sol lors du séisme. Elle caractérise l’intensité du séisme, qui dépend de sa magnitude, de la distance et de la profondeur de l’épicentre mais également de la composition du sol.
Il faut préciser que le séisme fait partie intégrante des risques pris en compte dès la conception d’une centrale. Et chaque centrale, selon sa situation géographique, sa géologie et les niveaux de séisme enregistrés historiquement dans la région, fait l’objet d’un calcul de dimensionnement. Chaque centrale nucléaire est aussi équipée d’un système de détection et d’enregistrement des séismes qui permet de détecter la moindre vibration sur le site. Ce système repose sur des capteurs placés à différents endroits et très sensibles. Ils se situent notamment au niveau du radier (environ – 3,5 m et 0 m) et du bâtiment réacteur (environ +20 m), ainsi qu’un capteur en « champ libre » (c’est-à-dire au niveau du sol en dehors d’un bâtiment). Ces systèmes sont reliés à la salle de commande du réacteur afin de prendre immédiatement les mesures nécessaires en cas de séisme, à commencer par la mise à l’arrêt, en préventif, du réacteur concerné.
En cas de séisme ressenti sur le site, les opérateurs chargés de la surveillance 24h/24 et 7 j/7, toute l’année, sont préparés à prendre une décision d’arrêt manuel de l’installation. A Cruas, un seul capteur, situé sur un bâtiment hors zone nucléaire, a atteint le seuil d’alarme à partir duquel sont déclenchées des investigations destinées à vérifier que les structures et systèmes du réacteur n’ont pas subi d’avaries. Les réacteurs ont été arrêtés pour procéder à ces contrôles visuels des bâtiments et cette vérification des matériels.
Premières observations rassurantes
Les premières investigations montrent l’absence de dommage visuel sur l’ensemble des réacteurs. Par précaution, des contrôles complémentaires et préventifs se poursuivent : les structures de la centrale, les dispositifs d’ancrages et toutes les tuyauteries vont être inspectés. « Le redémarrage des réacteurs pourrait avoir lieu dans quelques jours, sous réserve de l’approbation de l’Autorité de sûreté nucléaire », a précisé EDF lors d’un point presse le 12 novembre.
Des normes de conception dimensionnées pour faire face aux risques extrêmes
Les normes de conception et de construction des installations nucléaires procurent des marges importantes par rapport au séisme retenu. Par exemple, les impacts du séisme de ce 11 novembre sur les infrastructures conventionnelles (routes, habitations, etc.) ont été évalués, au niveau le plus fort, entre 6 et 7 sur l’échelle macrosismique européenne qui compte 12 niveaux. Les centrales françaises sont conçues pour résister, avec des marges importantes, à des séismes de niveau 8 à 9 sur l’échelle MSK, comparable à l’échelle macrosismique européenne. En cas de séisme de niveau 8-9, l’objectif est qu’il n’y ait pas d’impact sur les installations nucléaires.
Calculs pour le risque sismique et donc le dimensionnement d’une centrale
La maîtrise du risque sismique repose sur la connaissance de l’aléa sismique. Dans le cas des installations nucléaires, cet aléa est déterminé pour chaque site.
En identifiant le séisme de la plus haute intensité ayant eu lieu dans la région, on obtient alors un indicateur, le « Séisme maximum historiquement vraisemblable » (SMHV). Cet indicateur est majoré (d’un demi degré sur l’échelle de Richter et d’un degré sur l’échelle MSK) et arbitrairement positionné sous le site, afin d’offrir une marge de sûreté : c’est le Séisme majoré de sécurité (SMS).
Un séisme n’est pas associé à la seule magnitude mais à une gamme d’intensités locales. La magnitude (échelle de Richter) traite de l’énergie libérée par la rupture de la faille à l’origine des secousses alors que l’intensité (l’échelle MSK) concerne l’effet des secousses à un endroit donné.
L’échelle Medvedev-Sponheuer-Karnik (MSK) caractérise le niveau de sévérité locale des effets de la secousse sismique. Elle comprend douze niveaux[3], le premier correspondant à l’enregistrement des secousses par les instruments et le douzième à d’importants changements du paysage et à la destruction de toutes constructions. Les centrales sont conçues pour résister, avec des marges significatives, à des séismes de niveau 8 à 9 sur l’échelle MSK.
La centrale de Cruas, construite sur des appuis parasismiques
La centrale nucléaire de Cruas a par ailleurs été construite sur des appuis parasismiques en élastomère, interposés lors de la construction entre les fondations et les principaux bâtiments afin d’atténuer les ondes sismiques. Le SMS est calé à 0,25 g, alors que la valeur d’accélération maximale enregistrée ce 11 novembre sur le site a été de 0.0455 g, soit 6 fois moins que SMS. La technologie mise en place à Cruas a d’ailleurs fait l’objet d’un brevet déposé par EDF et Spie Batignolles, exportée en Afrique du Sud pour la réalisation de la centrale nucléaire de Koeberg, dans la région de Cape Town.
Autre renforcement, les mesures post-Fukushima
L’aléa sismique est revu lors de chaque réexamen de sûreté, tous les dix ans, en tenant compte de l’évolution des connaissances. De plus, après l’accident de Fukushima, l’ASN avait demandé à l’ensemble des exploitants nucléaires en France d’engager des évaluations complémentaires de sûretés (ECS). Elles portaient en particulier sur la conformité aux référentiels des dispositifs de tenue au séisme et aux inondations, sur la robustesse des installations significativement au-delà des aléas auxquels elles ont été dimensionnées et, enfin, sur les possibilités de modifications susceptibles d’améliorer encore le niveau de sûreté actuel des installations. Dans ce cadre, EDF a procédé à un certain nombre de travaux pour améliorer, renforcer la sûreté de chacun des réacteurs. A titre d’exemple, on peut citer les moyens suivants :
– Renforcement ou élévation de talus ou de digues, renforcement de l’étanchéité des bâtiments,
– Renforcement de la protection inondation de postes électriques,
– Renforcement de la robustesse au séisme de certains matériels électriques,
– Renforcement de supports et ancrages.
La SFEN complètera cette première information au fur et à mesure de l’avancement des analyses et investigations.
[1] Source IRSN du 12/11/2019
[2] Un séisme peut être caractérisé par sa magnitude ainsi que sa profondeur. On distingue plusieurs échelles de magnitude :
– la magnitude locale : magnitude estimée à partir de l’amplitude maximale des ondes de volume,
– la magnitude de moment : magnitude estimée à partir de l’énergie contenue dans le signal sismologique,
– la magnitude des ondes de surface : magnitude estimée à partir de l’amplitude maximale des ondes de surface.
[3] https://www.irsn.fr/FR/connaissances/Installations_nucleaires/La_surete_Nucleaire/risque_sismique_installations_nucleaires/Pages/2-Comment_mesure-t-on_la_force_des_seismes.aspx#.XcrKJzNKi70