Relance du nucléaire : la Suisse rouvre le débat
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La Suisse pourrait prendre un important virage afin d’assurer son approvisionnement en électricité et l’atteinte de la neutralité carbone en 2050. Albert Rösti, ministre de l’Environnement, des transports, de l’énergie et de la communication a en effet déclaré vouloir revenir sur la loi interdisant la construction de nouvelles centrales nucléaire.
Le petit pays de 8,7 millions d’habitants souhaite renouer avec la neutralité technologique afin d’assurer l’approvisionnement électrique et l’atteinte de ses objectifs climatiques. Autrement dit, le Conseil fédéral (le gouvernement suisse) remet sur la table l’option nucléaire alors que la Loi sur l’énergie nucléaire interdit la construction de nouvelles unités depuis son entrée en vigueur en janvier 2018. Albert Rösti, ministre de l’Environnement, des transports, de l’énergie et de la communication a même évoqué le site de Mühleberg pour accueillir un nouveau projet.
« De l’électricité pour tous en tout temps »
Le sujet nucléaire est revenu sur la table le 28 août 2024, lorsque le Conseil fédéral a réagi à l’initiative populaire « De l’électricité pour tous en tout temps (Stop au blackout) » déposée en début d’année et ayant recueilli plus de 129 000 signatures. L’exécutif a en réponse proposé un contre-projet indirect, c’est-à-dire un projet d’acte étroitement lié à l’initiative, mais ne le reprenant pas tel quel pour diverses raisons. Le gouvernement clarifie ainsi sa position :
« La Suisse vise l’objectif zéro émission nette d’ici 2050, ce qui implique le remplacement intégral des énergies fossiles par de l’électricité respectueuse du climat. Les besoins en électricité vont donc augmenter, en lien aussi avec la croissance démographique », juge le Conseil. « L’option initialement prévue de remplacer l’électricité manquante par des centrales à gaz n’est plus viable aujourd’hui en raison de l’objectif zéro émission nette », clarifie-t-il [1]. Ce changement de posture est également motivé par les incertitudes géopolitiques : « la situation tendue de l’approvisionnement énergétique en Europe depuis 2022 signifie que l’électricité manquante ne peut pas être remplacée par des importations en quantité appropriée à tout moment, comme on le supposait jusqu’alors ».
Un retour à la neutralité technologique
« L’octroi d’autorisations générales pour la construction de centrales nucléaires est interdit », énonce sans ambiguïté l’article 12a de la Loi sur l’énergie nucléaire. Cet article proposé par le pouvoir politique a été validé par référendum en 2017 obtenant 58,2 % de soutien[2] avec un taux de participation de 42,3 % lors de la votation. À noter cependant que les Suisses ont rejeté en 2016 la loi qui visait à interdire les constructions et à limiter l’exploitation des réacteurs à 45 ans.
Pour mettre fin à l’interdiction du renouvellement du parc nucléaire, le gouvernement argumente que : « Si les centrales nucléaires doivent un jour être mises à l’arrêt, il faudra compenser l’électricité manquante par d’autres installations de production en Suisse. Il reste à savoir si le développement des énergies renouvelables sera assez rapide pour couvrir à temps les capacités manquantes et le besoin croissant en électricité ». Il ajoute : . « C’est pourquoi le Conseil fédéral entend favoriser l’ouverture aux différentes technologies pour planifier de manière responsable la sécurité de l’approvisionnement en électricité. L’interdiction de construire de nouvelles centrales nucléaires n’est pas compatible avec l’objectif de l’ouverture aux différentes technologies […] ». L’atome produit tout de même un tiers de l’électricité suisse avec quatre réacteurs soit une capacité de 2,9 GW.
Le Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication soumettra au Conseil fédéral une modification correspondante de la loi sur l’énergie nucléaire d’ici fin 2024. La consultation devrait durer jusqu’à fin mars 2025 et le Parlement débattra ensuite de l’initiative et du contre-projet. ■
Gaïc Le Gros (Sfen)
Crédit photo ©Fabrice Coffrini (AFP) – Centrale nucléaire de Goesgen
[1] https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques/communiques-conseil-federal.msg-id-102240.html
[2] https://www.lemonde.fr/europe/article/2017/05/21/les-suisses-appeles-a-se-prononcer-sur-l-abandon-progressif-du-nucleaire_5131268_3214.html