Quel réchauffement climatique ? Enjeux majeurs, solutions multiples - Sfen

Quel réchauffement climatique ? Enjeux majeurs, solutions multiples

Publié le 21 juillet 2020 - Mis à jour le 8 février 2022
NOTE 4 - Urgence climatique: peut-on se passer de l’énergie nucléaire?

Chaque demi-degré compte et tous les moyens disponibles pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) doivent être associés afin de limiter le réchauffement climatique. D’autant que ses conséquences, réparties de façon très inégalitaire à la surface du globe, varieront fortement selon que la hausse des températures sera de +1,5 °C ou de +2 °C d’ici à 2100. L’énergie nucléaire a un rôle central à jouer dans un modèle énergétique multiple interconnecté.

Alors que la problématique du climat est bien ancrée dans les débats publics [1], les émissions de gaz à effet de serre continuent à augmenter. En effet, les engagements pris par les gouvernements lors des Accords de Paris, signés en 2015 visent à ralentir la hausse des émissions, ce qui implique une hausse des émissions de GES jusqu’en 2030. Mais « à ce rythme-là [d’augmentation des émissions, ndlr], nous allons vers un réchauffement d’environ 3 °C à l’horizon 2100 au sens climat, c’est à dire moyenné sur une trentaine d’années », explique Valérie Masson-Delmotte, climatologue et coprésidente du groupe de travail n° 1 du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), qui évalue les aspects scientifiques du système climatique et de l’évolution du climat.

L’objectif affiché par les Accords de Paris est de contenir l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels et même à intensifier l’action menée pour limiter l’élévation de la température à 1,5 °C. En accord avec ces engagements politiques, le GIEC s’est intéressé aux études scientifiques mondiales [2] qui analysent les différents impacts d’un réchauffement climatique moyen de la terre de 1,5 °C et de 2 °C en lien avec l’hypothèse d’une baisse rapide des émissions de GES.

Chaque demi-degré compte

Premièrement, il est important de souligner que le réchauffement climatique et ses conséquences seront géographiquement inégalement répartis ; deux à trois fois plus important dans l’Arctique et généralement plus important sur les terres qu’au-dessus des océans. Deuxièmement, le réchauffement climatique aura des conséquences plus ou moins irréversibles, ce qui implique que sa trajectoire fait varier les risques encourus : élévation du niveau de la mer, dérèglement voire disparition d’écosystèmes, sécheresses, pluies torrentielles, etc. En effet, les impacts « dépendent notamment du pic de température et de sa durée. Dans l’ensemble, les risques sont plus importants si le réchauffement climatique dépasse 1,5 °C avant de revenir à 1,5 °C d’ici 2100 que si le réchauffement climatique se stabilise progressivement à 1,5 °C, en particulier si la température de pointe est élevée (par exemple, environ 2 °C). Certains impacts peuvent être durables ou irréversibles, comme la perte de certains écosystèmes [3] », précise le rapport du GIEC.

Avec +2 °C, le risque de feux de forêts double dans le bassin méditerranéen par rapport à une trajectoire à +1,5 °C. L’occurrence d’évènements extrêmes sera également plus élevée, les épisodes de grand froid seront de plus en plus rares et les canicules de plus en plus fréquentes. À noter qu’en France, le record absolu de température de 2003, 44,1 °C à Conqueyrac dans le Gard, a été battu dans plus d’une dizaine de stations Météo France en juin 2019 avec un nouveau record de 45,9 °C à Gallargues-le-Montueux, dans le Gard également.

Sur 105 000 espèces étudiées, 9,6 % des insectes, 8 % des plantes et 4 % des vertébrés devraient perdre plus de la moitié de leur aire de répartition géographique [4] dans le cas d’un réchauffement climatique de 1,5 °C, contre 18 % des insectes, 16 % des plantes et 8 % de vertébrés pour un réchauffement climatique de 2° C. « Les impacts associés à d’autres risques liés à la biodiversité tels que les incendies de forêt et la propagation d’espèces envahissantes sont moindres selon que l’on se situe à +1,5° C ou à +2° C de réchauffement climatique », précise également le GIEC.

Cette différence de 0,5 degré modifie l’ampleur de l’élévation du niveau de la mer : entre 4 et 16 centimètres d’ici à 2100 (+1,5 °C) contre 26 à 77 centimètres dans le cas d’un réchauffement à 2 °C. À Brest, le niveau de la mer a déjà augmenté de 30 centimètres en trois siècles selon le Service hydrographique de la Marine (SHOM). Les îles, les espaces archipélagiques, les espaces côtiers et les deltas connaîtront un risque accru d’inondations mais aussi de salinisation des eaux et des sols pouvant provoquer une crise agroalimentaire. « À long terme, c’est-à- dire après 2050, les évolutions climatiques vont dépendre radicalement des choix qui seront faits et des émissions de gaz à effet de serre à venir dans le monde », analyse Valérie Masson-Delmotte.

 

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De multiples solutions à combiner…

L’avenir bas carbone de la France relève d’une combinaison de solutions et non d’une solution miracle : nucléaire, renouvelables, hydrogène décarboné, réseaux intelligents (smart grids), transformation des habitudes de consommation, efficacité énergétique, etc. Néanmoins, l’électricité décarbonée est désignée comme un vecteur essentiel et, en son sein, le nucléaire est appelé à jouer un rôle central en offrant une électricité abondante, pilotable et disponible. Les finalités électrogènes et non électrogènes du nucléaire (hydrogène, chaleur, désalinisation) sont ainsi étudiées de très près dans plusieurs pays, notamment en Chine avec les réacteurs à haute température refroidis au gaz (HTGR) et au Japon qui redémarre son réacteur à haute température (HTTR).

… notamment pour décarboner les transports, premier secteur émetteur de CO2 en France

En France, les transports demeurent le premier secteur émetteur de CO2 (29 %), devant le résidentiel-tertiaire (17 %), l’agriculture (16,7 %), la branche énergie (9,9 %), l’industrie manufacturière et construction (10,7 %) [5]. C’est même « le seul secteur dont les émissions ont augmenté de façon continue depuis 1990 », relève RTE dans son rapport sur l’électromobilité (2019). Les solutions actuellement envisagées et développées sont multiples : réduction des émissions des moteurs à combustion, déploiement des voitures électriques et à hydrogène. L’efficacité de ces deux derniers vecteurs dépend du caractère bas carbone de leur production ainsi que de leur disponibilité. La France vise aujourd’hui une augmentation du parc automobile électrique de 1 million de véhicules à l’horizon 2022-2023 à 4,8 millions en 2028 [6].

Pour l’hydrogène décarboné, l’objectif est de 10 % dans l’industrie en 2023 et de 20 à 40 % dès 2028 [7]. Aujourd’hui, la production mondiale d’hydrogène se fait pour 96 % [8] à base de combustibles fossiles (reformage de gaz, gazéification de charbon, etc.) et conduit à l’émission d’environ 8 à 13 tonnes de CO2 par tonne d’hydrogène produite. Au niveau mondial, ce sont environ 830 millions de tonnes de dioxyde de carbone par an, soit l’équivalent des émissions de CO2 du Royaume-Uni et de l’Indonésie réunis, ou encore de l’ensemble des émissions du secteur aérien [9]. En France, la production d’hydrogène est aujourd’hui responsable de l’émission de 11,5 Mt de CO2, soit environ 3 % [10] des émissions nationales. La production d’hydrogène par électrolyse, à l’aide d’une électricité bas carbone, permettrait à la France de produire un hydrogène décarboné à grande échelle. La production annuelle de 630 000 tonnes (soit 60 % de la consommation actuelle d’hydrogène) d’hydrogène bas carbone par an représenterait près de 6 MtCO2/an évitées en France, soit 46 millions de tonnes de GES en moins sur la période 2020-2035. Une fois décarboné, l’hydrogène pourra à son tour aider à la réduction des émissions de CO2 des transports RTE estime par exemple que « la substitution du diesel à hauteur de seulement 10 % des poids lourds par de l’hydrogène décarboné, éviterait l’émission de 2 millions de tonnes de CO2 par an ».

+ d’infos 

 


92 % des Français sont convaincus que le changement climatique est une réalité et 62 % de manière certaine, « Observatoire international climat et opinions publiques », EDF, 2019.

 

Le GIEC ne mène pas de recherches mais rend compte des résultats de la littérature scientifique.

 

GIEC, « Summary for Policymaker »

 

Zone délimitant la répartition géographique d’une espèce vivante.

 

Agence européenne pour l’environnement, 2018.

 

RTE, « Enjeux du développement de l’électromobilité sur le système électrique », 2019.

 

Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), mars 2020.

 

AFHYPAC « Production et consommation d’hydrogène aujourd’hui », février 2016, Paris.

 

Agence internationale de l’énergie, 2019.

 

Chiffre du ministère de la Transition écologique et solidaire.

 


Par Gaïc Le Gros, SFEN. L’article se base sur les présentations faites lors du colloque « Climat et énergie : agir pour un développement durable » à l’Institut national des sciences et techniques nucléaires (INSTN) début mars.

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