« La PPE devra être visionnaire »

Après avoir exprimé mi-décembre à l’agence Bloomberg sa confiance dans l’avenir de l’énergie nucléaire, Dominique Louis, PDG d’Assystem, témoigne devant notre caméra de sa préoccupation face au risque climatique et en appelle à la « vision » de ceux qui élaboreront la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).
Pourquoi investir dans Framatome ?
Dominique Louis – Assystem est née dans la filière nucléaire dès le milieu des années 1960 et pendant plusieurs décennies nous avons été son partenaire exclusif, avant de nous ouvrir géographiquement. Dès le début nous avons privilégié une grande proximité avec les acteurs de la filière pour gagner en compétence, pour être en mesure de comprendre leurs attentes. Pour ces raisons, dès la fin des années 1980 nous avons eu une relation capitalistique avec la Cogéma qui a durée, sous une forme qui a évoluée, jusqu’en 2005. Cette prise de participation dans Framatome permet de recréer ce lien formel entre Assystem et la filière.
Quel est le défi énergétique majeur aujourd’hui ?
D.L. – Je suis convaincu du risque posé par le changement climatique et de son amplification année après année et pour moi, la question prioritaire c’est comment on réduit les émissions de gaz à effet de serre. Lorsque l’on regarde la situation française, la production d’électricité est pratiquement totalement décarbonée. Dans ce contexte, se donner comme objectif la réduction de la part du nucléaire c’est pour moi être climatosceptique. La réduction de la part du nucléaire pourra être une conséquence mais ne peut pas être un objectif en soi.
Qu’attendez-vous de la prochaine Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) ?
D.L. – J’attends de ceux qui vont l’élaborer qu’ils soient aussi visionnaires que l’ont été les pères fondateurs du programme nucléaire français dont la France tire encore les bénéfices. Or il y a désormais des arguments nouveaux qui prônent en faveur du nucléaire. De surcroît, lorsque l’on regarde autour de nous, en particulier l’Allemagne, on peut en tirer des enseignements. Se précipiter pour sortir du nucléaire pour être ensuite obligé de refaire les centrales à charbon ce n’est pas la meilleure des options. Par ailleurs, les énergies renouvelables doivent encore démontrer qu’elles sont capables de remplacer de façon significative les énergies fossiles, et ce n’est pas du tout acquis. Pour ces raisons je ne crois pas du tout à un mix énergétique 100 % renouvelable.
Dans ce contexte il faut être visionnaire. Il vaut probablement mieux regarder un horizon 2050 qu’un horizon 2025. Et si on regarde un horizon 2050, à l’échelle de la planète la démographie aura augmenté, et donc vraisemblablement les besoins énergétiques. Tout cela pousse à considérer que le nucléaire devrait être une des composantes de la transition énergétique mondiale. Pour autant, le point faible du nucléaire c’est le temps nécessaire dans la mise en œuvre des projets. Il est donc urgent que les gens qui élaborent la PPE sachent à la fois se projeter en 2050 et décider aujourd’hui des bonnes options en matière de centrales à construire, à moderniser et à fermer.
Le marché nucléaire peut-il rebondir ?
D.L. – Le principal problème du nucléaire aujourd’hui est son acceptabilité par les populations. Or une majorité de la population sur la planète s’inquiète du changement climatique et accepte l’idée de son origine anthropique. Cela va prendre un certain temps mais la majorité de la population va comprendre cet effet de ciseau entre l’urgence climatique et le fait que les renouvelables ne seront pas une solution suffisante de remplacement, en particulier des énergies fossiles. On le constate puisque des études montrent que les rejets de CO2 continuent d’augmenter alors que l’on n’a jamais fait autant de renouvelables sur la planète. L’urgence c’est de réduire drastiquement le recours au charbon dans la production d’électricité. Cela signifie que l’on va probablement retrouver dans les années à venir un niveau d’acceptabilité suffisant pour que soient lancés des programmes nucléaires à l’échelle de la planète.