PPE 3 et SNBC 3 : neuf orientations pour le nucléaire français - Sfen

PPE 3 et SNBC 3 : neuf orientations pour le nucléaire français

Jusqu’alors, la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) prévoyait de fermer 14 réacteurs nucléaires en France. Si l’on sait que cet objectif n’est plus d’actualité, la publication d’une nouvelle PPE et d’une nouvelle Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) était nécessaire pour l’officialiser. C’est désormais chose faite !

Très attendues, la 3ᵉ Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et la 3ᵉ Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) sont enfin disponibles. Présentés le lundi 4 novembre par la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, et la ministre de l’Énergie, Olga Givernet, ces documents sont soumis à une concertation publique préalable pour une durée de six semaines. Ce document, qui couvre l’ensemble des domaines énergétiques et les objectifs de décarbonation du pays, contient des points significatifs concernant le nucléaire.

La PPE et la SNBC constituent les piliers de la politique énergétique et climatique française. Élaborée en 2015, la SNBC est la feuille de route de la France pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES), avec des objectifs de réduction de 50 % des émissions brutes d’ici 2030 par rapport à 1990, et l’atteinte de la neutralité carbone à l’horizon 2050. La PPE, quant à elle, est un outil de pilotage de la politique énergétique française, qui fixe les priorités pour la production et la consommation d’énergie, en alignant les ressources et les infrastructures énergétiques avec les objectifs climatiques.

Ces plans sont en continuité avec la Stratégie française sur l’énergie et le climat (Sfec), issue d’un grand débat public organisé par Agnès Pannier-Runacher en 2023. Ils s’articulent autour de quatre piliers : le développement du nucléaire, le soutien aux énergies renouvelables, l’amélioration de l’efficacité énergétique, et la sobriété énergétique.

Que contient cette nouvelle consultation ?

La troisième édition de la SNBC et de la PPE met en avant plusieurs axes stratégiques. Pour la SNBC, un accent particulier est mis sur la décarbonation du secteur des transports, l’un des principaux émetteurs de gaz à effet de serre en France. L’objectif est de réduire les émissions en encourageant la transition vers les véhicules électriques, avec une ambition de 66 % de véhicules électriques dans les ventes et 15 % dans le parc roulant d’ici 2030. En matière d’habitat, la SNBC 3 vise à rénover annuellement 400 000 maisons individuelles et 200 000 logements collectifs pour accroître leur efficacité énergétique.

Du côté de la PPE, la part de l’électricité dans le mix énergétique devrait atteindre 39 % en 2035 (contre 25 % aujourd’hui), avec une part de 30 % pour les énergies renouvelables non électriques. L’objectif est de suivre une trajectoire qui amènerait à couvrir 54 % du mix énergétique global à l’horizon 2050 avec l’électricité.

Quels sont les points qui concernent le nucléaire ?

Ce texte confirme tout d’abord le changement de cap de l’État concernant le nucléaire. Alors que la précédente PPE envisageait la fermeture de 14 réacteurs (dont les deux tranches de Fessenheim qui ont été mises à l’arrêt en 2020), cette nouvelle orientation met désormais l’accent sur le maintien du parc nucléaire existant et le développement de nouvelles capacités. Ainsi, neuf actions spécifiques sont envisagées :

  1. Prolongation de la durée de vie des réacteurs : La PPE prévoit la possibilité de prolonger l’exploitation des réacteurs nucléaires au-delà de 50, voire 60 ans, sous réserve du respect des exigences de sûreté définies par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Les réexamens décennaux permettront de valider cette prolongation réacteur par réacteur.
  2. Amélioration de la performance des réacteurs existants : EDF est encouragée à améliorer l’efficacité opérationnelle de ses réacteurs pour atteindre une production cible de 400 TWh d’ici 2030, bien que la PPE table sur une hypothèse plus conservatrice de 360 TWh. Cette amélioration vise à renforcer la stabilité et la fiabilité de la production nucléaire française.
  3. Lancement de trois paires de réacteurs EPR2 : L’État confirme son soutien au déploiement de trois paires de réacteurs EPR2, avec une décision finale d’investissement d’EDF attendue au plus tard en 2026.
  4. Études pour un éventuel programme nucléaire renforcé : Afin de préparer la future capacité nucléaire de la France, l’État envisage un second palier d’au moins 13 GW, soit environ huit réacteurs EPR2 supplémentaires. Cette étude, en cours jusqu’en 2026, pourrait permettre une décision rapide pour une extension significative du parc nucléaire.
  5. Encouragement des SMR et réacteurs innovants : Dans le cadre du plan France 2030, l’État soutient le développement de réacteurs de petite taille (SMR) et de technologies de rupture. La PPE vise la mise en service d’un premier béton pour un SMR à eau pressurisée, ainsi que le lancement d’au moins un prototype d’un réacteur d’une technologie différente d’ici 2030. La PPE en consultation précise que l’État continuera à évaluer l’opportunité de déployer ces réacteurs en France pour contribuer à la production de chaleur, d’hydrogène, ou à la fermeture du cycle nucléaire. En outre, l’État prévoit d’identifier les sites pour leur déploiement et d’adapter le cadre législatif pour faciliter leur intégration.
  6. Poursuite de la stratégie de retraitement et de valorisation du combustible nucléaire : L’objectif est de mener à bien les travaux de renouvellement des installations de l’aval du cycle d’ici 2026 pour définir l’avenir du cycle post-2040.
  7. Stratégie de multirecyclage et développement des RNR : Des recherches sur le multirecyclage en réacteur à eau pressurisée (REP) sont en cours, ainsi que la définition de jalons pour la mise en place de réacteurs à neutrons rapides (RNR) d’ici la fin du siècle, avec les infrastructures nécessaires.
  8. Création d’une filière européenne de conversion et d’enrichissement de l’uranium de retraitement (URT) : Le document indique que la filière française continuera de travailler sur un projet européen de conversion et d’enrichissement de l’URT, afin de permettre à EDF de couvrir ses besoins à partir de 2030.
  9. Maintien de la recherche dans le nucléaire : Le CEA conduira un programme d’investissements pour maintenir une capacité de recherche dans le secteur nucléaire, garantissant à la France une expertise durable et une capacité d’innovation dans cette filière stratégique.

Le gouvernement invite les citoyens et les parties prenantes à participer activement à cette consultation pour affiner la PPE et la SNBC. La Société française d’énergie nucléaire (Sfen), après un travail interne, y apportera également sa contribution. Les participants peuvent partager leurs avis sur le site officiel de la consultation, accessible en ligne.

Par Thomas Jaquemet (Sfen)

Image : Agnès Panier-Runnacher et Olga Givernet lors de la présentation de la PPE – ©MTES