Portrait – Philippe Guiberteau : « Innover dans le démantèlement, c’est optimiser les chantiers et créer de la valeur et des emplois » - Sfen

Portrait – Philippe Guiberteau : « Innover dans le démantèlement, c’est optimiser les chantiers et créer de la valeur et des emplois »

Publié le 31 octobre 2015 - Mis à jour le 28 septembre 2021
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Philippe Guiberteau, la cinquantaine, jongle avec plusieurs casquettes. Directeur du CEA Marcoule, près d’Avignon, le jour ; il est président – et fondateur – du Pôle de valorisation des sites nucléaires (PVSI) la nuit. 

L’aventure PVSI démarre en 2014 dans le Gard, « dans la foulée des premières Assises du démantèlement ». « La demande des acteurs locaux était très forte ». L’initiative prend rapidement de l’ampleur et les principaux acteurs de l’assainissement et du démantèlement rejoignent cette -association « Notre ambition est désormais d’ancrer l’initiative durablement à l’échelon national, et, à international » précise Philippe Guiberteau avant d’ajouter que PVSI est reconnu comme « le bras armé du CSFN (NDLR : Comité stratégique de la filière nucléaire) sur les aspects assainissement et démantèlement en France. »

Le rôle de cette association ? Soutenir l’innovation dans le domaine de l’assainissement–démantèlement dans l’optique d’optimiser les chantiers et de créer une « véritable filière industrielle, génératrice de valeur, d’emplois et capable d’exporter ». Mais, prévient Philippe Guiberteau, « Il ne s’agit pas d’innover pour innover. Innover c’est trouver des moyens pour optimiser la gestion des déchets, diminuer les risques, en maîtrisant les coûts et les délais. Mais, c’est également sortir des sentiers battus ! » Au-delà de la technique, il existe d’autres champs d’innovation : des innovations organisationnelles, « il faut travailler en plateau », des innovations contractuelles « avec des contrats qui permettent de mieux gérer les risques inhérents à ce type de chantiers », des innovations réglementaires, etc. Les pratiques sont elles aussi appelées à évoluer : « l’expédition des déchets TFA de démantèlement à l’Andra implique aujourd’hui que les éléments soient découpés, puis mis dans des big-bag… Est-ce optimal ? Nous travaillons avec eux [l’Andra] pour innover et notamment mieux prendre en compte directement les déchets massifs. » PVSI a constitué des groupes de travail pour apporter des réponses là où l’innovation peut s’exprimer.

Intarissable sur son sujet, cet ingénieur chimiste formé à Strasbourg insiste sur la nécessité de « structurer la filière ». « Nos voisins allemands et suisses ont un projet équivalent » alerte-t-il. « Mais la France ne part pas trop tard ! » Pour réussir à se placer à l’export, les industriels devront « être plus compétitifs et proposer des solutions techniques différenciantes. » En France, le marché est déjà très dynamique et est une belle opportunité pour éprouver les techniques. Au CEA, les installations de recherche et du cycle du combustible de cinq sites sont concernées (Fontenay, Cadarache, Grenoble, Saclay et Marcoule). « Chez AREVA, il faudra démanteler Eurodif et certaines installations de La Hague ». Des gros chantiers de déconstruction de réacteurs existent aussi chez EDF. À l’étranger – Royaume-Uni, Allemagne, États-Unis, Japon – des installations seront également démantelées. « La France a des atouts et doit pouvoir les développer. »

Pour y arriver, PVSI souhaite construire sur le Parc Marcel Boiteux « une halle technologique », un espace à mi-chemin entre « la vitrine » et la « zone de test ». Ce « cluster » accueillera industriels, organisme de formation et de recherche. Ensemble, ils développeront des techniques innovantes pour démanteler les réacteurs expérimentaux, les installations du cycle du combustible et reprendre certains déchets. « On attend de ce travail en commun beaucoup de synergies ». Aux portes du site de Marcoule, « près des plus gros chantiers de démantèlement de -l’Hexagone », la future halle sera mise en service en 2017. Les innovations y seront présentées dans un showroom et des tests échelle 1 seront menés. « Les robots testés pourront être utilisés et qualifiés sur des chantiers en haute activité en milieu nucléaire. » Après avoir réussi ces essais grandeur nature, les innovations acquerront le label PVSI qui garantira que ces équipements sont qualifiés pour le démantèlement nucléaire.

PVSI a lancé une dynamique et « elle ne fait que commencer » prévient Philippe Guiberteau, avec un grand sourire. 

Par la Rédaction