Fessenheim : point de situation sur le chantier de déconstruction des réacteurs - Sfen

Fessenheim : point de situation sur le chantier de déconstruction des réacteurs

Publié le 21 mars 2022 - Mis à jour le 27 avril 2022

Le 17 mars l’Arcicen, l’Association des représentants des communes d’implantation de centrales et établissements nucléaires, tenait son Assemblée générale à Fessenheim. Cette rencontre était l’occasion pour les maires de visiter le site, deux ans après l’arrêt des réacteurs, et aussi de faire le point sur les premières opérations dites de « pré-démantèlement ».

Des phases réglementaires avancées

Le décret du 18 février 2020 a abrogé l’autorisation que détenait EDF pour exploiter la centrale de Fessenheim en tant qu’installation de production d’électricité. Les deux réacteurs ont été mis à l’arrêt définitif respectivement les 22 février et 30 juin 2020. Cela fait suite à la déclaration d’arrêt définitif émise par EDF le 27 septembre 2019 et la demande d’abrogation d’exploiter émise le 30 septembre. L’abrogation de l’autorisation d’exploiter a été actée par décret du 18 février 2020.

La première étape importante, après l’arrêt des réacteurs, consiste en l’évacuation des combustibles usés du site. Cela représente 99,9 % de la radioactivité présente. L’évacuation du combustible neuf restant a eu lieu dès 2020. L’évacuation du combustible usé de la tranche 1 a été réalisée en 2021. La même opération est en cours sur la tranche 2 et sera achevée en aout 2022. Une fois ces opérations terminées, le site ne sera plus soumis aux exigences liées au Plan particulier d’intervention (PPI). Il n’y aura plus de gestion de crise prévue par la préfecture ou de distribution de comprimés d’iode.

Aujourd’hui, le site a commencé les opérations de déconstruction hors zone nucléaire et prévoit un certain nombre d’opérations en préparation de la phase de démantèlement. Le dossier de démantèlement a été transmis à l’ASN en décembre 2020. Il est en instruction pour aboutir à un décret en 2025. Une enquête publique est prévue pour fin 2023. La phase de démantèlement durera environ 15 ans.

Des équipes concentrées désormais sur la réussite du projet

La grande partie des équipes a quitté le site dans les quelques mois qui ont suivi l’arrêt. La trajectoire de redéploiement du personnel EDF au sein du groupe vise à atteindre, lors du démantèlement, un effectif de moins de 10 % de l’effectif initial (740 agents). À fin 2021, le nombre de personnes sur place a été divisé par deux par rapport à 2018 (redéploiement de 370 personnes). Seules 90 personnes restent à accompagner pour la construction de leur projet professionnel.

L’émotion est grande quand on parle aux équipes des quelques jours où les mises à l’arrêt se sont déroulées en 2020. Mais les personnes présentes sont aujourd’hui concentrées sur le projet de démantèlement. Si EDF démantèle actuellement le REP de Chooz A, c’est la première fois qu’elle va démanteler une paire de réacteurs de 900MW. Il s’agit de faire la démonstration que chaque étape du cycle de vie d’une centrale, construction, exploitation, démantèlement est industriellement maitrisée. S’il n’y a pas de verrou technique attendu, chacune des opérations doit être décrite, et les études réalisées. Ainsi, le site a fini récemment la description d’un premier référentiel de sûreté pour le réacteur 1, prenant acte de la fin de l’évacuation du combustible usé.

Début du démontage

Outre l’évacuation du combustible, plusieurs opérations techniques majeures ont été réalisées depuis l’arrêt définitif des deux réacteurs. Le retrait de tous les rotors basse pression des turbines et d’un rotor alternateur a été effectué. De plus, un inventaire a été fait des pièces pouvant être démontées et réutilisées sur d’autres sites. L’entrée dans cette partie de la centrale, impeccable de propreté, mais maintenant complètement silencieuse, est frappante pour les visiteurs habitués au bruit des turbines.

Par ailleurs, les huiles et une partie de l’acide borique ont été évacuées. Les équipements qui demeurent actuellement dans la salle des machines, et qui n’ont pas trouvé de réutilisation pour des raisons techniques ou économiques, seront démontés dès la fin de l’année et valorisés sous forme de ferraille. La salle sera alors vide, et disponible pour mener des activités dans le cadre de la déconstruction.

Une étude vient d’être terminée en vue de la décontamination du circuit primaire du réacteur 1. Ce n’est pas la première fois qu’EDF réalise ce type d’opération, mais jusqu’à présent uniquement sur des parties limitées. Cette fois-ci c’est l’ensemble du circuit qui va être décontaminé.

Quel futur pour le site ?

Depuis le début de la crise en Ukraine et le retour des questions de sécurité d’approvisionnement d’ici 2030, plusieurs personnes posent la question d’un possible redémarrage de la centrale. Des verrous juridiques existent puisque l’autorisation d’exploiter a été abrogée. Il faudrait instruire et demander une nouvelle autorisation.

D’un point de vue technique, il est possible de commander du fuel et les pièces désormais manquantes dans la salle des machines. Restent quand même des obstacles. Concernant le process de décontamination, il n’a pas été qualifié pour l’exploitation. Les réexamens de sureté des deux tranches ont été réalisés simultanément et en prenant l’hypothèse de l’arrêt définitif. Ainsi, l’implantation de diesel d’ultime secours (DUS) n’a pas été étudiée. Cela représente plusieurs années d’études et de travaux non réalisés.

Interrogé sur le sujet, le maire de Fessenheim, Claude Brender, a répondu que « quitte à faire huit ans d’études et de travaux pour une installation qui fonctionnerait encore 10-15 ans, je préfère qu’on fasse huit ans d’études pour construire des SMR qui fonctionneront 60 ans ».

En attendant, EDF étudie la réalisation d’un technocentre, destiné au recyclage des matières métalliques de très faible activité, désormais autorisé par dérogation par le décret du 15 février 2022. Ce projet, qui doit faire l’objet d’un débat public d’ici 2025, pourrait voir le jour d’ici 2031 et emploierait 180 personnes. ■

Par Valérie Faudon (Sfen)
Copyright photo : SEBASTIEN BOZON / AFP

Légende : Ancien rotor du groupe turboalternateur de la salle des machines arrêtée il y a un an à la centrale nucléaire de Fessenheim, le 21 juin 2021.