Les Pays-Bas : une transition énergétique ambitieuse
Les Pays-Bas viennent de publier leur feuille de route pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. Parmi les mesures qui retiennent l’attention, celle visant à sortir complètement du gaz dans le chauffage des bâtiments résidentiels. En toile de fond, le nucléaire revient dans les débats afin d’accompagner l’électrification croissante des usages.
Les Pays-Bas sont un grand pays producteur de gaz naturel. Le gisement de Groningue, découvert en 1959, est le plus grand gisement d’Europe de l’ouest. De cette manne naturelle, a découlé une politique historiquement favorable à l’utilisation de cet énergie fossile. Aujourd’hui, pratiquement tous les foyers sont raccordés au réseau de distribution de gaz. Pourtant le Premier ministre Mark Rutte a déclaré la fin de l’extraction de gaz naturel à horizon 2030 et, plus spectaculaire encore, la fin de l’usage du gaz naturel dans l’habitat résidentiel à horizon 2050.
Risque géologique et ambition climatique
Les raisons de cette décision sont multiples. La première est une série de tremblements de terre dans le nord du pays provoqués par la surexploitation du gisement de Groningue. Les derniers en date ont eu lieu le 22 mai et le 9 juin 2019. Cette situation inédite a entrainé un consensus visant à réduire l’utilisation du gaz naturel pour des raisons de sécurité.
Cette inquiétude grandissante concernant la situation géologique de la région se double d’un impératif climatique. Les Pays-Bas sont signataires de l’Accord de Paris et le gouvernement actuel entend bien faire respecter les objectifs de réduction d’émission de CO2 imposés par l’Accord. L’adoption, cette année, d’un « Agenda vers une transition énergétique bas carbone » par le gouvernement néerlandais témoigne d’une forte ambition en matière de lutte contre le changement climatique. Parmi les objectifs, l’exécutif veut réduire les émissions de CO2 du bâtiment résidentiel de 80 % en 2050.
Dans les débats sur la politique climatique, l’accent est souvent mis sur la production d’électricité, et plus récemment sur les transports avec le développement de la voiture électrique. Mais aux Pays-Bas, 38 % de la consommation d’énergie vient du bâtiment. La moitié de celle-ci est utilisée par les bâtiments résidentiels et 89 % des habitats sont équipés d’une chaudière à gaz. Au total, le chauffage résidentiel contribue à environ 10 % des émissions de CO2 néerlandaises.
7 millions de logements concernés
Une politique climatique volontariste que certaines municipalités ont déjà commencé à mettre en œuvre. Amsterdam, Rotterdam et Utrecht, ont signé un « accord vert » pour les « quartiers sans gaz », qui permettra de déconnecter les premiers quartiers résidentiels du réseau au cours des prochaines années.
Les 7 millions de logements existants seront progressivement déconnectés et aucun raccordement au gaz ne sera prévu dans les constructions neuves. Les autorités locales auront un rôle clé dans l’accompagnement de ce processus. Ils décideront pour chaque quartier, bloc ou même maison individuelle, de la meilleure source de chauffage alternative.
La KVGN, l’association royale des compagnies de gaz des Pays-Bas, qui regroupe des acteurs majeurs tels que Shell et le gestionnaire de réseau de transport Gasunie, a présenté un programme dans lequel elle indiquait comment les Pays-Bas pourront organiser cette transition.
Selon l’association, la demande devrait diminuer de 40 % grâce à une meilleure isolation. Puis 10 % de la demande sera toujours satisfaite par des chaudières à condensation, 15 % avec des pompes à chaleur électriques, 15 % avec des pompes à chaleur hybrides et 20 % avec des réseaux de chauffage urbain. Ces derniers fonctionneront en partie sur la chaleur perdue (70 %) et en partie sur des sources géothermiques (30 %).
Le débat sur le nucléaire
Selon KVGN, le développement des pompes à chaleur (électrique et hybride) sera l’un des moyens privilégies pour se substituer au gaz naturel. Mécaniquement, le développement de pompes à chaleur augmentera la demande en électricité. Toujours selon l’association, en moyenne, la demande en électricité passera de 3 500 kWh à 5 000 kWh (en supposant une consommation d’énergie réduite de 40%). Or, à l’heure actuelle, aux Pays-Bas, seulement 12 % de l’électricité produite est bas carbone. Plus de 80 % de l’électricité provient de sources fossiles (charbon et gaz), le reste de l’énergie nucléaire et d’autres sources plus résiduelles.
Depuis l’année dernière, le développement de l’énergie nucléaire revient sur la table dans les débats publics. A l’initiative du Parti Populaire libéral et démocrate (VVD) actuellement au pouvoir, les membres de la coalition de droite ont relancé la question de l’atome. En effet, les Pays-Bas, voisins de l’Allemagne, ne connaissent pas les mêmes réticences vis-à-vis du nucléaire. Un sondage en date du 7 novembre 2018 révèle que 54 % des Hollandais sont favorables à l’utilisation de l’énergie nucléaire dans le mix électrique contre seulement 35 % d’avis défavorable. De même, l’humoriste très populaire Arjen Lubach a parodié dans un sketch diffusé à la télévision les incohérences des discours écologistes anti-nucléaires et la faiblesse des énergies renouvelables intermittentes.
Le nucléaire apparait donc comme une piste de développement sérieuse pour accompagner l’électrification du chauffage résidentiel grâce à une production d’électricité pilotable et bas carbone.